Des explosions de toute part. Des flashs de lumière intense. Des zébrures oranges, rouges, jaunes déchiraient l'obscurité. Et partout dans le ciel, tournoyants et plongeants, des milliers de vaisseaux effectuaient avec précision leur ballet morbide.

L'ambiance à bord du Prometheus, vaisseau mère galathéen, était semblable à celle d'une fourmilière. Une sorte de fièvre avait gagné tout l'équipage, qui se démenait corps et âmes pour que le plan des opérations suive son cours.

D'un pas vif, vêtue de sa tenue de combat, Lyra remontait la passerelle principale. Des mèches de cheveux s’échappaient de sa longue natte blonde, elle avait chaud, elle avait soif, elle était fatiguée, elle avait mal aux pieds. Mais rien de tout cela n'avait d'importance. Elle était sur le pont avec ses hommes depuis ce qui lui paraissait une éternité et resterait à leurs côté jusqu'à la fin de cet enfer.

La guerre. La putain de guerre. Elle était sur eux, telle une bête immonde qui avalait et broyait hommes, vaisseaux, machines sans jamais sembler se rassasier. Lyra haïssait la guerre. Elle haïssait ce vaisseau, qui n'était bon qu'à semer la mort et la désolation. Elle était là pourtant, ordonnant, encourageant ses hommes, orchestrant du mieux qu'elle pouvait un plan mis sur pied en urgence.

Une violente explosion à proximité du vaisseau projeta une vive lumière blanche et Lyra, aveuglée, se rattrapa à la rampe. Une onde sourde secoua le Prométheus, puis s'évanouit dans l'espace. Se redressant, Lyra passa la main dans ses cheveux et repoussa une mèche sur son front, collée par la sueur. Ce matin encore, elle pensait mourir ici. Elle s'était lancée à corps perdu dans cette opération militaire de grande envergure, prête à tout pour sauver l'honneur de son peuple.

Les derniers cycles avaient été éprouvants et la tension croissante, puis tout s'était brutalement accéléré lorsqu'elle avait appris par un précieux informateur que son peuple était la cible d'un complot visant sa destruction imminente. Elle l'avait vécu comme une trahison, orchestrée par l'un des commandants les plus puissants du secteur, qu'elle avait admiré et respecté. Mais il avait finalement utilisé dans l'ombre cette pirate, cette renégate, comme chien de guerre féroce et sanguinaire pour semer la discorde au sein du secteur.

Lyra et Les galathéens, son peuple, étaient menacés d'un grand péril. Et après eux, d'autres victimes viendraient...

Alors, bien qu'ils n'aient pas vraiment d'espoir quand à l'issue de ce conflit, quatre peuples du secteur 9 s'étaient soudés. Elle avait trouvé un soutien inespéré auprès des Haathoriens, quand l'Ambassadeur Miroslav avait lui aussi pris conscience de la menace qui pesait sur eux. En toute urgence, et pour frapper les premiers, ils avaient déployé un plan d'une envergure inédite pour eux. C'était l'opération de la dernière chance. Lyra et Miroslav avaient joué le tout pour le tout : s'il fallait en finir, ce ne serait certainement pas dans une attente tremblante. Autant partir avec panache.

Sauf qu'ils n'étaient pas morts. Loin de là. Leur plan s'était déroulé à la perfection, la coordination des deux peuples avait été magistrale. En l'espace de quelques heures, et contre toute attente, la situation qui paraissait perdue d'avance avait tourné en leur faveur.

Lyra soupira. Au prix de tant de morts...

Reprenant ses esprits, elle se remit en marche et, arrivée au bout de la passerelle, elle dévala quelques marches pour rejoindre la salle de commandement principal.

Poussant une lourde porte à double battant, Lyra fit irruption dans la salle. Partout autour d'elle, des centaines d'opérateurs, les yeux fixés sur leurs écrans, suivaient fiévreusement le déroulement des opérations. Virevoltant autour d'eux, des nuées d'assistants répondaient aux appels, transportaient des piles de dossiers et transmettaient les ordres aux unités sur le terrain.

Se frayant un chemin au milieu de cette agitation, Lyra se dirigea vers une petite salle attenante et, après un bref salut au militaire qui en gardait l'entrée, elle s'y engoufra. Autour de la table, les trois personnes qui étaient en pleine discussion se turent et levèrent les yeux vers elle.

La gorge de Lyra se serra. Quelque chose de grave venait d'arriver.

Elle baissa les yeux sur une feuille posée sur la table, l'attrapa vivement et la lut rapidement. Le commandant Ligwo, à l'origine du complot et de toute cette guerre, venait de se supprimer, détruisant avec lui sa civilisation. Elle leva les yeux de la feuille et les regarda, incrédule. Leurs frappes militaires avaient mis au tapis l'un de leurs adversaires, et le deuxième venait de se volatiliser. Incroyable...

L'un des hommes assis à la table lui fit signe de poursuivre sa lecture.

Elle reprit fébrilement.

Lyra eut l'impression d'avaler un seau de glace et, prise d'un vertige, elle se rattrapa de justesse au bord de la table. Des images terrifiantes se bousculaient dans sa tête. Ougrah. Son slip. Des kamikazes. Des conflits. Encore... Tout allait décidément très vite aujourd'hui. Trop vite.

Avalant sa salive, elle tenta de reprendre contenance. Elle regarda les trois hommes qui lui faisaient face et repris espoir. Elle tenta même un sourire.

Elle tira une chaise et s'y laissa tomber lourdement.

Mais avant ça, je boirais bien quelque chose de frais.

Alors que des verres et des boissons étaient apportées à table, Lyra observa pensivement les trois hommes attablés. Miroslav. Cyannur. Hezoq. Vivre cette guerre les avait sacrément rapprochés. Elle eut un sourire. Ils étaient très différents, tous, mais elle trouva qu'ils formaient une sacrée équipe.