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La Chute du Félin

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Cdte. Alyse Niflheim II
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17/05/1017 ETU 14:47
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Ambiance suggérée : https://www.youtube.com/watch?v=BugT43SpG3g
Une colonne de fusiliers Verres progressait à travers la Jungle.
En matière de forêt, celle-là faisait office d'apothéose : S'étendant dans toute les directions, couvrant crevasses et monts sur plusieurs milliers de kilomètres… Plusieurs milliers de kilomètre de cache potentielle, de secrets antiques, d'embuscade et de guerre, car il s'agissait bien de ça : C'était un champ de bataille.
Malgré la densité des feuillages et des branches, on y voyait comme en plein jour. Une luminosité crasseuse, verte et jaune, se frayait un chemin jusqu'au sol et se mélangeait à la texture maronnasse de la terre humide. La chaleur infernale, étouffante, les nuages de poussières stagnant dans l'air et la longueur inhabituelle des jours donnait à la région un air indéniable d'apocalypse.
Le bourdonnement sourd des insectes et les cris stridents des oiseaux tropicaux, semblable à ceux de Banshee mythologiques, n'avaient pas cessés depuis que les soldats avaient posés le pied sur la planète Carasteel. Même durant leur sommeil, ils en rêvaient : Des formes sombres, piaillant à plein poumon et des monstres aux yeux globuleux et aux pattes segmentées, volant en essaim.
Leurs nerfs étaient à vif. Entre l'étuve, le bruit incessant de la faune, la texture spongieuse du sol, la probabilité constante d'une attaque ennemie, les piqûres d'insectes, la faim, la soif, la sueur brûlante qui coulait partout, s'infiltrait partout, dans les jointures, collant leurs habits à leur peau, laissait derrière elle un horrible goût de sel...
A la tête du contingent se trouvait un homme : Le Commandant Stanislav Idraw, surnommé le Félin. Un héros de guerre à en croire la une des journaux impériaux.
Il se tenait droit, aux aguets.
Sur sa gauche, progressant à la même vitesse que lui, se trouvait une jeune humaine. Sa seconde, la lieutenant Nacrow. C'était une petite jeune, tout juste sortie de son école d'officier. Quand il avait apprit qu'on aller lui assigner une débutante, le commandant avait faillit devenir fou. Non-pas qu'il la jugeait incompétente ou indigne de lui, loin de là. Cependant, il estimait qu'envoyer un officier tout juste médaillé sur un front de cette violence était…
Du gâchis ?
Potentiellement du gâchis. Oui. Pour lui, Nacrow était fragile, et si pour l'heure elle remplissait bien son devoir, elle serait bonne à jetée après cette guerre. Inutilisable lors de la prochaine.
Si on oubliait la vitesse à laquelle ils progressaient et l'expression neutre qu'ils affichaient, le commandant et sa seconde ne se ressemblaient en rien. Le premier avait un visage carré, dur, des sourcils broussailleux, un regard torve et des lèvres épaisses. Il ressemblait à une sorte de totem rituel, un fétiche clanique. Le Félin dégageait quelque-chose d'animal, de puissamment bestial.
Nacrow, pour sa part, avait un petit air de poupée. Elle était une sorte d'image idéale de la petite Verre prenant les armes pour sa patrie, ce qui trahissait ses origines : Elle venait évidemment d'une bonne famille. Petite, peau blême couverte de boutons de moustique, ses cheveux clairs étaient attachés en arrière. Si un lueur vive brillait dans son regard, la difficulté du terrain, la fatigue physique et la chaleur lourde, humide, comparable à celle d'un hammam, semblaient l'avoir durement atteint : Elle avait les épaules basses, fixait le sol et ne prenait même plus la peine d'essuyer la sueur abondante qui coulait de son front à ses yeux .
Le pire, selon-elle, c'était la boue. Cette boue si particulière, mélange de poussière, d'eau et de fange, dans laquelle proliférait des centaines de petits parasites, petits vers grisâtres qui venaient se loger sous la peau, des centaines de petites sangsues qui grimpaient sur les treillis pour aller s'accrocher aux artères… Cette boue qui s'infiltrait sous ses habits, qui emplissait ses bottes.
Cette boue qui collait à tout et qui, une fois séchée, se changeant en une poussière si fine qu'elle pouvait durablement endommager le matériel…
La boue. Un pas après l'autre, elle progressait dans la boue.
"La boue, se dit-elle. Plus que les brigands, plus que les insectes, le vrai ennemi de nos hommes, c'est la boue. Cette foutue boue."
Peu à peu, quelque-chose changea ; Ce fut progressif, mais elle finit par comprendre: Le sol changeait de couleur.
Elle avançait et le sol changeait de couleur. Il y eut quelques murmures parmi les soldats et Nacrow fronça les sourcils, se passant une main sur les yeux pour essuyer la sueur. Devant elle, dans les crevasses du sol et entre les racines des arbres, il y avait des flaques écarlates.
La colonne de soldat se stoppa sous l'impulsion du Félin. La chaleur semblait avoir encore augmentée, le bourdonnement des insectes était assourdissant. Elle déglutit. Le contact entre la salive et sa gorge sèche lui fit mal.
Après un instant d'hésitation, elle leva les yeux.
De sa vie de soldate, ce fut la première fois qu'elle vît un charnier. Elle dû faire un violent effort pour ne pas se vider.
___
Une luminosité d'un rouge profond s'étendait du ciel jusqu'au sol, se fondant dans d'épaisses couches de poussières s'étendant du sol jusqu'à l'horizon, hautes comme des montagnes. Le tout était percé par un œil parfaitement circulaire de teinte orangé : Un soleil couchant. Il était la source cette chaleur horrible qui régnait sur Carasteel. Un petit groupe de chasseurs impériaux étaient visibles, leur silhouette sombre clairement découpée par l'astre.
Sous la brume écarlate, on devinait les formes vagues d'arbres tropicaux, et la silhouette sinueuse d'un large fleuve qui semblait rejoindre le soleil, à l'horizon.
A cause de la luminosité, le sol était d'un noir profond, et l'eau...
Rouge comme le sang.
Pour Stanislav Idraw, ç'aurait put en être. Après tout, tant d'hommes et de femmes étaient morts sur les bords de ce fleuve. Oui, il semblait tout à fait raisonnable d'imaginer qu'il ait put se remplir de leur sang.
"Et d'ici la fin de cette guerre, le fleuve débordera et emportera la civilisation, comme un déluge mythique. Nous pensons apporter la civilisation, mais tout ce que nous faisons, c'est annoncer la venue du déluge."
Le visage calme et iconique du commandant fut parcourut d'un violent tic nerveux que fort heureusement, personne n'eut le loisir d'observer.
Il avait monter son QG autour d'un titanesque temple autochtone. Une pyramide millénaire de pierre brute, ce qui se rapprochait le plus d'un bunker dans cette région du monde. Lorsqu'il était arrivé, lui et ses hommes étaient tombés sur un cimetière à ciel ouvert : Des locaux et des brigands semblaient s'être confrontés à des Verres.
Non. Des traîtres.
Ce fameux régiment de traître qu'il était venu chasser sur ce monde.
Ils avaient repeint la pyramide avec du rouge, y laissant leurs marques impies et leurs slogans profanes. « Vive le Roi Écarlate ! ». Puis les brigands et les locaux les avaient trouvés, et ce fut au tour du sol d'être teinté de rouge. Pas le même rouge, cependant.
Rouge, rouge, encore du rouge, toujours du rouge. Cette foutue couleur semblait se répandre sur ce monde comme la pourriture autour d'une plaie ouverte.
Idraw avait ordonné que l'on brûle les corps et que l'on s'installe dans la pyramide. Personne n'avait prit le temps d'effacer les sigles laissés par les traîtres. Depuis, le calme était revenu. Les fusiliers montaient la garde, discutaient à voix basse.
Installé sur un balcon proche du sommet du temple, le Félin fumait l'un de ses derniers cigares. Derrière-lui, dans la petite pièce qui tenait lieu d'état-major aux forces du commandant, Nacrow s'escrimait avec une radio, tentant tant bien que mal d'établir le contact avec le reste des troupes impériales.
C'était devenu son obsession depuis quelques temps.
"Dites-moi, Nacrow ?
-Mon commandant ?"
Elle avait lâchée sa radio et s'était approchée. Malgré ses cernes violacées, l'épais voile de sueur qui couvrait son front et son souffle court, elle restait toujours aussi aimable, toujours aussi respectueuse. En un sens, il l'admirait.
"Jusqu'où seriez-vous prête à aller pour votre pays ?
-Je vous demande pardon, mon commandant ?
Pas de réponse.
"Voyez ça comme une question personnelle, souffla le Félin en même temps qu'un nuage de fumée. D'être humain à être humain. Si l'on vous demande, par exemple, de massacrer des civiles...
-Vous n'y pensez pas !
-Et pourtant, nos troupes le font quotidiennement. Tenez, continua-il en pointant l'horizon. Ces chasseurs, où vont-ils lâcher ces bombes à votre avis ?
-S-... Sur des positions ennemis, mon commandant.
-Qui se trouvent justement être des villages autochtones. Vous souvenez-vous du jour où nous sommes arrivés sur Carasteel ? Cette odeur de chaire grillée, ces grandes tâches enflamme au sein de la jungle... Et ces petites silhouettes, ces torches humains qui courent vers le fleuve où se roulent dans la boue en hurlant des phrases inaudibles. Pensez-vous vraiment que tous étaient des terroristes prêts à venir, couteau entre les dents, égorger les nôtres ?
Nos pilotes les ont tués, tous et sans distinctions. Mais c'est leur devoir, ils le remplissent sans poser de question.
Je me demande : Est-ce qu'ils y pensent, une fois de retour à la base ? Trouvent-ils cela justifié ?"
Il se tut et elle n'ajouta rien. Un malaise croissant avait commencé à s'installer, et la jeune officière décida finalement d'y couper court en retournant à son poste radio. De son côté, le Félin tira longuement sur son cigare, méditant ses propres paroles. Oui, vraiment, il trouvait passionnant que pour faire le bien, sa nation passe par les pires atrocités.
Cependant, lui-même était soldat. Alors était-il coupable ? Et si oui, à quel degrés ?
Il avait déjà son idée sur la question. C'était pourtant simple. La morale ne pouvait pas s'appliquer à la guerre.
Alors pourquoi, pourquoi insistaient-ils tous pour tenter de concilier les deux ?
Car ils ne savaient pas de quoi ils parlaient, voilà pourquoi. Ils ne connaissaient pas l'enfer. Et cette même ignorance participait beaucoup à l’enfer que lui et ses hommes vivaient. La guerre "propre", belle histoire.
Juste une excuse pour gagner les prochaines élections au sénat impérial, juste une excuse pour expliquer aux soldats que puisqu'ils avaient donnés leur vie pour la patrie, il allaient aussi devoir souffrir avant de crever.
Juste une excuse.
Le commandant éteignit son cigare contre la rambarde du balcon et se retourna vers sa seconde.
...
Cdt. John Mac Wotek
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17/05/1017 ETU 17:00
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L'enfer vert... Quelle ironie pour des soldats de l'empire de verre! Des jours qu'ils marchaient dans cette jungle, une jungle qui avait eu raison d'un grand nombre des troupes impériales.
Même pour les rangers de la section bravo, compagnie Brown, troisième bataillon, 303e régiment, il fallait admettre que ce monde n'était pas un pique-nique. Et cela n'était pas peu dire... ils avaient l'habitude des conditions extrêmes. Après tout, il y encore quelques heures, ils rentraient dans l'atmosphère à bord de capsule individuelle, parachutés depuis l'espace.
L'adjudant-chef Javert, commandant en second de la section, expulsa d'un coup de pied l'ouverture de sa capsule, avant de braquer son arme de poing droit devant lui. Le sifflement du système respiratoire de son casque troubla le silence ambiant pendant quelques secondes. La voie était dégagée.
Il sortit de sa capsule, récupérant au passage son fusil d'assaut, avant de manipuler quelques bouton sur le côté de son casque. La visière de celui-ci lui montra alors aussitôt une mini-carte des environ, ainsi qu'un itinéraire à suivre pour rejoindre le point de rendez vous.
En raison de la violence dégagée à l'impact des capsule, on ne pouvait faire atterrir les rangers de façon groupée. Si ils étaient trop près les un des autres, la moindre couille pouvait causer un paquet de mort.
Il mis environ une dizaine de minute pour rejoindre l'emplacement. Il y patienta encore quelques instant, avant qu'une silhouette n'émerge des bois. Pointant son arme sur celle-ci, le ranger lui somma de s'identifier.
-Clay! Lança-t-il.
L'autre posa un genoux à terre, épaulant son fusil.
-More. Répondit-il.
Javert baissa son arme. Afin de s'identifier mutuellement dans la jungle, les soldats telmuniens avaient reçu toute une série de code. Celui-ci changeait tout les mois environs, afin d'éviter d'être percé à jour, et était complété par diverses procédures pouvant s'adapter à toute une palette de situation, allant d'une nécessité accrue de discrétion, ou bien de l'unité s'étant perdu en territoire hostile trop longtemps pour être mise à jour sur le mensuel.
Il fallut bien une trentaine de minute pour rassembler toute la section. Ou presque. Le tiers d'entre-eux n'avait pas survécu à l'atterrissage, dont notamment le lieutenant en charge. Abattus par la DCA ou écrasés par l'impact à l'atterrissage... c'était le lot des rangers. Le taux de mortalité était particulièrement élevé lors des largages. Néanmoins, un certain sentiment de dégoût, de gâchis, animait ces soldats.
-Tout ça pour un connard. Lâcha un caporal.
-Un connard qui pourrait faire un sacré merdier si on fait pas notre boulot. Répliqua aussitôt Javert.
Il avait déjà baroudé avec Stanislav Idraw, du temps de la guerre contre jouvence. Un officier remarquable, un héro de guerre d'après l'opinion publique. Ceux, néanmoins, qui avaient eut l'occasion de combattre à ses côté savaient quel genre d'homme il était: un type prêt à se laisser glisser dans l'abîme pour atteindre ses objectifs. D'après la rumeur, la corde lui permettant d'y descendre était de plus en plus longue, gagnant centimètres sur centimètres chaque jour passant.
Le gouvernement voulait le mettre au placard et vite, avant qu'il ne fasse une connerie. Il aurait dû être rapatrié à la capitale il y quelques jours déjà... mais en raison des problèmes de communication sur cette planète, impossible de le joindre.
C'est là qu'intervenaient les rangers. On savait grossièrement où se trouvait le commandant Idraw: l'un des coins les plus chaud et les plus dangereux de la galaxie. Les rangers étaient des experts en survie et en traque, doublés de combattants durs à cuir. Ils pouvaient tenir des semaines sans ravitaillement dans ces milieux hostiles... à vrai dire, la jungle, comparé au désert, c'était le paradis.
Si quelques pouvait ramener Idraw au bercail, c'était eux... mais que se passerait-il si le commandant impérial refusait?
Cdte. Alyse Niflheim II
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21/05/1017 ETU 03:41
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"Commandant ?"
Stanislav Idraw, aussi surnommé le Félin, cligna des yeux.
"Commandant, tout va bien ?"
Il se retourna vers l'origine de la voix. Même s'il faisait toujours chaud, la lourdeur humide de la jungle avait laissé place à une fraîcheur estivale plus supportable. Une délicate odeur d'embrun et les acclamations distantes d'une foule manifestement conquise le ramenèrent à la réalité. Il se trouvait dans un véhicule antigravité décapotable situé au milieu d'un convois composé de trois véhicules d'assaut blindés et avançant à une vitesse moyenne de 15 kilomètre heure. Secteur zéro, système 29, Anatolapolis : Capitale de la planète éponyme. Le cortège venait de quitter les rues grises du port industriel et remontait désormais l'avenue à quatre voie dite de la "Promenade des Iris", dotée d'une beautés toute traditionnelle. Le cortège venait de dépasser un cimetière militaire faisant face à un phare. Sur sa gauche s'étendait une mer calme survolée par quelques oiseaux clairs et sur sa droite des ensembles de bâtiments épurés d'adobe blanche dont l'ancienneté tranchait radicalement avec les quartiers commerciaux de la ville. On avait accroché des drapeaux et des fleurs aux balcons et une foule épaisse saluait le convoi depuis les larges trottoirs de la promenade.
Stanislav eut un sourire las. C'était comme si un tremblement de terre avait redessiné la géographie de sa face. Son visage était comme un continent gras.
"Tout va bien, soldat."
"Nous arriverons bientôt sur l'avenue de la victoire et la Plaza Mayor, mon commandant."
C'était une toute jeune recrue. Il le regardait avec un respect teinté d'une certaine forme de tristesse.
"Je vois."
Le Commandant fixa un moment le soldat puis jeta un regard panoramique à la foule.
"Ils acclament l'Empire. Surprenant, sur un monde si récemment rallié"
"C'est pour vous qu'ils sont là, mon commandant."
Ils se turent. Le soldat semblait gêné. Quand au commandant, son visage flasque, presque obscène, se renferma. La population l'adorait. Les officiers voyaient en lui une icône. Le gouvernement l'utilisait comme un étendard. Et puis il y avait cette petite minorité qui le voyait comme un sénile. Ce soldat en faisait parti, c'était sans doute pour ça qu'il était là. On le faisait surveiller, et le gouvernement avait beaucoup de mal à trouver des agents acceptant le sacrilège de démystifier l'icône, de se montrer suffisamment impertinent pour se confronter à ce qu'était vraiment le grand héros de guerre.
Un vieillard au bord de la démence.
Peut-être était-ce vraiment le cas, après tout ? Il avait vécu longtemps, très longtemps.
Alors était-il vraiment sénile ?
De toute façon, ça n'avait désormais plus aucun intérêt. Que ce soit vrai, faux, un mensonge destiné à le contrôler ou un fait terrible mais indéniable : Tout cela n'avait plus aucune forme d'importance. Il était une emblème. On ne demande pas aux emblèmes une vivacité d'esprit remarquable. Ses victoires, son aura, étaient tels que sa simple présence suffisait à magnétiser les foules.
Jetant un nouveau regard à ceux qui l'acclamaient, le Félin se leva lorsque son véhicule bifurqua sur la droite, quittant la promenade des iris pour l'avenue de la victoire, qui était encore un peu plus large. Les bâtiment la bordant étaient plus hauts, plus nobles et toujours délicieusement rétro. C'était une avenue où l'on se baladait le week-end, où les gens allaient faire du shopping, acheter des produits de luxe, boire en terrasse... Bref, vivre leur vie triviale de civil.
Au bout de l'avenue était la Plaza Mayor. C'était un lieu historique majeur où l'on trouvait des vieux théâtres, l'ancienne marie de la ville, un marché traditionnel d'une incroyable densité... L'avenue la contournait des chaque côté et se prolongeait encore un peu plus, s'étendant jusqu'aux lointains buildings d’hyper-carbone de la ville nouvelle, là où se trouvait le siège local de la Fondation A.T.L.A.S, l'Astroport, la Place Boursière du Secteur 29, le corps de garde principal des forces de défense planétaires... En comparaison, le reste de la ville faisait office de musée, d'antiquité en retard d'un point de vue tant culturel que technologique. C'était bien entendu faux, et même si la technologie n'était pas aussi développée sur Anatola que dans les planètes les plus anciennes de l'Empire, à l'ère des réseaux matriciels elle ne s'exprime globalement plus sous la forme d'énormes écrans, de machineries inquiétantes et de tubes tombant du plafond.
Non, vraiment, ces clichés étaient cantonnés aux livres de science fiction vintage et aux mondes Telmuniens.
...
C'était du moins ce qu'aurait dit un citoyen d'Anatolapolis pour dédouaner sa ville de toute remarque quant à son retard. Celui-là était cependant tout à fait explicable : Avec ses neufs milliards d'habitants, Anatola faisait figure de monde plutôt "peu" peuplé. De plus, l'ouverture récente du secteur 29 aux nations civilisées était une excuse tout à fait suffisante pour expliquer cette différence de niveau technologique.
C'était la thèse qu'aurait défendu Yaotl Xocochel si on lui avait posé la question. Jeune humaine et autochtone de son état, elle observait présentement la lente approche du convoi, confortablement installée au "Fortune de Paix", un petit café plutôt bien positionné sur la Plaza Mayor. En soit, elle n'était pas une enthousiaste pro-Empire, ni une grande fan des bains de foule et des émulations populaires de ce type. Non. Yaolt avait simplement ses habitudes : Depuis des années, à cette heure précise, elle venait au Fortune de Paix, se plaçait à la même table et commandait un verre d'atole, sorte de boisson non-alcoolisée à base de farine de maïs. De fait, on pouvait la considérer comme une habituée, et comme elle était éminemment sympathique, le personnel du café avait fait en sorte de lui réserver sa place attitrée, même aujourd'hui alors que les rues de la capitale étaient globalement bondées et avaient tendance à déborder sur un peu tout les restaurants ou bars adjacents.
Yaotl était donc installée en terrasse, à quelques trente mètres de l'avenue de la victoire. C'était assez particulier. De son point de vue, on aurait dit que les véhicules blindées du cortège lui fonçaient dessus à toute. Petite. Vitesse.
Du point de vue du cortège, elle devait pour sa part ressembler à un point parmi tant d'autres. Ce qui était le cas : Elle avait une apparence très classique pour une Anatolienne. Pas particulièrement grande, cheveux noirs, peau vaguement halée, yeux légèrement bridés. Bien entendu, du fait de son statut de monde Contrebande, Anatola avait connu un brassage ethnique et raciale assez conséquent, et y on trouvait toute sorte de couleur de peau, de particularité physique et d'espèces aliens. Le phénomène s'était encore accentué avec la prise de la planète par les forces impériales.
Aux yeux de Yaolt, ce phénomène était le signe que ce monde allait mieux. Mieux que durant sa période d'indépendance, en tout cas. A l'époque, une junte militaire contrôlait tout les pouvoirs et s’appuyait sur deux chose pour assurer son pouvoir : Des escadrons de la mort et le commerce avec les juntes voisines. Anatola était un monde contrebande car il avait été le nexus du commerce du temps où le secteur était fermé.
Puis l'Empire de Verre était arrivé, avait haussé un sourcil dédaigneux et avait distraitement envoyé des équipes réduites balayer les gouvernements et les administrations autoritaires en place ici et là.
Ensuite la vraie guerre avait commencée. Celle-là même durant laquelle le Félin s'était fait connaître des autochtones en se jetant corps et âme dans la lutte contre les fascistes, les pirates et les cartels. Anatola n'avait connu que quelques brefs affrontement, mais de nombreux monde voisins avaient été le théâtre de combats d'une violence inouïe. Même dans l'espace, la situation demeura longtemps chaotique : Les articles de journaux faisant mention de bataille spatiales opposant des flottes impériales à un nombre vingt fois supérieur de croiseur ennemi. Désormais, les résidus des armées étatiques, des sbires pirates et des juntes fascistes ne représentaient plus qu'une vague menace terroriste. De temps à autre, une flotte plus massive que les autres tentait de reprendre l'avantage dans tel ou tel point de coordonnée, puis se faisait exterminer par un déluge de plasma, de photon et de munitions magnétiques.
Du point de vue de la population, il y eut alors une longue période de doute. Ce soit-disant Empire de Verre ne pouvait pas être plus terrible que leurs anciens maîtres, mais serait-il vraiment plus appréciables ?
Depuis son arrivé, les impôts avaient chutés, le système judiciaire n'était plus corrompu, le peuple avait son mot à dire sur la politique local et le prix des denrées avait drastiquement baissé. Ainsi, du point de vue de Yaolt, la réponse était "Oui". La population d'Anatola pouvait se permettre de hurler "Vive l'Impératrice" sans trop sans vouloir. Vraiment, personne ne regrettait la junte.
Enfin, presque personne. Depuis l'arrivée de l'Empire, la planète avait été placée sous contrôle de l'armée. Désormais que la situation était à peu près stable, des élections allaient avoir lieu pour élire un certain nombre de parlementaires locaux qui devraient collaborer avec le Gouverneur placé par sa majesté impériale. D'après les sondages, quelques 5,4% de la population comptaient voter pour des ultra-indépendantistes partisans de l'ancien gouvernement.
Mine de rien, ça faisait beaucoup de fils de pute.
Quoi qu'il en soit, le passage du Félin à la capitale était directement lié à la passation de pouvoir entre les autorités militaires et civiles. Ce Commandant à la popularité absolument monstrueuse, surnommée le Libérateur par une bonne partie des 94,6% qui ne votaient pas indépendantistes, allait quitter le secteur pour retourner sur Foyer, capitale impériale. Il venait donc saluer une dernière fois les habitants d'Anatolapolis, capitale et symbole de la gouvernance verre dans cette région de la galaxie.
Les acclamations des autres clients du café sortirent la jeune femme de ses réflexion. Le cortège du Félin venait de dépasser la sixième avenue et allait bientôt contourner la Plaza Mayor. La jeune humaine se leva et plissa les yeux, ses implants rétiniens zoomèrent aussitôt vers le visage si particulier et reconnaissable du héros de guerre.
Ce dernier se tourna dans sa direction générale, et durant quelques secondes, Yaolt eut l'étrange impression qu'il le fixait dans les yeux. Un frisson lui parcourue l'échine et une sueur glaciale vint aussitôt consteller son front et son dos. Une force proprement terrifiante, mauvaise, habitait le regarde du commandant. Il avait une volonté unique, dangereuse.
Puis tout ne fut plus que chaos.
La situation dégénéra en l'espace d'un battement de cœur : Il y eut un éclair et quelque-chose traversa le véhicule décapotable. Le torse de Stanislav Idraw, aussi surnommé le Félin, explosa dans un geyser de sang. Il y eut des hurlements, des mouvements de foule. Le cortège accéléra d'un coup lorsqu'un second éclat vint plier le véhicule de tête comme du papier et pulvériser le trottoir dans un bruit qui vrilla les tympans de Yaolt. Une forte odeur de fer commença à se répandre sur la place. Il y eut un dernier éclat lumineux et la tête du félin ne fut plus que pulpe. Quelque-chose frôla le visage de Yaolt, brisant la vitrine du Fortune de Paix derrière-elle, désintégrant le planché du café et ébranlant gravement ses murs. A moins d'une seconde d’intervalle, une fontaine de sang et d'organes liquéfiés aspergea tout ce qui se trouvait autour du parcours du projectile.
Le Félin était mort.
...
Ça allait jaser.

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