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Cdt. Yerog
Respect diplomatique : 693 03/11/307 ETU 18:40 |
Message édité -
Score : 18
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Je suis un homme sans visage. Je cache ma laideur sous ce masque de bois. " Ma table de Cébès s'est fendue en son milieu. " " Voilà qui est fâcheux, Yogotar. " La table de Cébès de Yogotar Weiss s'est fendue. Le gel. L'hiver est proche. " Thorn, misérable apostat, je vais vous... " " Du calme, Yogotar. Je ne voulais pas vous brusquer. Je trouve cela réellement fâcheux. Briser sa table de destinée est un bien sombre présage chez les Atlantes. Avez-vous demandé conseil au temple ? " " Seul le Doge peut décider de... " Le Doge, c'est cet homme sans visage. Cet homme horriblement laid qui se drape de dignité et de vertu. Cet homme qui est destiné à éclairer la route de son peuple sans éclairer la sienne. Cet homme, c'est moi. " Le Doge n'est plus sorti de sa Loge depuis plusieurs jours, Yogotar. Il a déclaré que l'Hiver était à nos portes, et vous savez ce que ça signifie. La Corporation toute entière va entrer en deuil pendant une durée indéterminée. C'est la Loi. Toutes nos activités commerciales sont suspendues. Voyez, même moi, je m'y conforme. " Oh oui, malicieux Thorn, que tu vas t'y conformer.Déjà les satrapes complotent. Et toi, tu consultes, tu patientes, tu planifies. Je ne t'en veux pas, Thorn. Tu aurais fait un meilleur Doge que moi. Un quelconque Dieu farceur a dû inverser nos tables de Cébès. Inch Alaah'. " Le Doge est devenu fou, Thorn. Foutredieu, laissez-moi passer ! Je dois lui parler ! " Je retire ce masque qui s'accole à mes chairs nécrosées, et je me regarde dans ce disque de bronze.Quelques lambeaux de peau tombent, desséchés, sur le sol. N'importe quel serviteur, ces deux conseillers qui patientent devant ma porte, ces femmes-artéfacts me diront beau. Ils diront que j'ai été choisi pour les guider. Je leur dirai que je suis là pour ça. Et tous ensembles, nous mentirons. L'Hiver est là. Je me contemple dans ce miroir. Je ne vois qu'un homme sans visage, oubliant sous ses traits déformés sa jeunesse, sa pureté. Vicié et triste, je lâche ce reflet qui se fracasse à mes pieds. Et pour la première fois depuis longtemps, de chaudes larmes se déversent dans les rigoles pourries de mes joues. Le masque de bois me regarde, beau et invincible. Genèse, ma mère, reste impassible. Je suis un homme sans visage. Mon narguilé crépite. Je saisis la lourde cape d'hermine qui jonche le sol. L'hiver est là. Et j'en suis le Roi. " Doge, ouvrez ! OUVREZ ! " L'Hiver est là. Et j'en suis le Roi.
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Cdt. Yerog
Respect diplomatique : 693 04/11/307 ETU 09:44 |
Score : 10
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Pas de jour sans que je n’écrive. Pas de jour sans jeter sur le papier quelques notes fugaces, manuscrites, fragments de la vie qui passe, du temps qui s’écoule, reflets de ce que j’ai aimé, l’espace d’un instant ou d’une heure. Ces écrits sont, je n’en ai jamais douté, comme les songes nous traversant la nuit, une illusion lyrique. J’hésitais souvent à coucher sur une feuille le souvenir d’un rendez-vous. La traversée de la cité des Doges, au soleil couchant, la découverte d’un quartier inconnu bientôt familier, le porche chargé de mystère d’un temple, le piège charmeur des double portes finement ouvragées, le contact feutré des pieds sur les tapis, les colonnades complices et les traboules secrètes. La chaleur des commencements, la moiteur des recommencements, l’aube renaissante, les départs fugitifs. Le deuil enfin, de ces si longues secondes que l’on souhaiterait éternelles… Edenn était une douceur de vivre. C’est ainsi que je l’ai toujours suscitée. Au cours de mes promenades, il me plaisait à penser que le sol que je foulais portait le souvenir des générations passées là, bien avant moi. J’éveillais pour moi-même ces endroits livrés désormais aux pluies acides, mais autrefois lieux de rendez-vous, lieux de vie. Qui sait, de nos jours, qu’avant l'apocalypse, les mœurs étant plus libres, on se retrouvait là, parmi les alcôves dissimulatrices, enveloppé par la lumière de l’été ? Oui, ces délicates réminiscences m’évoquent Edenn et son antique douceur de vivre. Par une étrange association d’idées, je songe à tout cela en contemplant la métamorphose de la galaxie, qui s’opère lentement, là, sous nos yeux, depuis quelques temps, et sans que les observateurs attitrés ne le remarquent. Cette galaxie ressemble à notre civilisation passée. Au fil de sa naissance, elle s’innerve de cet univers et de ses passions profondes. Cette galaxie qui aime la vie, ses menus plaisirs, ses rires, ses talents, ses folies. Cette galaxie dont je persiste à dire qu’elle ne veut pas qu’on la divise, en réveillant des divisions religieuses, morales, corporatistes, qui doivent appartenir à son Histoire. Cette galaxie qui ne peut accepter de petits princes qui mesureraient sa grandeur à l’aune des flatteries que leurs cours leur dispenseraient, déguisant de la sorte les bornes étroites de leur puissance. Je fus aveugle en mon temps, et bien sot de ne pas l'avoir compris plus tôt. Je suis le Doge, et voilà mon Hiver venir. " Gardes, forcez cette porte ! " " Yogotar, que... que faîtes-vous !? "
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Cdte. Impératrice Aldera
Respect diplomatique : 602 18/11/307 ETU 22:57 |
Score : 8
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Aldera était en route pour Edenn. L’Impératrice avait été réveillée en pleine nuit par l’Amiral Fayard, un message important en provenance du Doge Yerog. Cela faisait pourtant des cycles que le conseil du Logos n’avait pas recu de nouvelles du dogat atlante. Aussitôt prévenue, un vaisseau fut affrété, direction Edenn. Confortablement installée dans une salle de travail du vaisseau, légèrement somnolente, l’Impératrice se repassait en boucle le message audio. Un message encodé selon les normes de l’armée acadienne, un enregistrement de piètre qualité KrscHhhhHHhhhhhSalaam sahidina. KrscHhhhHHhhhhh Il est temps pour vous d'honorer votre dette. Rejoignez-moi sur Edenn. Seule.KrscHhhhHHhhhhh Ne vous faîtes pas reconnaître.KrscHhhhHHhhhhh Une dette ? Sans doute l’aide qui lui fut apportée lors du grand Exode du peuple du Logos. La guerre contre Seregon.Sombre période. Tout cela était bien étrange mais cela faisait parti des habitudes du Doge. Edenn était enfin en vue. Une gigantesque planète au climat luxuriant. Au milieu de cette flore généreuse, la capitale atlante se dressait fièrement. Le vaisseau se posa en pleine nuit sur une zone à l’écart de bouillonnement urbain. Aldera enfila une vieille robe de bure grise et ajusta le capuchon de manière à cacher son visage. Elle fila, seule, vers le palais des Doges. L’immense édifice était vide à cette heure avancée de la nuit. Quelques gardes ça et là mais rien de bien insurmontable. Aldera passa le péristyle du palais. Une magnifique fontaine en carreau de faïence laissait écouler un mince filet d’eau, seul bruit perceptible dans cette nuit sans lune. Enfin le long couloir qui menait jusqu’aux appartements du Doge. Un long corridor d’architecture plutôt simple. Quelques mosaïques, de petites niches qui offraient un lieu de repos pour les badauds, mais surtout de magnifiques arabesques qui courraient le long des murs. Soudain une arche ouvragée qui ouvrait sur la fameuse antichambre. Ce plafond magnifique. L’Impératrice l’avait tout de suite reconnu. Une œuvre préhistorique de toute beauté d’une certain Marc Chagall. Une débauche de couleurs et de délicatesse, un hymne à l’Art et à la Beauté. Aldera s’égarait. Elle s’approcha des immenses portes d'airain ouvragées. Les figures de gorgones, gardiennes du Doge, étaient tout bonnement effrayantes. Aldera n’eut pas le temps de poser les mains sur cette immense porte. Les gonds s’ébranlèrent soudainement, laissant le passage à l’impératrice. Elle pénétra lentement dans l’immense salle ou s’était barricadé le Doge. Des murs gris, dépourvus de décorations et surtout cette odeur, mélange de tabac et de chairs putréfiées. Très peu de meubles. Un trône en bois d’ébène, quelques coussins et un narguilé au centre de la pièce. Le Doge était là, observant cette nuit sombre à travers les immenses fenêtres. Aucuns bruits si ce n’est le souffle asthmatique du Doge. L’odeur était de plus en plus insupportable. L’Impératrice leva son capuchon et observa. Le silence se faisait pesant : Salaam sahid Lourd silence Vous vouliez me voir…
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