- "Exécuteur sur la passerelle !"

- "L'Exécuteur quitte le navire, Le navigateur Relpsys prend le commandement."

Séverine Sylvestrade, syndic suprême de l'Union techno-syndicale, était confortablement installée dans un banc de polymère adaptatifs, sirotant un thé en observant les jardins de la station. Ceux-là s'organisaient autour de terrasses verdoyantes où des ingénieurs s'étaient affairés à faire cohabiter des plantes divers originaires de mondes éloignés et ainsi par toujours compatibles entre-elles. En soi il aurait été plus simple de choisir des plantes originaires d'un seul et même monde, mais l'Union appréciait les défis techniques, ceux-là étaient comme des preuve de sa supériorité.

La supériorité de l'Union. Ce serait à n'en pas douter l'un des sujets du jour. Bien entendu elle ne pourrait pas l'aborder tel quel : L'envoyé de la Hiérarchie Kir'Marek était relativement réservé sur la question, comment ne pas le comprendre. Son peuple était passé à ça de n'être "que" l'un des nouvel État de l'Union. Une planète de plus au service de la technocratie. Oui vraiment, ça s'était joué à peu de choses.

Séverine but une dernière gorgée de thé, posa la petite tasse blanche dans une assiette anti-gravité qui prit aussitôt la route des cuisines et se leva. Ses mouvement étaient si fluides, si parfaits qu'ils semblaient presque chorégraphiés. Elle se retourna vers l'officier qui lui avait annoncé la nouvelle. Les travaux n'étaient pas très avancés et elle avait tenue à offrir un spectacle magnifique à ses visiteurs, ainsi, si les jardins étaient presque terminés en apparence, ils ne jouissaient pour ainsi dire pas de système de communication.

La syndic-suprême arqua légèrement un sourcil et se pinça brièvement l'arrête du nez.

L'officier acquiesça et Séverine prit la route de la salle de réunion. Elle était très en hauteur, dans une partie du blindage située entre une autre section des jardins et les quais diplomatiques. Deux larges vitre donnaient d'ailleurs dessus. Lorsque la syndic entra dans la pièce, elle s'arrête d'abord pour jeter un bref coup d’œil au croiseur kir'marek amarré, loin en contre-bas, puis lança un sourire franc à l'adresse d'Arkturus.

Séverine s'approcha et lui tendit la main. Le serrage de poigne n'était pas très en vogue chez les aliens mais l'hégémonie que l'Union s'était plus ou moins construite dans le secteur avait largement répandue ce genre de petits gestes et rituels.

Pas de flatterie, pas de diplomatie au sens habituel du terme, pas de ronds de jambes.

Parfait. Sévérine l'aimait déjà.

Elle commença ainsi par lui sourire, s'adossant à l'épaisse vitrée blindée donnant sur les jardins et regardant l'exécuteur lui tourner le dos pour fixer l'espace. Amusant. Le conseil, pour être un gouvernement qu'elle considérait comme globalement mou, avait vraiment choisit un homme fort, ou du moins, capable de s'en tenir à ses convictions et d'aller droit au but.

Un militaire, en somme. De nombreux syndics étaient similaires dans leur manière d'aborder les chose.

Le ton était badin, mais la réponse lourde de sens. Peut-être un peu trop provocatrice cela-dit. La syndic suprême fronça les sourcils.

Elle eut un rire charmant et se secoua la tête.

Voilà, nous y étions enfin. Jusque-là l'exécuteur était d'accord avec ses mots mais il demandait des preuves un peu plus concrètes de ce qu'elle avançait. Comment ne pas le comprendre. Tant que les mécanismes d'interdépendance propre à tout alliance n'étaient pas effectivement entrés en vigueur, tant que leurs nations respectives restaient fondamentalement autosuffisantes, les Kir'Marek étaient en danger. Il suffisait qu'elle perdre sa place, que les Syndic jugent essentiel d'unifier le secteur et clac, en quelques cycles, il n'y aurait plus de hiérarques, plus d'exécuteurs.

Juste une union, mais fondée sur une relation de domination, et non de coopération.

Séverine se décolla de son mur, l'air grave.

Elle s'installa à la table et fit signe à l'exécuteur de faire de même.

Puis, sur un ton parfaitement égal.

Elle offrit un sourire poli à son interlocuteur, sirota une gorgée du liquide ambrée emplissant son gobelet et inspira. C'était inhabituel de se rendre à ce genre de réunion avec un commando. A vrai dire ça ne l'avait pas choqué outre-mesure à son arrivée -elle s'imaginait qu'il s'agissait d'une simple garde d'honneur- mais devait s'admettre troublée. Positivement, troublée. L'exécuteur ne la décevait pas. Il était totalement incompatible avec la diplomatie implicite -le fait par exemple de ne pas amener d’hommes armés à une réunion d'alliance- et ne se comportait pas en représentant, bien que défendant indéniablement les intérêts de son peuple.

Séverine marqua un temps puis reprit.

C'était comme à l'époque où elle complotait pour le Comité, traçait de nouvelles frontières entre les chefs du mouvement, allait rencontrer les industriels pour trouver du financement. A cette époque elle avait paradoxalement un air et une manière d'être bien plus officiels que maintenant. Mais la sensation était similaire en tout point : Elle avançait dans la direction qu'elle avait décidée d'atteindre. C'était excessivement satisfaisant.

Elle vida sa tasse et se leva calmement, tendant une main à l’exécuteur.