Soudain une autre frégate jaillit de la brume. Elle va vite, très vite. On la voit bien maintenant, plus abîmée que les autres, jonchée d’impacts de mouches galactiques et de rayures parfois inquiétantes. D’innombrables salves d’énergie transpercent également l’air et ricochent tantôt sur les eaux, tantôt sur le bouclier magnétique du vaisseau ; certainement des canons stellaires. Lorsque la frégate nous frôle, on a à peine le temps de reconnaître une créature reptilienne dans son cockpit. La créature a un bandana noir sur sa tête, une gueule inondée d’excitation, on devine ses paroles : « Gnahahahh ». C’est Messet, une des progénitures que Sybil a pondu pour mener les escadrons renégats du PLVG.

- Oui…

Vive l’Ordre Humain !! Mort aux al… Un coup de crosse écrase la main de l’homme et le fait lâcher prise.

Célébrer la liberté dans la fumée des cadavres brûlés par vos pillages, voilà une scène tout à fait symbolique. Vous avez réussi à piller deux planètes d'une civilisation marchande, et vous voilà chantant la victoire de la différence. Si je peux vous reconnaître une certaine intelligence, vous ne faites que confirmer ma conviction que la politique est une chose trop élevée pour des esprits aliens.

Vous justifiez vos exactions par la menace qu'incarne l'Ordre Humain. J'avais espéré pouvoir éclairer votre esprit par mes mots, malheureusement celui-ci aime naviguer dans les eaux confuses et ne voit qu'en deux couleurs. Si on pourrait me reprocher d'avoir mis trop d'espoir en un être de votre nature, je ne peux toutefois pas laisser la boue qui sort de votre bouche paraître d'une quelconque valeur, à l'aide d'artifices grossiers, auprès d'esprits encore brouillons mais dont la grossièreté peut cacher un diamant.

Car, je vous le demande, quelle menace ? Nous avons été très clair sur nos intentions en secteur 4 : il s'agissait de mettre fin à la corruption qui s'y développait à travers le pouvoir politique croissant d'êtres inférieurs, alors que les êtres de nobles natures étaient gênés dans l'acquisition de leur juste influence. Nos actions s'étaient d'abord limitées au système 0, que nous désirions remettre aux natifs humains du secteur. Les gens comme les vôtres ont eu l'orgueil mal placé et nous ont obligé à mener une politique de pacification sur tout le secteur afin d'assurer un environnement sain pour le développement du potentiel humain du secteur. Et cela, pour le bien du secteur, évidemment. Être gouverné par des aliens ne pouvait que le conduire à la décadence la plus crasse et à la malhonnêteté la plus vile.

Malheureusement, vos natures sont ainsi faites qu'elles ont gardé rancune des quelques bousculades nécessaires pour les remettre à leur place. C'est qu'aujourd'hui, les races aliens pensent mériter un pouvoir politique conséquent et être aptes à des arts aussi subtils que le gouvernement d'un secteur. Et, comme toute race inférieure, l'esprit de l'alien n'a pas le pouvoir de résister à l'envahissement du ressentiment et conserve son énergie négative jusqu'à l'explosion violente plutôt que de la sublimer dans des gestes pleins de subtilité. Ainsi, au lieu d'accepter la domination humaine (qui ne nuisait en rien à votre développement colonial), vous voilà avec ces faces affreuses, animées du sentiment de vengeance. Si la colère peut être belle quand des hommes la mettent au service de leur grande oeuvre, chez vous elle ne peut que motiver des actes bas.

Encore une fois, l'Ordre n'avait aucune raison de vous être hostile tant que vous ne sortiez pas de l'attitude qui convient à votre espèce envers la nôtre. Il s'agit avant tout de savoir-vivre. La situation du secteur 4 était profitable à tous, dans la mesure où chacun y était à sa place. Votre orgueil en a décidé autrement.

Car il ne s'agit pas d'autre chose qu'un esprit de ressentiment. Vous pensez que nous sommes des êtres qui agissent selon les mêmes viles motivations que vous. Cupidité, jalousie, ego. Ce que vous ne comprenez pas, c'est que le libre-arbitre est un concept qui n'est pas pertinent, aussi bien pour vous que pour nous. Mais de deux façons bien différentes.

En effet, nous sommes portés par une nécessité intérieure, il va de notre nature de régner en maîtres. C'est une force qui nous dépasse qui nous pousse à impose l'ordre qui va de soi pour celui qui a reçut cette lumière. Il veut rayonner, et qu'à chaque niveau son rayonnement soit réfléchit comme il se doit, pour la beauté du Tout.

Votre discours montre tout autre chose. La liberté est un concept que vous promouvez pour pouvoir accuser les forts : « ils auraient pu ne pas », ils avaient le choix et ils ont choisi de faire le mal. De nous faire mal. Vous reprenez le discours typique du faible d'une façon tellement stéréotypée que je me demande si tout le monde ne rit pas déjà de vous. C'est que vous en faites une telle fierté ! « Je suis juste car je suis celui qui souffre ! » Mais quelle logique ! Vous pouvez mourir en paix, quelle grande œuvre vous avez accomplie !

Ensuite, vous nous parlez de différence. Savez-vous seulement ce qu'est la différence, vous, le chantre de l'homogénéisation des peuples ? Savez-vous que « différence » s'oppose à « égalité » ? Cela fait partie des bases de l'arithmétique pourtant. Et savez-vous que des choses différentes ont des valeurs différentes ? Et que des différences de valeur impliquent nécessairement la hiérarchie ?

Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que le véritable promoteur de la différence, quand elle n'est pas un instrument démagogique, c'est l'Ordre Humain. La différence implique une hiérarchie, et donc un ordre par respect des différences hiérarchiques. La valeur suprême rayonne et accorde toutes les valeurs harmonieusement par la force de sa supériorité. Elle agit du simple fait qu'elle existe, et veille avec bienveillance à ce que les différents niveaux hiérarchiques ne se mélangent pas.

J'espère donc que toutes ses sottises vont cesser. Vous êtes à l'Assemblée Galactique ici. Laissez donc les choses qui demandent de l'intelligence aux humains, et cessez de vous lancer des fleurs, elles n'arrivent pas à cacher vos faces ravagées par cette laide rage.

Commandant Fulrik, le message que j’annonçais ne vous était pas destiné. Pourtant vous apparaissez, vous vous acharnez à nous réciter les mêmes explications depuis toujours. La galaxie connaît vos idées et une grande partie a très vite compris que tout débat avec vous serait stérile. Je sais depuis bien longtemps que la confrontation de nos idéaux ne mène qu’au conflit. Mais vous espérez encore convaincre les divers peuples de Devenir que votre philosophie est la meilleure, ce ne sont pourtant que vos fantasmes que vous exposez à leurs yeux. Ce sont toutes ces chimères qui vous obsèdent, vous laissant croire que la perfection est dans la dans la conformité et la stérilité. Rien ne sort d’une terre stérile, rien ne sort d’une civilisation dévorée par la similitude, cela la rend inerte. C'est pourtant le but que vous vous fixez, celui de séparer et d'isoler les différences.

Nous n’appréhendons pas l’aspect biologique des autres, si superficiel. Nous ne redoutons pas l’évolution. Et si la nôtre se poursuit, c’est que nous continuons à avancer là où l’Ordre Humain s’est arrêté en chemin. Qui sait ce qui l’a freiné et empêché de continuer sa progression, quel bruit a surgit des végétations et vous a pétrifié.. Il est pourtant vain de brûler les hautes herbes qui couvrent votre champ de vision et d’ainsi tenter de contenir ceux qui poursuivent leur marche vers l’avenir. Vous ne pouvez pas arrêter l’évolution Fulrik, que cela vous plaise ou non.

Nous sommes certainement d’accord, vos ambitions sont de raboter l’ensemble de la galaxie conformément à vos opinions fanatiques. Comment imaginer qu’un tel incendie puisse s’éteindre de lui-même ? Les sucs de votre propagande n’ont pas su dissoudre notre peuple alors vous avez tenté de nous réduire à des possessions matérielles si faibles que nous ne pourrions que nous plier. C’est ce que vous avez cru. Vous avez cru pouvoir assommer le fleuve de l’évolution en lui jetant des rochers et en fin de comptes, vous n’êtes parvenus qu’à faire des vagues, des vagues de soulèvement.

Vous aimeriez que l’on croie que vous vous contiendrez au secteur 4. Vous nous avez presque anéantis et vous êtes surpris, aujourd’hui, que nous prenions des mesures de sécurité lorsqu’une planète que vous avez avalée et digérée se situe dans un même système que nous. Mon peuple n’attendra pas sagement qu’on l’enchaîne. Mon peuple est libre, il a comme seule frontière la vitesse de ses frégates et les sillons de nos vaisseaux perturberont votre reflet sombre, celui que vous contemplez inlassablement et duquel vous peinez à ôter le regard. Cependant, ne soyez pas dupe, vous aurez beau couler nos flottes, vous ne maîtriserez pas les vagues qu’elles engendrent en sombrant.

Ne soyez pas non-plus surpris du soulèvement qui a eu lieu dans le secteur 4 et qui s’étend maintenant jusque dans le vôtre. Vous avez osé croire que vos idées étaient universelles, vous avez tenté de figer l’état d’un monde en constante évolution. Vous avez espéré nous soumettre tous. La galaxie est bien trop vaste pour que vous puissiez un jour parvenir à épandre vos ambitions sordides au-delà de vos propres territoires. Votre endoctrinement aboutit peut-être sur certaines planètes, mais c’est car dans la crainte, les citoyens n’osent s’insurger. Nous ne laisserons pas notre peuple subir à nouveau une telle calamité.

Fulrik, gardez votre lumière terne pour éclairer votre chemin, il vous reste tant à faire avant de pouvoir reprendre votre évolution. Mais surtout, ne soyez pas surpris si tout autour de vous rayonne la chaleur de soleils noirs.

Si vous aviez eu l'intelligence requise pour comprendre mes paroles, vous auriez compris que, même si votre message ne m'était pas destiné, il était de mon devoir de ne pas laisser une telle bêtise corrompre les quelques êtres sains qu'il reste dans cette galaxie. C'est encore une attitude typique de la vermine alien que de s’accaparer un droit à la parole tout en refusant tout droit de réponse à son adversaire. Un droit se mérite et que seuls ceux qui sont maîtres d'eux-mêmes ont tous les droits sur les autres.

Quelle naïveté encore que votre approche de l'évolution. Ce petit réflexe religieux des masses ignares qui consiste à sacraliser un processus qu'ils ne comprennent pas au nom d'une prétendue justice immanente à la « naturalité » de ce processus : vous en êtes un exemple parfait. L'évolution est un processus en attente de ses maîtres. C'est pourquoi des êtres comme nous, faits pour commander, sont nés. L'évolution est en manque de la justice la plus haute, à savoir la nôtre. Nous voici avec notre maillet de juge et bourreau pour la façonner afin que l'exception que nous sommes puisse se répandre à travers l'univers. L'avenir n'a aucune valeur si c'est un simple et lâche laisser-aller. Il faut bien être alien pour se satisfaire de cette attitude paresseuse. Le devenir doit s'instaurer par une volonté à sa hauteur. L'histoire se construit par de grandes volontés, des natures supérieures qui impriment au flux du temps la direction de leur volonté.

Ainsi, nous ne nous arrêtons pas là où vous persévérez. Nous persévérons vers la grandeur là où vous flottez au gré de votre impuissance.

Nous sommes des expérimentateurs. « Raboter » vous dites ? Qui de nous deux se fait le défenseur de l'égalité des différences, et par là le porte-parole du « tous identique ! » ? Vous séparez différence et devenir, pour vous il est bon de maintenir les différences en leur état, sans comprendre que l'évolution procède par erreur et réussite, et qu'il est bon que les espèces ratées soient écartées des foyers de pouvoir où se décide l'avenir.

Que ces espèces vivent mal leur mise à l'écart et se laissent emporter par le ressentiment ne contredit en rien la nécessité de canaliser cette énergie. Cela est un aiguillon qui nous rappelle sans cesse la justice de notre combat, car votre rage n'est pas une bonne chose pour la construction de l'avenir.

Cessez donc un peu ces petites techniques rhétoriques par lesquelles vous dessinez ce tableau si simpliste de grands méchants qui vont porter le mal dans toute la galaxie alors que vous êtes de petites victimes qui tentez de vous consoler de votre impuissance en vous répétant d'une manière autiste « je suis libre ! ». La liberté n'est pas cette lâcheté d'un orgueil satisfait de pouvoir bouger un vaisseau d'un point à un autre de la galaxie. La véritable liberté est celle qui prend en charge l'élévation de toute une galaxie, qui se décide à mettre sa puissance au service de la cause la plus haute : la grandeur. Quel plus grand sentiment de liberté que celui du sculpteur d'une galaxie ? La liberté est paresseuse tant qu'elle n'est pas mise en mouvement sous l'impulsion de la nécessité d'une grande œuvre.

Commandant Fulrik,

Nous sommes persuadés, puisque vous êtes des zélateurs de l'évolution, que vous apprécierez que nous corrigieons quelques malencontreuses erreurs logiques dans votre discours. Car l'évolution se contruit sur base d'essais et d'erreurs, comme vous le dites vous même, mais aussi grâce au contact avec la réalité.

Considérer que l'évolution est "en attente de ses maîtes" c'est penser qu'il existerait une puissance externe à celle de l'évolution, capable de l'orienter. Mais vous dites ensuite que la raison pour laquelle des êtres comme "vous" sont nés est présicément d'orienter l'évolution. Contradiction flagrante, puisqu'attribuer une nécessité à votre naissance, elle-même sous-produit de l'évolution, supposerait une antériorité causale que par ailleurs vous refusez au processus évolutif.

"L'évolution est en manque de la justice la plus haute". A nouveau vous vous contredites: puisque par définition l'évolution est le processus par lequel les êtres évoluent, ce processus ne peut être mû par une quelconque finalité autre que celle de faire évoluer les êtres: l'inverse supposerait que la vacuité du processus évolutif.

"L'avenir n'a aucune valeur si c'est un simple et lâche laisser-aller." Cette fois vous donnez dans l'assertion gratuite, sans argumenter. L'avenir n'a en effet aucune valeur en soi. Chaque être animé lui confère une valeur. En vous accordant le monopole de ce qui fait la valeur de l'avenir, vous niez l'existence de la volonté des tous les autres êtres de la galaxie. Cette déclaration, digne d'un enfant qui n'aurait pas encore découvert qu'il vit en société, est indigne de votre intelligence.

"L'histoire se construit sur de grandes volontés". Sur ce point nous vous rejoignons entièrement. L'histoire est la reconstitution à posteriori du cours des événements, interprété à partir du sens donné à ses causes. Ce sens, ce sont les êtres animés qui le donnent.

"l'évolution procède par erreur et réussite, et [...] il est bon que les espèces ratées soient écartées des foyers de pouvoir" A nouveau il s'agit d'une contradiction dans les termes, car si l'on suit votre raisonnnement les "erreurs" de l'évolution sont déjà écartée du processus. Par ailleurs comment pouvez-vous vous dire "expérimentateurs" alors que vous êtes convaincus d'ores et déjà de la supériorité d'un type morphologique sur les autres. Sauter directement à la conclusion est aux antipodes d'une démarche empirique.

"La liberté n'est pas cette lâcheté d'un orgueil satisfait de pouvoir bouger un vaisseau ". Quelle confusion que d'assimiler dans la même phrase liberté, lâcheté et orgueil. N'est-ce pas précisément un acte d'orgueil que de vous croire investi d'une mission supérieure à celle des autres races ? Que de refuser de considérer que d'autres aient les mêmes droits que vous ? Que de prétendre à une supériorité immanente, alors que rien dans la réalité n'en atteste ?

"la cause la plus haute : la grandeur" Et voilà l'apothéose bancale de ce discours: un but si vague que ne s'y reconnaîtront que les êtres les plus arrogants de la Galaxie, déjà convaincus de leur supériorité, et qui n'ont donc nul besoin de vos envolées lyriques pour croire en cette philosophie simpliste.

Cette grande oeuvre, cette gloire, vous êtes incapables de dire de quoi il s'agit. Car votre horizon s'arrête à la surface de votre peau. Car votre ambition se limite à votre reflet dans la glace. Car votre suffisance vous rend incapable de penser comme ces êtres qui donnent un but à l'histoire, ceux que vous admirez tant sans être à même de les égaler.

Bien à vous

--OGZ

Commandant Of Gob Zumh,

Permettez-moi à mon tour de relever un biais subtil - et pourtant d'une importance capitale - dans la prétendue logique de votre argumentaire : vous faites reposer tout votre discours sur un postulat implicite, que vous considérez visiblement comme vrai sans avoir besoin de le justifier (tombant de fait dans un travers que vous reprochez pourtant au commandant Fulrik).

Ce postulat, le voici : L'évolution ne peut, et ne doit être assujettie à des constructions intellectuelles abstraites telles que la morale. C'est on ne peut plus faux !

Entendons-nous : il est clair que dans un monde peuplé d'êtres vivants n'appliquant pas à leur monde leurs constructions intellectuelles, le processus évolutif se déroule sans finalité, sans contrôle, et l'avenir d'un tel monde n'aura de valeur que lorsqu'il s'y trouvera quelqu'un pour définir la "valeur", et n'aura comme finalité que celle que l'on voudra bien lui inventer. Vous avez souligné tout ceci, je n'y reviendrai donc pas plus longtemps.

Fort heureusement, il est possible - et j'irai même jusqu'à dire qu'il est souhaitable - d'influencer notre monde par la force de notre intellect. Je comprends que vous trouviez préférable de vous laisser balloter au gré des processus naturels tels que l'évolution, en vous efforçant de n'y pas intervenir, puisque la nature même de l'animal est de faire survivre son espèce par divers procédés, sexués ou non, qui autorisent l'animal à ne jamais penser en terme d'espèce, et à ne jamais prendre de recul.

Ce que l'Ordre Humain a compris que vous vous obstinez à nier, c'est qu'il y a une beauté, une "grandeur", une puissante esthétique dans l'application de la morale - quelle que soit la morale dont nous parlons - au processus évolutif. Il est donc parfaitement naturel (si vous me passez le jeu de mot) que l'humain, étant la seule espèce à avoir compris ceci (comme vous nous le prouvez à chaque fois que l'un d'entre vous prend la parole) soit considéré comme étant supérieur à l'animal dans cette entreprise grandiose que nous avons initiée, et que l'animal se cantonne aux rôles qu'il a toujours eu, tels que manger, dormir, se reproduire, mais certainement pas participer au contrôle de l'évolution.

C'est là qu'est notre rôle d'expérimentateur. L'humain est supérieur à l'animal pour les raisons que je viens d'énoncer, qui sont des raisons purement intellectuelles et morales, et qui n'ont de fait pas besoin d'être vérifiées par l'expérience ; l'expérience à laquelle nous nous livrons est celle du contrôle de l'évolution, et la démarche empirique à laquelle vous tenez tant n'est à aucun moment bafouée, en tout cas pas par nous. Notez par ailleurs que parler d'"erreur" en parlant d'évolution suppose déjà un jugement de valeur ; l'Ordre Humain a pris le contrôle de l'évolution, il lui appartient donc d'écarter ces "erreurs" des lieux où elles pourraient nuire, afin qu'elles vivent leurs vies insignifiantes sans gêner la réalisation de notre entreprise intellectuelle sans précédent.

De l'orgueil, nous en avons, évidemment. Nous ne nous lancerions pas dans une telle entreprise dans le cas contraire. Mais notre orgueil nous pousse à vouloir construire, expérimenter, comprendre, parce que nous savons en être capables ; votre orgueil mesquin vous pousse à vouloir détruire toute initiative qui n'a pas été pensée par vous et pour vous, à vous défendre de tout ce que vous ne comprenez pas, et c'est là qu'est votre lâcheté lamentable.

Nous allons sublimer l'évolution grâce à la hiérarchisation des espèces. Vous n'aspirez qu'à la détruire en vous obstinant à chercher une égalité des espèces là où, et je me permets d'utiliser vos propres mots, "rien dans la réalité n'en atteste".

Notre suffisance est le moteur de notre courage et de notre créativité. Votre modestie n'est que la marque de votre désespérante médiocrité.

Je ne vous salue pas.

Cher Pierre Ratif-der'Oun,

Si j'ai bien compris, votre critique à mon égard s'appuie sur un "postulat implicite", que vous auriez "découvert" dans mon discours.

J'avoue que d'un point de vue purement sophistique, il est assez habile d'attaquer son interlocuteur sur des choses qu'il n'a pas dites (Et même, dans ce cas, jamais pensées). Je vous tire mon chapeau pour cette finesse dialectique, mais permettez que je ne m'attarde pas sur cet artifice, afin de me consacrer au débat d'idées, bien plus constructif à mon sens. Considérons donc votre argumentaire.

Premier point: "la morale". Je m'étonne qu'une personnage qui se dit aussi éclairé que vous puisse encore penser qu'il n'existe dans l'univers qu'une seule morale. La simple écoute des débats qui ont lieu quotidiennement dans cette assemblée devrait vous convaincre du contraire. Ce que vous appelez "la morale" n'est rien d'autre que l'expression de la volonté individuelle de chacun, qui prend ses actions en pleine conscience du fait qu'il est membre à part entière de la société.

Il n'a donc jamais été question pour nous de nous laisser "balotter au gré de processus naturels". Au contraire, il s'agit de défendre le libre arbitre, qui n'a de sens que dans l'action.

Second point "il y a une beauté, une "grandeur", une puissante esthétique dans l'application de la morale". Argument mystique qui laisserait sous-entendre un destin moral des êtres pensants. C'est une idée séduisante. Je vous accorde éprouver un grand plaisir à faire le bien du plus grand nombre. Le fait que vous trouviez dans la chasse aux xénomorphes votre sentiment du sublime est une preuve supplémentaire que ce soit-disant "sentiment moral" est tout aussi subjectif que "la morale" en général.

Troisième point " Il est donc parfaitement naturel [...] que l'humain, étant la seule espèce à avoir compris ceci (comme vous nous le prouvez à chaque fois que l'un d'entre vous prend la parole) soit considéré comme étant supérieur à l'animal". Et voilà les point central de votre discours, tout aussi bancal que celui de votre coalisé Fulrik. Vous assimilez tout ce qui n'est pas humain à l'animal. Et sur quoi vous basez pour définir l'humain ? Précisément sur ce sens moral, dont il aurait le monopole ! Dois-je vraiment m'étendre sur ce cercle vicieux ?

Je salue votre projet de sublimer votre nature par l'action. Nous comptons en faire de même. Vos actes, vos "expériences", auront des conséquences, à n'en pas douter, tout comme ceux de tous les êtres pensants de la Galaxie.

Mais quels que ces actes puissent être, nous pouvons tous partager une certitude: dans 288 jours 23 heures 49 minutes 50 secondes, tout ceci sera balayé, et la Galaxie retrouvera la paix.

Eh machin, je suis un peu perdu là. J'étais presque sûr qu'on tapait sur les aliens parce qu'ils sont moches et qu'ils puent. C'est pas ça en fait?

Ne vous faites pas de bile signor. Ces considérations métaphysiques ne concernent pas les gens comme nous. Pourquoi chercher une justification au plaisir que l'on ressent à déguster un plat bien fait? Inutile d'expliquer la recette, seul compte le gout dans la bouche.

Si vos actions vous contentent, n'allez pas chercher midi à quatorze heure : profitez. Intellectualiser une démarche ne vous conduira qu'au doute. Peu importe la morale, peu importe qui est la cause et qui est l'effet. Seul compte la dynamique et le résultat.

Mouais, t'as sans doute raison. Je vais plutôt essayer de comprendre la dernière blague de Majay Bma...