Une pluie légère et chaude tombait doucement sur le terrain de parade. Le ciel, couvert d'une fine couche de nuage, laissait émaner une luminosité très particulière sur la capitale de Verre. Un entre chien et loup de toute beauté, aux nombreuses nuance de bleu et de rose. Ce ciel semblait annoncer la fin d'un monde, ou l'aube de quelque-chose de nouveau. En un sens, c'était plutôt cohérent.

Confortablement installé dans d'immenses gradins dont la construction avait accaparée l'attention des meilleurs architectes impériaux, le publique ne semblait pas inquiété par l'averse estivale : Un champ de force indiscernable détournait les goutes. Seule l'odeur particulière du pétrichor, émanant des parcs entourant le terrain, arrivait aux centaines de milliers de spectateurs attirés par l'événement. Ces spectateurs étaient pour beaucoup des civiles originaires de la capitale, mais on comptait aussi des proches des soldats s'étant battu durant la guerre et un groupe non négligeable de journaliste. La majorité de ceux-là avaient cependant eut la chance d'être admit sur l'estrade réservée aux officiels : Installée face à une avenue en forme de T qui traversait toute la longueur du terrain, elle était constituée d'une tribune officielle encadrée d'étendards magnifiques et de projecteurs holographiques formant, lorsqu'ils étaient activés, un véritable délice visuel. Tout était pensé pour souligner efficacement la force et l'élégance de l'Empire.

Pour l'heure, des troupes défilaient le long de l'avenue, encadrés par des rangés d'auxiliaires et de chevaliers brandissant sabres et drapeaux. Plusieurs marches impériales accompagnaient les élégants déplacement de troupe, mais le clou du spectacle fut évidemment la fin du défilé durant lequel les héros de la campagnes s'avancèrent vers des vétérans pour recevoir des médailles d'honneur, le tout couvert par l'hymne impérial, qui avait fait taire les acclamations enthousiaste de la foule pour transir les tribunes d'un émoi tout patriotique.

Dans la tribune des officiels, les quatre amiraux qui avait été en charge de l'assaut étaient installés sous la rangée de siège réservée aux exarques, juste en dessous du petit promontoire où s'avançait l'Impératrice lorsqu'elle désirait discourir. Celle-là était d'ailleurs présente. Droite et digne, elle avait observée l'ensemble du défilé sans mot dire. Dans l'état, le Maréchal Scylla s'occupait de récompenser formellement chaque médaillé.

Enfin, l'hymne se tut, les troupes qui avaient défilées se rangèrent et tout les regards se portèrent sur l'Impératrice de Verre. Le vent s'était levé, et les étendards qui encadraient sa tribune claquèrent bruyamment. Ses cheveux et sa robe, eux, semblèrent animés d'un élan mystique.

C'était parfait.

Ce qu'elle allait désormais dire serait diffusé à travers tout l'Empire de Verre.

Mieux encore. Ce qu'elle allait dire serait diffusé jusqu'à l'assemblée galactique.

Là où certains se seraient raclés la gorge ou auraient salués la foule tel des petits dictateurs fascistes, l'Impératrice de Verre se contenta d'un pas en avant, et profita pleinement de la lisse populaire avant d'enfin écarter les bras, doucement, dans un geste presque maternel.

Le silence se fit. Un silence avide, comme celui d'un amant attendant que ne parle l'objet de ses désires.

Le peuple l'aimait sincèrement. Cette sensation était grisante.

Elle aménagea un silence. Sa voix était belle, très belle, et son charisme, qu'il soit naturel ou lié à de quelconques augmentation, presque palpable. Lorsqu'elle parlait, il se passait quelque-chose de puissant, d'organique qui touchait profondément son auditoire. Pourtant, elle n'était pas du genre à s'exciter sur son micro, ni à entrer dans une hystérie magnétique. Non. Elle était calme, mesurée. Peut-être un peu fière ? Sa voix résonnait comme celle de la raison.

Sans surprise, il y eut des hourra, des vive l'Empire et l'Impératrice, et bien d'autres encore. La foule était extatique. Considérant cette liesse parfaitement saine et bénéfique, Alyse la laisse durer quelques instants avant de reprendre et conclure.

Elle écarta à nouveau les bras et leva imperceptiblement le menton, yeux plissés. C'était presque comme un bain de foule. La liesse populaire lui plaisait particulièrement. Quand le peuple se considéra rassasié, ce qui lui prit un certain temps, l'Impératrice se retira et le congrès prit fin.

La guerre était officiellement terminée.

Depuis leurs sièges, les Exarques Lautrec et Emilia observait le discours de l'Impératrice avec intérêt. Lautrec avait formulé la volonté d'officialiser la fin de cette guerre, Alyse Nifhleim en personne lui avait indiqué qu'elle présiderait cette évènement. Peut-être était-ce en rapport à la façon dont Lautrec avait organisé l'adoubement de la commandante Akroma.

Il y avait en effet une certaine ferveur qui attisait la foule.

La confiance d'un peuple envers son suzerain.

Maintenant que la guerre contre les Suceuses de sang était terminée, un avertissement était lancé au reste de la Galaxie. L'Empire de Verre serait là pour défendre les peuples. Mais aussi pour lutter contre le mal et la déchéance.

Quand à Emilia, cette dernière participait à sa première réunion officielle en tant qu'Exarque, nul besoin de cacher que la nouvelle Exarque avait le trac. Ce trac semblait en partie endigué par la présence de l'Impératrice elle même, comme une mère s'occupant de tout ses enfants.

Car après tout, n'était ce pas la caractérisation d'Alyse? Une mère qui veille sur ses protégés au sein de la Galaxie ainsi que sur les autres peuples?

_Que la Terre Mère protège l'Empire, noble et salutaire, qu'Elle pourvoie à ses besoins, qu'Elle nous guide vers l'union galactique, dussé-je raser la moitié des systèmes pour y arriver.

Un jour de liesse, uh ?

Ça avait été sans les ressortissants de la fondation A.T.L.A.S, qui débonnaires comme à leur habitude, avaient juste acquiescé tout ce merdier depuis leurs mondes corporatistes.

Andrew n'avait pas même fait l'effort de sortir de chez lui. Il était de ceux qui, bien que satisfaits de l'échec de la fondation Jouvence face à l'empire de Verre, gardaient néanmoins un gout amer dans leur bouche.

De son point de vue, Alyse osait parler de "libération de joug corporatiste", alors que, pour citer Andrew : "Eh, ma cocotte, oublie pas qui t'a financé pour que tu puisses réussir ta guerre."

Dans son bain de billets, Andrew croisa les bras, l'air renfrogné. De son point de vue, la tache des uns faisait toujours la gloire des autres, et comme le dit si bien le proverbe : "qui peut le plus, peut le moins."

Alors, il décrocha son symbolique téléphone rouge, pour pouvoir directement contacter Alyse en personne. Si elle ne décrochait pas, il laisserait un message qui serait écouté le jour-même.

Téléphone en main, il attendit quelques secondes, puis respira de manière très inquiétante sur le microphone, avant de faire un petit :

Avant d'afficher un rire gras et d'immédiatement raccrocher.