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Fils, regarde.

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Cdt. Rênyx
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17/07/1012 ETU 05:26
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Rae Linus Lloyd Ertakher.
Comte de Santevra.
Disparu de quelque part.
Revenu ailleurs.
Scientifique
Politicien
Général
Homme d'affaires.
Et surtout un foutu con, mais pas comme les autres.
Désintéressé
Cynique
Misanthrope
Et assez abruti pour laisser le monde se foutre sur la gueule le temps de coucher ces lignes.
Journal d'un mort-vivant d'esprit, d'une âme éthérée, impuissante face à ce qui l'entoure. Fait d'un regard qui ne veut pas voir ce qu'on lui offre, là pour déclarer haut et fort que le pessimisme n'est pas une tare, ni seulement une philosophie, mais un acte de liberté intellectuelle.
Journal d'un illuminé, pour illuminer d'autres consciences.
Journal pour la progéniture que je n'aurai pas:
Fils, regarde.
Cdt. Rênyx
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17/07/1012 ETU 05:48
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Première page: De l'Homme, de Dieu, de ce qu'il y a entre les deux, cette boue épaisse dans laquelle tu te débats.
Fils, regarde.
Vois ces étendues.
Porte ton regard sur les confins sublimes de cet espace.
Ne réfléchis pas. Observe seulement.
Admire ce qui t'entoure. Apprécie les sons, ravis-toi des lumières. Pénètre ce qui t'entoures, épouse cette atmosphère. De ce que tes yeux vois, de ce que tu respires, de ce que tu t’imprègnes, sois fier et heureux.
Tu fais partie de cet Univers.
Dieu l'a créé pour toi. Il l'a aménagé. Pour te faire plaisir un jour. Pour t'intéresser un autre. Pour t'emmerder le troisième et te donner envie de vomir pour finir. Car il l'a fait à ses souhaits et non aux tiens.
Un jour tu l'as trouvé si grand que tu te sentais comme un enfant, apeuré, timide, bégayant des mots dont le sens t'échappait à moitié et que d'autres comblaient pour toi. Rien n'est plus effrayant que ce monde trop grand pour toi. Perdu, tu te réfugies chez les voisins.
Maintenant que tu es devenu grand, tu le trouves étroit, centré, cintré même. Refermé sur quelques cousins qui s'accaparent ce qui n'apparaît maintenant plus que comme un gigantesque jardin de grands enfants. Un carcan doré, avec tout ce qu'il faut pour donner au Céleste de quoi provoquer son hilarité.
Il s'amuse de nos tentatives, se joue de nos actes, aime à nous poser le défi Divin quand personne n'a rien demandé, puis se repaît de notre stupidité commune à l'idolâtrer lui et son invention. Véritable idiocratie instaurée au nom du Sanctifié, personne n'y échappe ; rien n'y fait, nous, ne somme que ses jouets. S'il le pouvait, il se roulerait dans cette mare de médiocrité que nous semons, propageons, et encourageons à former lorsqu'on en a déjà trop fait.
Dieu aime la merde, pourvu qu'elle soit nôtre.
Alors Dieu n'est pas un sur-homme. Dieu n'est pas un immortel tout-puissant.
Dieu est un trou du cul. Et à chaque fois que l'un de nous passe, au passage il ramasse.
Il se nourrit de nous, de ce qu'on est, de ce qu'on fait, de ce qu'on créer et qu'on détruit aussitôt dans une foulée arrogante, déterminée, appuyée, qu'on prétend réfléchie et faite pour le bien commun quand seul l'individualisme motive nos actes.
L'homme est une plaie.
Pour la Nature. Pour lui-même.
Les Mondes ne portent pas pire fardeau ni pire poison que nous-même. C'est un fruit pourri, la gangrène de tout ce qui est pur, et j'en suis la négation.
Il n'y a que Dieu pour aimer l'homme. Mais pas pour ce qu'il est : pour ce qu'il sème.
L'homme n'est rien, bien qu'il croit être quelque chose de magnifique et de grande ampleur.
Intelligent, évolué, supérieur... oeuvre titanesque, somptueuse création destinée à sublimer l'Univers. Mais même s'il y avait quelque part une vitrine pour l'exposer, on n'y verrait de tout cela.
Vérité ? L'homme est insignifiant. Bercé de rêves fabuleux et tari d'éloges plus grands que lui, il finit par se convaincre qu'il est un monde à lui tout seul.
Chimères prétentieuses, nourries par son arrogance. C'est son propre.
Trop vaniteux pour admettre qu'il n'est qu'un vermisseau, trop d'orgueil pour accepter qu'il n'est qu'un pion, il regarde avec condescendance ce dont il parle avec dédain, s'étend en fatuités. Sa fierté n'a d'égale que son impudence.
Pas plus que des machines. Moins que des pantins.
L'homme est forgé comme une pièce de brut, façonné subtilement.
Chacun de nous pense avoir entre ses mains son propre destin. Chacun de nous pense décider de quelle façon tourner son droit à la vie. Mais si on choisissait vraiment ce qu'on voulait devenir, accepterai-t-on de devenir vieux, fatigué de tout, aussi fripé qu'un drap froissé, réduit à l'état de légume plus sûrement qu'un lobotomisé, et d'être conduit inexorablement vers l'échafaud ?
Même avant d'en arriver là, on s'aperçoit que rien n'est plus moche que la vie.
Rythmée par les devoirs exigeants, les déceptions poignantes, les ordres autoritaires et les désillusions plus terribles que tu ne les avais jamais imaginées... Parsemée seulement de phases de joie. Tu baignes dans un bonheur à en arracher le cœur de ton prochain, et le jour suivant te voilà mis à mal, et tu descends, descends, descends encore. Une chute sans fond, dans un gouffre noir, abyssal. Une interminable descente aux Enfers qui s'accompagne de tout ce qu'il y a de mauvais pour toi, qu'on place à portée de ta main, blafarde et tremblante, qu'on vante à tes oreilles devenues presque sourdes, qui ne filtrent plus rien et confondent les paroles empoisonnées de tes ennemis avec les vaccins de tes amis, puis, après un mélange médicinal te laissant pour plus mort que tu ne l'étais déjà, les rapportent à ton cerveau embué, perdu dans un brouillard formé par la chaleur de ce que tu as perdu et la fraîcheur de tes pleurs dans la froideur de ta vie devenue sordide.
Tu es tombé, Fils, et tu ne te relèves pas. Tu avales la poussière que le précédent a laissé pour toi. La gorge te brûle, les yeux te piquent, mais tant pis, la vie est bien plus simple à supporter lorsque qu'on ne risque plus de tomber et qu'on est allongé.
Tu t'habitues au noir, tu fuis les lumières. Jusqu'à ce qu'une soit plus forte que les autres et t'empêches de dormir à tout jamais. Alors tu rampes, comme le déchet que tu es devenu.
Homme de peu de foi, homme primaire, tu n'as en fait plus rien d'un homme. Mais tu réapprends à marcher. Tu fais l'effort, guidé par cette brillance surnaturelle. Et lorsque pointe le bout, tu redécouvres ton monde, redécouvres les visages, les voix. La buée s'estompe et progressivement, tout te revient, jusqu'au goût des plus simples choses.
Ta fierté s'en est allée avec tout le reste. L'expérience presque fatale aura eu l'effet d'un détergent spectaculaire sur ton âme corrompue par ta nature. Mais as-tu vraiment renié ce que tu étais ?
La vie suit son cours, et sur ton chemin, les embûches continues de t'apporter malheurs et peines.
Humble, peut-être, mais si tu es toujours homme, alors une de ces peines, insondable plus qu'aucune autre, te fera vaciller, et tu tomberas de nouveau. Tu revivras le cauchemar que tu avais cru vaincre pour de bon.
Pourtant tu avais changé. Purifié, tu t'étais sorti du pire.
Mais la vie n'est pas juste. Elle ne fait pas de cadeau. Tu peux prier tant que tu veux, tousser, cracher, suffoquer et t'étouffer, Dieu n'aura jamais qu'un grand fou rire pour toute réponse. Il se moque bien de ta petite vie, ne viendra pas te soigner par l'opération du Saint-Esprit.
Dieu se fout de ta gueule.
Ce que tu lui dois pour t'avoir accordé la vie ?
La mort. Mais avant cela, une bonne dose de souffrances, pour qu'il voie jusqu'où tu tiens, qu'il s'amuse de ton combat contre les autres et surtout, contre toi. Et lorsque tu en as fini de lutter, que les forces t'abandonnent et que plus rien ne rime à quoi que ce soit qui ait un sens, les lumières s'éteignent. Et Dieu détourne son regard. Tu as fini de le distraire.
Maintenant, il va regarder ton fils.

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