Léger rire.

Estimant que la prise de parole en ce lieu relève de la rareté afin que la valeur de la parole prononcée s'en trouve fortifiée, notre petit royaume du Secteur 1 souhaita apporter son avis sur cette situation. Le Très Haut sait combien nous chérissons la diplomatie et nous tenterons donc de rester aussi précis que possible.

Tout d'abord, nous comprenons mal l'envie déclarée d'accélérer la vie diplomatique. Cette affirmation sous-entend que cette vie doive être rapide voire extrêmement rapide si ce n'est "météoriquement rapide". Faut-il donc forcément faire les choses dans le mauvais sens pour avoir l'impression de vivre ? Quelle drôle d'idée ? Si nous pissons vite, pissons-nous mieux ?

Le Commandant Masakaki est un inconnu dans son propre secteur : personne ne lui a envoyé de messages alors qu'il colonisait le système 0 ? Il n'a fait que cela depuis près de 20 cycles : son propre point de coordonnée n'est même pas colonisé et le Commandant Masakaki en est réduit à "acheter" des planètes dans son secteur alors qu'il part à la chasse dans le secteur 0 ? Personne ne l'a contacté et pour parfaire son isolement, il n'a contacté personne. Le Très Haut m'est témoin que la mauvaise volonté ou la paresse, au choix, ne peut qu'entraîner une transparence parfaitement entretenue.

Le Secteur 1 est loin d'être désorganisé : à ne pas s'intéresser à ses voisins et à ne s'intéresser qu'au système 0, le Commandant Musakaki a oublié de nouer des contacts. Et donc il n'en a guère (ou presque).

En ce qui me concerne, j'ai une bonne soixantaine de Messages Privés reçus et autant d'envoyés. A faire l'effort de contacter mes voisins, je me retrouve donc bien moins isolé que lui. Certes, des aventures périlleuses ont jalonné la courte histoire actuelle de mon Peuple mais je suis reconnaissant au Très Haut d'avoir semé des graines d'espoir en Secteur 1 en m'entourant de voisins pour qui la Parole doit primer.

L'ouverture du Secteur est l'objectif poursuivi par le Commandant Musakaki. Cette ouverture à la va-vite fut une erreur. Le fait accompli est le plus mauvais signal que l'on pouvait envoyer à ses voisins, Commandant Musakaki.

Maintenant, il nous est proposé une espèce de course à l’échalote où l'échalote n'est rien moins qu'une "capitale" galactique dont la prise donnerait le droit d'organiser un vote pour former un "gouvernement" galactique. Nous avons noté que la prise de cette planète et l'organisation d'élections "libres" serait le lot du vainqueur.

Le Comte Âpreterre a parfaitement raison quand il souligne que si le besoin d'avoir un Gouvernement Galactique était avéré, une bête élection privant, techniquement et de fait, la plus grande partie des civilisations de pouvoir y prétendre ne serait pas une bonne chose. Il est tout aussi important de considérer que les candidats doivent pouvoir se manifester et surtout pouvoir exercer. Pour le moment, de nombreux secteurs sont fermés et devraient le rester pour un certain nombre de cycles. Le Très Haut m'est témoin que j'espère qu'ils ouvriront leurs secteurs dans des circonstances moins "acrobatiques" que le Secteur 1 ! L'empirisme a ceci de merveilleux qu'ils savent maintenant ce qu'il ne faut pas faire.

Commandant Catalyseur, je rejoins encore le Comte Âpreterre sur le sujet des qualités nécessaires pour "gouverner" une Galaxie. Aucune élection ne transformera un bête crétin agriculteur en magnifique meneur d'hommes, en souverain adoré ou en gouverneur fin et avisé. Chaque civilisation est à même de déterminer à quelles conditions elle se pliera à des lois extérieures, même dictées depuis une planète appelée pompeusement capitale par ceux qui la veulent pour eux. Nous le rejoignons donc sur sa méfiance vis-à-vis d'une usine à gaz que vous pourriez appeler "gouvernement". Il n'est pas question d'abandonner mon peuple aux ordres d'un petit groupe tout enflé de sa propre suffisance parce qu'ils ont recueilli des votes.

Pour gouverner une Galaxie, il en faut plus. Beaucoup plus.

Dire cela, toutefois, n'est pas aimer ou vouloir la Guerre et vos insinuations vis-à-vis des intentions du Comte flirtent avec l'insulte mais aussi le racisme.

Il est regrettable de voir s'étaler de tels sentiments dans cette Assemblée alors qu'une discussion importante s'engage. Affirmer qu'il n'existe qu'une seule façon d'être "dans la droite ligne de l'avenir" est pour le moins d'un autoritarisme que, paradoxalement, vous semblez refuser : il y aurait donc de "bonnes" civilisations et d'autres qualifiées d'arriérées ou de dangereuses ?

Le Très Haut ne veut pas que nous cédions à cette facilité intellectuelle et je suis, en ce qui me concerne, parfaitement en accord avec le principe de respect des différences.

Nous observerons la course actuelle vers la capitale et nous le ferons de loin.

Nous regrettons la situation actuelle parce qu'elle ne rime à rien et ne repose sur aucun besoin réel et important. Je préfère réserver mon activité actuelle à entretenir les relations diplomatiques déjà créées et actives. Si le sujet n'était aussi important, je crois même que je pourrais rire des événements actuels !

Un homme à l'uniforme impeccable entra accompagné de 2 gardes, et prit la parole.

Commandant Catalyseur,

Les différences de chacun forment ce que le Très Haut apprécie le plus quand Il se penche sur nous tous. Le Très Haut a ceci de particulier qu'Il peut aimer plus que chacun de nous ou que la somme de tous les sentiments émanant de cette Galaxie.

Évidemment, étant mortels, nous ne pouvons nous contenter d'apprécier des parties de la Création alors qu'il L'apprécie dans sa globalité. Certains aiment "les bonus et aller vite mais alors très vite", d'autres apprécient la profondeur de l'âme, d'autres encore se contentent d'effleurer avec paresse la complexité de la Réalité en attribuant benoîtement une force à des mots sans même comprendre ce qu'il y a derrière, pas plus leurs propres fantasmes que leurs manques de clairvoyance ou l'absolue facilité de leur paresse intellectuelle.

Pourtant, le Comte Âpreterre a pointé du doigt un aspect important de ce que sera demain l'exigence principale des chefs de civilisation de cette Galaxie, s'il devait y avoir un gouvernement centralisé : que les gouvernants disposent des qualités nécessaires. Le Très Haut distribue ses qualités à tous avec générosité mais chacun décide, plus ou moins volontairement, de n'en cultiver que quelques-unes. C'est bien cette différence dans nos choix propres qui nous identifient chacun des autres.

Le Comte Âpreterre a, sur ce point, un avis qui mérite certainement que chacun le médite, s'il le peut et surtout s'il le veut. Cette réflexion est importante car elle décidera qui sera mouton et qui sera berger. Voire même un berger qui ne fera qu'être mouton au sein de la multitude !

Si la course actuelle pour la Capitale est une blague manquant cruellement d'intérêt, les questions qui seront posées après seront l'expression d'une diversité que rien ne peut représenter par des statistiques : je ne pense pas que le Très Haut perde Son temps à calculer Sa réalité. Quoi que sait-on jamais ?

Je suis optimiste et serein : il semble qu'une poignée de Commandants soit apte à la réflexion. Cela augure un avenir qui promet d'être intéressant même si la vie diplomatique a subi une accélération parfaitement incongrue et inutile !

{ Aeterna, sy 19.

Au sein du Palais du Souverain, une fourmilière s'active. De jour, comme de nuit, des dizaines de paires d'yeux se rivent sur leur travail. Car du travail, il y en a. A dire vrai, il n'y en avait même jamais eu tant.

Ouvriers, pilotes, analystes, experts, laborantins, physiciens, diplomates, médecins... la liste est loin d'être exhaustive, c'est dire si la campagne de recrutement est massive depuis une dizaine de cycles. Jamais les places n'ont été si nombreuses à la sortie des Ecoles. Et pour cause: c'est la course. Aux technologies, à l'armement, aux radars, aux expertises et analyses. Chaque jour est un dur labeur. Et ce n'est pas la Princesse Kaelyne qui pourra dire le contraire. La pauvre fille n'a qu'un court sommeil depuis trop longtemps à son goût.

Héritière par filiation du Souverain Kilij, lorsqu'il s'est avéré que la possibilité de vie en-dehors des frontières connues fut confirmée et plus près qu'on ne le pensait, ce dernier a trouvé bon de charger sa digne fille de lui confier la responsabilité de... tout. Elle qui avant même sa majorité trouvait la gestion intérieur difficile, la voilà aux commandes d'une gestion extérieure impossible, tout en conservant la première.

Définitivement, les nuits étaient beaucoup trop courtes...

Depuis peu, et très rapidement, le Palais a été agrandi, et sa surface optimisée. Il a été perçu comme une évidence d'installer des systèmes de télé-communications au sein même du siège du pouvoir exécutif. Et les récentes technologies découvertes sur le plan numérique rendent les maintenances presque quotidiennes.

Nous vous prions de nous excuser estimée Princesse, nous n'avons pas encore fini de sécuriser la liaison.

L'évidence même. Une communication officielle ne se fait pas en présence de simples techniciens. Certains avaient déjà pris le chemin vers la lourde porte de bois robuste. Les autres s'empressèrent de les suivre sur l'injection qu'ils avaient reçu.

La Princesse Kaelyne se figea.

Depuis plus de 20 cycles, son père était parti vadrouiller, comme il en avait la désagréable habitude, et surtout incompréhensible. Depuis, elle ne l'avait entretenu qu'indirectement, recevant ses conseils, ses ordres et plus encore, ignorant combien de temps elle devrait tout gérer toute seule. C'était étrange. En elle bouillonnait un sentiment de colère, et de satisfaction. Toute la pression de ses derniers cycles retombait, et elle fondit en larmes lorsqu'une main chaude se posa doucement sur son épaule.

Essuyant ses larmes, tâchant d'être forte, de surmonter ce débordement d'émotions, la petite Princesse reprit le fil de ses obligations, et tourna des talons vers la sortie.

Il se retourne sur elle.

Et la porte se ferma sur le Souverain, seul dans la pièce.

Il démarra le système, et se présenta sur l'interface de capture vidéo.

L'homme retransmis en direct à l'Assemblée, s'inclina. Ses riches parures brodées pouvaient en dire long sur les richesses et la noblesse de la Dynastie.

Par ailleurs, en tant que marchand, supputerais-je que cette avance vous destine au contrôle de plus d'une Contrebande, ce qui vous placerait dans une situation de quasi monopole dangereux.

Le Souverain s'arrêta un temps. Il avait livré ses réflexions, sans crainte aucune. Et poursuivit.