« Où est donc ce satané bureau ? » S’excusant auprès du couple qu’il venait de gêner au milieu d’une partie apparemment ébouriffante de crapette, Rendillion repensait aux quelques mois qui venaient de s’écouler à une vitesse phénoménale.

D’abord, cette offre venant d’un certain Macmillan si généreuse, si alléchante qu’il avait récupéré en se battant bec et ongles avec un ivrogne qui souhaitait s’en servir de papier hygiénique dans une ruelle crasseuse près du bouiboui où il avait cuvé son vin pendant la majeure partie de la soirée.

Un partenariat avec formation accélérée (pour ne pas dire : « Voilà ton bureau, va parler au gars là bas, il devrait t’expliquer.. . normalement »). D’abord jeté dans le gouffre de l’administration euphorienne où il put découvrir que la rapidité d’exécution, le pragmatisme et la communication entre les services n’étaient pas forcément les qualités recherchées dans les profils des recrues.

Il eut ensuite la joie de faire la connaissance de Rosa L. (Elle n’a jamais voulu donner son nom ; allez comprendre !) qui tenta de lui inculquer quelques rudiments d’économie afin de ne pas top se sentir bête au cours des prochaines réunions où il irait.

Et, quand il souffrait vraiment trop de ses nuits blanches passées à se demander s’il avait éteint la calculette, et remise en place l’agrafeuse, de peur des représailles de l’autoritaire et intimidante jeune femme, un appel : Macmillan, dont il restait sans nouvelles depuis des mois, au point de se demander dans quel bourbier il s’était empêtré en acceptant cette proposition mystérieuse.

Il allait à une réunion importante sur la création toute proche d’une énième organisme bancaire et il fallait absolument que Rendillion en soit.

Encore une riche idée que de se laisser faire : Il a eu droit à une superbe sieste, ne pouvant lutter contre la fatigue accumulée.

Les ronflements étaient tels que les autres participants, excédés, l’ont porté et lâché sur une banquette non loin, à l’extérieur de la salle.

Petit à petit néanmoins, et au fil des réunions (repas/brunch/cherchez d’autres synonymes )les siestes se raréfiaient, et il en finit même par comprendre certains buts de l’organisation.

Macmillan était toujours mu par cette volonté de s’associer avec Rendillion, puisqu’en débit de la lenteur des résultats, il finit par lui céder une filiale à gérer, et la planète où elle s’était implantée et il se retrouva projeté à la tête d’un conseil d’éminents banquiers, bien entendu très peu envieux de l’aider à s’intégrer.

Voilà où nous en sommes : C’est donc en représentant de ces banquiers qu’il débarquait sur Ouroboros, en ayant à peine lu en diagonale la raison son briefing préparé par Rosa L. (Il faut dire que ce matin, elle était vraiment à prendre avec des pincettes !).

S’approchant d’une salle un peu plus animée que le long couloir qu’il écumait, il rentra, pris son courage à deux mains , et profitant d’une accalmie dans les innombrables jetés de bienveillantes remarques, pris place au pupitre.

« Euh bonjour (vénérables ? très chers ? Estimés ?) Commandantes, Commandants et autres organismes pour le moment non identifiables (Non mais faut quand même voir le faciès de certains trucs ici !).

Je me présente à vous comme représentant de.. (De quoi déjà ?)d’un ensemble de banques basé sur une lointaine planète.

Cette entreprise dont je vous donnerai le nom dès qu’il me reviendra, et moi-même espérons que ma présence parmi vous, au moins pour quelques séances (Faut vraiment pas que je m’endorme à en tomber sur les cuisses de ma voisine ce coup ci !) sera accompagnée de relations amicales et efficaces.

Je reprendrai la parole une fois leurs désirs un peu plus clairs et précis.

Merci de votre attention »

Prenant soin de s’éloigner de tout élément non identifié, il s’asseya et tenta de rester le plus longtemps éveillé quand les joutes verbales reprirent comme s’il n’était jamais intervenu.

Alinea fit la connaissance du commandant Rendillion à peine arrivée en secteur 9, et elle avait beaucoup appréciée son accueil.

Il l'aidait beaucoup dans ses démarches administratives, et elle cherchait désespérément à lui rendre la pareille, jusqu'à ce qu'enfin, l'occasion se présenta..

Petit à petit, Rendillion se faisait aux lourdeurs administratives, aux lenteurs des procédures, aux rouages rouillés de la bureaucratie,

Il prit un rythme de croisière agréable qui lui permettait une certaine efficacité dans son travail, ainsi que du temps libre pour les « à côtés ».

Pendant quelques temps, les « à côtés », c'était Célia.

Cette jeune femme énergique, caractérielle mais également si charmante l'avait littéralement subjugué, et il en était complètement gaga.

Trop peut être, puisqu'il avait visiblement vu des signes d'affection là où il n'y avait que cordialité banale ou échanges commerciaux relativement détendus.

Une fois la mise au clair passée, il y eut une période de souffrance, bien sûr.

Mais il savait que cela passerait, cela passe toujours,

Cette erreur de jugement lui permit de se rendre compte de la chance qu'il avait d'avoir pour amie Morgane, qui l'avait beaucoup aidé depuis son arrivée.

Il se trouvait que Morgane faisait le deuil d'une relation longue distance avec un pirate fantomatique : Leur amitié leur permit à tous deux de mieux supporter ce moment douloureux,

Il passa donc beaucoup de temps à la taverne de la rouquine, jusqu'à ce qu'elle préfère s'isoler momentanément, pour réfléchir, sans doutes, mais surtout pour se regonfler à bloc.

Une nouvelle arrivée dans le secteur, jeune commandante très très énergique, il ne put s’empêcher de l’aider à ‘intégrer en lui indiquant les bons coins, et les bonnes personnes. Oui, elle était vraiment bien cette Alinéa.

Rendillion s'était également lancé en « politique » puisque, désirant s'émanciper, les commandants du secteur 9 avaient décidé d'élire un représentant, et qu'il faisait partie des quelques personnes s'étant présentées,

Plus que quelques jours avant le dépouillement, Rendillion attendait, non sans peine, le jour J.