"Bonsoir Père". Pas d'enthousiasme dans la voix, quelques esprits fins y verraient même de la lassitude.

"Alors, mon fils, ta révolution est achevée ? Tu fêtes la victoire, non ?". Le vieil homme semblait se moquer vertement d'Harry.

"Oui, les Réfuteurs sont maintenant officiellement anéantis par l'Armée Ducale, la planète est unie, nous prendrons contact avec d'autres civilisations dans quelques heures, nos nefs croisent maintenant au milieu des soleils et du vide", dit Harry. "Notre nouvelle Constitution entre en vigueur demain à 2200."

"Constitution ? Tu as donc bien rejeté les dieux de notre Famille ... Derrière le Styx, on tourne notre nom en dérision ! La Grande Charte a été abolie ... Les Ordres ont été dispersé et les dernières maisons nobles se sont vues affûblées du nom de Réfuteurs comme si leur destruction devait forcément s'ajouter à cette honte ! On dit même que tu cesses de prier ?"

"Je prie chaque jour de trouver la force d'offrir une nouvelle Histoire à notre peuple ! Il y a des milliers de chemins à parcourir, Père. Des Gestes épiques à écrire et à raconter aux futures générations, il se peut même que nous vivions de nouvelles pages de gloire à ajouter à nos Livres !" s'emporta Harry.

"Tu mettras la traque des Réfuteurs en bonne place dans cette nouvelle Gloire ?" railla aussitôt le Vieil Homme.

"Le Conseil des Ancêtres t'a envoyé me porter un message ou tu te contentes de me tourmenter par plaisir, Père ?"

"Je viens de la part des Ancêtres, Harry." Même mort, le père d'Harry ne parvenait pas à l'appeler Fils ... "Le Conseil des Ancêtres va se réunir sous peu pour prendre une décision concernant la fin des Réfuteurs. Je te transmettrai leur conclusion aussi vite que possible, comme toujours et pour toujours."

"Majesté, nous devons nous préparer : les services technique de la Chancellerie Diplomatique vont établir notre première connexion dans quelques heures et nous devons écrire le discours de votre intervention."

"Oui, Colonel De La Treille, vous avez raison, je vous suis." Harry avait la bouche pâteuse, comme à chaque fois que son Père passait le Styx.

"Votre père est revenu vous voir ?"

"Oui, Jeanne. Comme toujours, il fut infect." répondit Harry en se relevant.

"La Malédiction de votre famille est fascinante et devrait être étudiée plus en détail. Chaque famille de cette planète a sa malédiction, j'ai la mienne, comme tout le monde, mais elle se révèle plus facile à supporter." La jeune femme jeta un oeil autour d'eux avant de reprendre la parole. "Harry, l'instant est important et tu dois garder la tête froide ! Comment pourrions-nous marcher dans les étoiles alors que tes pensées sont perturbées par tes Ancêtres ?" Elle l'embrassa tendrement mais il se détacha d'elle après quelques secondes.

"Je sais, Jeanne, je sais. Emmène-moi auprès à la Chancellerie Diplomatique et écrivons ce beau discours auquel tu tiens tant."

A bientôt."

"Duc Harry le Potier, nous nous rencontrons enfin après de longues discussions. Je pense que nous aurons quelques minutes pour faire connaissance avant d'entrer dans les discussions sérieuses. Je vois que le comité d'accueil est conséquent : la situation de votre Duché est donc si bonne ?

"Grand Moff Isard, je suis heureux de vous rencontrer en personne après nos nombreuses discussions sur l'avenir de Firmament. Le Duché du Peuple des Fidèles est effectivement florissant bien que notre bonne santé doive un bonne partie de sa vigueur aux aides des Commandantes Briséis et Célia. Nous allons, effectivement, avoir quelques minutes pour faire connaissance : une navette nous emmène sur le sol de Hall of Manes. Là, le calendrier sera serré comme expliqué lors de nos entretiens concernant votre visite diplomatique."

"Votre idée d'alliance entre nos peuples m'a fortement surpris, je vous croyais plus indépendante et plus rétive à un quelconque traité. Je suis, pourtant, bien heureux d'avoir cette occasion de pouvoir vous entretenir de certains sujets qui me tiennent à cœur."

"Nous n'aborderons les sujets les plus importants qu'une fois installés dans le Manoir Ducal. Il est décoré de façon prétentieuse mais se révèle parfaitement habitable et fonctionnel."

"Grand Moff Isard, vous êtes le premier Chef d'Etat à profiter de la qualité de l'accueil de mon peuple. Par avance, je m'excuse de tout accroc aux règles diplomatiques : mon peuple est rustique mais il est sincère et il adore voir que son influence est reconnue. Votre présence est la preuve que le travail effectué est devenu réalité et il saura vous montrer son attachement. Souhaitez-vous un rafraichissement pendant l'entrée dans l'atmosphère de Hall of Manes ?"

"Effectivement, votre équipement est ... 'rustique' mais très fonctionnel. Je souhaite goûter ce que votre peuple sait faire comme vin fin et ... rouge."

"Vous me laissez le choix du verre ? Je vois que nous avons quelques points en commun, je vois."

"Parlons peu, parlons bien, Duc. Je ne viens pas par hasard vous voir, mon vaisseau diplomatique ne s'est pas arrêté sur votre port spatial par hasard puisqu'il peut tout à fait se poser au sol. De préférence sous les yeux ébahis de vos citoyen, avec toute la presse locale, des caméras, des haies d'honneur aussi touffu qu'une jungle glauque et humide, des fanfares ... Là, mon arrivée aurait politiquement un sens.

Bien au contraire, mon beau vaisseau s'arrime à votre port spatial et je rejoins la planète en catimini dans une navette charmante mais bêtement ... navette. Je suis franche et directe, Duc : vous n'avez aucune raison logique de me cacher à votre Peuple. Vous avez donc besoin de moi maintenant, dans cette minute même !"

"Si vous n'aviez pas accordé le droit de vote à vos citoyens, nous pourrions être encore plus ressemblants ! Non, il y a autre chose. C'est important parce que vous voulez m'en parler seul à seul et c'est important parce que cet endroit est celui qui se prêterait le moins à une décision importante."

"Avant de répondre à cette idée saugrenue de rendez-vous important, le vin : poison ou soumission ?"

"Poison, Grand Moff, poison ... Les Fidèles ont toujours vu la soumission comme le résultat du jugement des armes et de la guerre. Par contre, le poison a toujours gardé un attrait universel auprès des conjurés et des comploteurs."

"Vous avez fait une erreur, Grand Moff, nous ne serons pas seuls : nous serons trois lors de cette réunion. Je vous présente le Colonel de la Treille, mon conseiller personnel et, depuis de nombreuses années, ma compagne. Elle est partie intégrante de la proposition que je vais vous présenter pendant les heures qui viennent. Voici donc le déroulement de notre entrevue : on dépose nos délégations respectives dans le Palais Ducal puis nous fonçons vers une résidence secrète où nous recevrons d'autres chefs de nations pour une entrevue que j'espère fondatrice pour nos futurs respectifs. Je tenais, toutefois, à m'entretenir quelques heures en têtes à tête avec vous afin de vous expliquer un peu plus précisément ce qui est le but de cette conférence au sommet. Bien entendu, je peux aussi vous amener au Palais Ducal comme convenu si vous ne souhaitez pas en savoir plus ou refusez d'écouter ce que je souhaite vous dire."

"Grand Moff, nous avons besoin de vous. Et ce n'est pas un nouveau moyen de faire une courbette diplomatique."

"Duc Harry, malgré nos désaccords, vous faites appel à moi pour vous aider. C'est intéressant.

Flatteur aussi et totalement déloyal puisque vous faites appel à ma curiosité pour obtenir une participation à quelque chose d'inconnu. Je peux, en vous suivant, risquer beaucoup. A force de travail, je dispose maintenant d'un empire qui commence à devenir respectable et surtout il est organisé et s'améliore alors que nos scientifiques travaillent sur de nombreux sujets. Ce travail est prenant et a demandé de nombreux sacrifices. Je me dois à mes peuples, c'est et cela restera ma priorité. Il me faudrait certainement prendre connaissance de ce que vous proposez, sous ce sceau du secret le plus absolu.

L'aventure reste cependant l'un des attraits de la Vie. Ce piment manque terriblement en ces temps. J'attends de vous quelque chose qui change réellement de tout ce que nous avons actuellement. Il manque une ferveur, une volonté de retrouver le souffle coupé des aventures palpitantes, des journées de travail et des nuits blanches. Je reste, à ce jour, en attente d'un challenge excitant et fortement impressionnant. Je vais donc vous suivre, malgré le caractère énigmatique de votre proposition et de de votre conduite."

"Colonel, venez vous assoir près de moi pendant le voyage et racontez moi votre histoire. Il est bon de voir que des femmes parviennent à arriver quelque part aux plus hautes fonctions !"

"Grand Moff, il n'y a rien de spécial à dire sur ma vie. Je suis issue d'une famille de nobles locaux sur Hall of Manes, j'ai suivi la voie habituelle des adolescents nobles. J'ai juste suivi la voie de l’École Ducale de l'État Major avant de rejoindre l'Armée Ducale. J'ai rencontré Harry lorsque nous avions 12 ans et que nous faisions notre stage de formation. Je crois que nous ne nous sommes plus quittés depuis, à part ponctuellement pendant la Guerre des Réfuteurs quand j'ai pris le commandement de quelques unités. Je suis actuellement la conseillère militaire du Duc si j'en juge ma feuille d'affectation, signée de la main ducale. J'ai aidé Harry à installer un régime démocratique pour notre Peuple.

Au moins, nous sommes ensemble maintenant. Bien entendu, nous avons notre lot de quolibets : "le Duc frayant avec son conseiller militaire" ! Comme partout.

Lors des prochains jours, nous allons discuter de propositions importantes et j'ai travaillé avec Harry sur chacun des sujets qui vous seront présentés. Nous avons besoin de ralliements pour monter ce projet, dont le vôtre."

"Pilote, vous continuez vers le Palais Ducal : nous déposons les membres des délégations puis nous allons aux coordonnées 65.89.77,50. Prévenez l'Intendance sur place que nous arrivons comme prévu."