Naiyeli se surprenait à pouffer de rire devant son holocom. Elle trouvait sordide que le lapin, qui n'avait eu de cesse de crier "à poil" se trouvait si démuni lorsque se réalisait enfin son souhait : une à une ses planètes passaient à Poil. Durant ce fugitif moment, elle en oublia tout le reste, mais la lourde main spectrale qui se posa sur son épaule la ramena brutalement à une autre réalité : la sienne. L'iconoclaste eu l'impression de sentir son sang se caviter et sa poitrine s'affaisser. Il était revenu. Peut-être même ne s'en était-il jamais allé, d'ailleurs. Elle avait appris à ignorer son existence, mais comme un boomerang qu'elle jetait inlassablement celle-ci ne cessait de lui revenir au visage. Cette main, implacable et dénuée de compassion, elle avait appris à la connaître depuis bien trop d'années déjà car c'était celle de son mari. D'apparence, c'était un homme jovial qui offrait sa miséricorde à tout venant, versait méticuleusement chaque mois une rente à l'Église, souriait aux inconnus dans la rue. Mais sous le masque se terrait une brute qui n'acceptait pas la négation et qui ne craignait pas l'enfer car il en était son engeance. La suite, Naiyeli la connaissait déjà ; elle ferma les yeux.

Sous le giron d'une couverture capitonnée, elle consulta son centre de commandement. Bien qu'elle n'en était qu'une représentante, Naiyeli s'évertuait à diriger les actions de l'Iconoclastie dans une direction qui lui semblait favorable à la survie du courant de pensées. Elle semblait penser que le meilleur moyen de perpétuer son idéologie passait par une forme d'inquisition et de conversion forcée. Après tout, le catholicisme qu'elle rejetait dans son essence avait pris son essor lorsque, il y a des milliers d'années de cela, ses fervents disciples s'étaient invités chez les autochtones pour y répandre de force leur religion. Naiyeli n'était cependant pas aussi cruelle que ces colonisateurs abscons et se pensait être plus intelligente : elle savait que pour perpétuer un mouvement il fallait que celui-ci reste en cadence. Il lui fallait donc trouver un moyen de convertir des populations à l'iconoclastie en leur donnant l'impression que cette idée venait d'eux. Sa meilleure alliée était la peur, elle l'avait toujours été.

Depuis plusieurs cycles déjà, l'ombre avait été le terrain de jeu de la jeune femme. Elle avait absorbée son essence la plus pure et s'y était tapie, déployant sournoisement ses tentacules au plus profond des abysses. Le clapier venait de se refermer. Elle laissa choir sa couverture et se redressa, un sourire pernicieux illuminait son visage : elle jubilait. En s'opposant à Poil de la C.H.O.M, Lapwaliste avait servi à l'iconoclaste le meilleure prétexte pour s'emparer du reste de ses possessions planétaires et y semer les graines de l'iconoclastie. Elle s'y rendrait en tant que libératrice et bienfaitrice et les miséreux se convertiraient à son idéologie pour célébrer leur liberté regagnée.

Elle défit sa vieille bure et enfila un vêtement plus approprié aux allocutions en assemblée. Pour sa seconde prise de parole, elle ne miserait pas sur la carte de la chasteté, mais celle de la provocation. Sans d'autre préparation, Naiyeli se connecta aux canaux de l'Assemblée - et cette fois-ci, on ne lui fit pas attendre éternellement avant de lui permettre de s'exprimer.