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Cdt. Libertech
Respect diplomatique : 12 20/10/1017 ETU 15:31 |
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Détails
L'histoire du passage de Lorelol-26 sous giron Libertech est riche d'enseignement. Surtout si on place à une très courte échelle. Ashamkawani est un ingénieur géomorphologue détaché depuis un an sur la terre promise de son patron, le nabab Kurlavilovic, magnat d'un empire dans la colonisation territoriale. Sous son impulsion, le drapeau des alliances Libertech s'est apposé au milieu des terres autochtones. On y voit flotter les 136 étoiles des sociétés liés par l'appât du gain et du pouvoir, et, notamment, celui de Futurtech, nom de l'employeur d'Asham. Futurtech est spécialisé dans la relation entre peuples à conquérir et peuple conquérant, servant d'intermédiaire relationnel et physique à la couverture du réseau Libertechiens. Lorerol est prête à recevoir les investissements en Lcoins, tandis que ses populations sont protégés par les sécurités privées d'entreprises partenaires, ici la pionnière du genre en matière extra-Alpha : Securitech. Classique. L'implantation s'est fait sans heurt — hormis l'assassinat d'un prêcheur local anti extra-terrestriel —, mais les retours sur investissement tardent à se faire. Lorelol jouit d'un climat peu propice à se publiciser : un voile ardent de chaleur étouffante balaye la planète en long, en large, en travers. Les populations locales s'en sont bien sûr accommodées, disposant de quelques technologies avancées qui remettent en cause une vision développementaliste de l'histoire des sciences. Leurs habitats en large partie souterrains abritent environ 200 000 âmes orientées vers des croyances païennes héritées de générations difficiles à bouger. L'analyse de leurs coutûmes fait l'objet d'attention particulière de quelques anthropologues en freelance, mais les conclusions des lignes peinent à évoluer : malgré la nouveauté dans leur paysage spatial, les tribus semblent peu enclin à la libéralisation de leur vie et le quotidien des habitants reste, dans les faits, immuable. Ashamkawani est aujourd'hui un M. C'est un accomplissement pour lui, mais nulle fin en soi. Son ambition est égale au chemin qu'il a parcouru pour ce sortir de son cocon précaire. Né d'un quatrième bidonville d'Atras, sur Alpha 01, il a la chance de voir son conscient intellectuel hors-norme se faire repérer dès le plus jeune âge. Comme tous les cerveaux, un mécène directeur d'université privée le tire de sa condition durant son adolescence. Cela se résume ainsi : il rejoint le gigantesque internat 89 d'Elypsis pour y faire ses gammes, découvrant la face d'un monde en mouvement. Et se découvrant lui-même comme avare d'importance sociale. Branché puis spécialisé, il est en fait un formidable pion de l'idéologie d'aventure et d'entreprise partagée sur le parc. Et comme tous, il n'a qu'à demie conscience de cela. A seize ans il se fait dépuceler par une androïde de la marque Plaisirs. A dix-sept ans il fait son premier tatouage holographique. A dix-huit il se fait poser son premier implant, cérébral. A vingt, il tombe dans la drogue virtuelle. C'est à vingt-deux qu'il obtient son premier contrat qui le propulse quelques mois plus tard dans son premier voyage spatial. Cette aventure le rend homme. Confiant, il a le sentiment de faire partie des premiers exportateurs du modèle qu'il l'a moulé. C'est peut-être son premier déclic vers plus de liberté. Lorelol se défend. L'acquisition économique tarde et, dès les premiers mois, la nervosité se fait sentir. Sous la pression de L au-dessus de lui, sur place, il exécute les missions de relevés en but de saisir une possible terraformation des sols ou un changement dans la configuration atmosphérique. Les résultats des différents détachements en toute part sont laborieux : les communications peinent à se frayer un chemin dans les souffles brûlants de l'air et les installations sauvages et sommaires de Futurtech ne permettent pas une coordination efficace. Si bien que pour le conseil d'administration, la planète rebelle semble s'éloigner de ses ambitions initiales. La menace des retraits de crédit est répandue aux troupes et exécutants, et Asham se voit déjà sur le carreau, de retour en arrière. Avec une courte marge de manoeuvre, il demande à un supérieur de l'autoriser à rendre visite à une ville de l'équateur. Ce dernier, lui aussi sur la sellette, lui octroie cette chance sans grand espoir. En une nuit, il épluche les conclusions sociologiques qu'il a acheté sur son propre compte. Au petit matin, il branche le traducteur sur son bras et emmanche son scooter pour une journée à sillonner le sable et les rocs. Epuisé, il s'effondre tout de suite après un accueil généreux d'une femme locale. Suite à un repos dense, celle-ci lui fait la visite désormais balisée des galeries et troglodytes, sans grande nouveauté. Alors que le désespoir le gagne peu à peu, il se retint sur place grâce à l'attachante jeune femme. Au troisième soir, ils partagent une conversation déliée, et, à ce moment-là, il ne se voit plus repartir de cette grotte. Les mots sont tendres et l'échange se nourrit de lui-même. Pourquoi refusez-vous de voyager à travers les étoiles ? Nous sommes attachés au sol. A notre terre. Nous sommes dans une quête profonde vers l'intérieur de nous-même. Pourquoi irions-nous fuir vers l'ailleurs ? Pour voir de nouveaux paysages. Peut-être pour plus facilement appréhender d'où l'on vient. Je ne suis pas si sûre. Nous considérons cela comme de la fuite. Mais alors tu deviendras une mère Shama, comme ta mère avant toi et sa mère ? N'as-tu pas envie d'autre chose… ? Quoi d'autre ? Je veux perpétuer le feu de notre existence ici. Toutes les personnes qui comptent son autour de moi. Nous sommes purs. Nous sommes en connexion avec le Noyau. Asham comprend qu'il n'est pas peine d'insister. Il se tait quelques instants. La jeune femme lui propose alors de la suivre. En empruntant un chemin sinueux, ils arrivent sur un large cratère souterrain. Intrigué et un peu ailleurs, il soupèse ses paroles pour trouver un angle plus mordant. Il fait bien de s'être tut. Au centre de la caverne, un immense éclair de lumière jaillit. Aveuglé, ils restent là de longues minutes, absorbés par ce feu dompté. Ne restons pas là. Rentrons. Quelques pas plus tard. Qu'est-ce que c'était ? Notre vie. Nos reliques. D'ici nous puisons toute l'énergie de la terre. Le silence. C'était ce qu'elle pouvait dire de plus, Asham le sentait. Après une semaine à profiter de l'hospitalité de son hôte, il pouvait tracer là la ligne rouge par laquelle il pouvait ne pas revenir chez lui sain et sauf. Elle était intelligente, il le savait. Et, finalement, les aurevoirs furent moins chaleureux que le soir au coin du feu. Le camp Futurtech était à moitié démonté. Les poubelles ne seraient pas retirées, seul ce qui compte était déjà désossé et rapatrié ailleurs. Ses collègues les plus proches n'étaient déjà plus là. Et, dans cette ambiance d'enterrement généralisée, une lueur brillait dans les yeux de notre héros. Il savait qu'il ne fallait pas se tourner vers les interlocuteurs connus. Au contraire. Et c'est ainsi, que, de retour sur Alpha 01, il demanda une entrevue avec le baron Maliku Sivin Ba, C, au bluff. Ce dernier lui accorda l'entrevue, intrigué par les dires d'un rescapé de l'échec financier d'un concurrent commercial. Reçu à l'immense Palais de Bulgor, il ne put qu'approcher un homme de main de C28, ce qui suscitait déjà une grande excitation en lui. Fouillé, sans arme, mis à nu par les requins aux sourires lissés qui l'accueillait dans une dépendance scabreuse, il eut soudain le sentiment de commencer sa vie. Il venait d'apporter sur un plateau une juteuse opportunité. Et il allait négocier une rétribution pareillement qualifiable. Une place dans l'entreprise MégaOrbis ? Une mission sous couverture dans un tout autre système ? Une villa avec piscine et vue sur les plaines d'Ary ? Une tonne de cocaïne et des femelles de toutes espèces ? Au milieu de ce flot de pensées chaleureuses, il s'arrêta un instant sur un îlot immobile. Il y voyait la jeune femme le regard à jamais baissé.
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