Et ce fut à peu près ce que se dit Édouard Cyan, ministre des affaires étrangères du gouvernement de l'O.N.A.C.C (Organisation des Nations d'Astore et de son Commonwealth Colonial). Le grand blond en trenchcoat blanc avait finalement été envoyé à l'assemblée pour quelques cycles seulement. Sa mission n'était pas tant de représenter son gouvernement à temps plein, ça il pouvait bien le faire par holoprojecteur interposé, mais plutôt de superviser la mise en place d'une ambassade (dont le rôle risquait au final d'être très réduit : Entretient des projecteurs holographiques de l'O.N.A.C.C, gestion des éventuels immigrés Astoriens, gestion de l'administration classique de la diplomatie et peut-être de l'antenne locale du parti National-progressiste et de la Garde de Fer).

Ainsi-donc, Édouard Cyan déambulait dans les locaux de l'assemblée. Après avoir rapidement vérifié que tout se passait bien pour ses hommes (et tout se passait bien, il aurait de toute façon été difficile de rater l’emménagement du personnel diplomatique. Quoi qu'à vrai dire on avait bien perdu une vis de l'un des bureaux en kit. Or, les modèles de vis utilisés sur Astore suivent les standards Astoriens. Ainsi-donc, trop ce qui pouvait se trouver sur la capitale galactique était au choix un peu trop grand ou un peu tout petit. Un membre de la garde de fer avait bien proposé d'utiliser une vis plus petite et de l'entourer de mastic, tandis qu'un de ses collègues proposait plutôt de creuser un trou pour une vis plus grande, mais les Astoriens, surtout les membres du tout récent gouvernement national-progressiste de Zaida Stalazar, aimaient plus que tout la perfection, dont la première caractéristique était, selon-eux, d'être parfaite jusque dans les détails.

...

Ainsi-donc, la seule solution que le personnel de l'ambassade en installation avait jugée viable pour répondre à cette crise, le seul moyen de remplacer cette vis était d'envoyer un cargos depuis la métropole.

Un cargos qui ne contiendrait, donc, qu'une seule vis).

...

Revenons-en à Cyan, car toute cette histoire est vraiment très embarrassante. Le ministre déambulait dans les locaux de l'assemblée, en admirant distraitement l'architecture et en profitant pour faire la rencontre du personnel d'autres délégations, serrant quelques poignes, faisant transmettre quelques dossiers de présentation d'état à son gouvernement, ce genre de petite routine diplomatique que l'on réservait en temps normal à un simple diplomate de rang inférieur. Ce fut au cour de cette balade qu'il croisa l'homme masqué au cache-poussière anthracite.

Édouard Cyan se considérait à raison comme un homme cynique, jouisseur et jovial que l'on pouvait difficilement surprendre. Son humeur était égale et il avait ainsi pu aborder des représentants d'états idéologiquement éloignés du siens, d'organisations qu'il jugeait criminelles et de milices à peine assez organisée pour gérer leurs morceaux d'empire sans jamais hausser le moindre sourcil désapprobateur, jeter le moindre regard méprisant.

Pourtant, quand il croisa l'homme masqué, le ministre se stoppa, haussa un sourcil et fut traversé de la pensé suivante :

"Il déambulait à travers les couloirs, il semblait avoir un objectif."

Ou, traduite dans la langue du bon-sens :

"Voilà un homme qui ne s'est pas encore présenté aux peuples du monde. Appartiendrait-il à l'une des factions déjà bien installée en ces lieux ? En tout cas son accoutrement est singulier."

Et ce furent sur ces pensés pleines de philosophie que le ministre, toujours jovial, décida de retourner dans les locaux en installation de l'ambassade, voir où en était ce problème de vis.