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La Missive Écarlate

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Cdt. Olorìn...
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27/03/1019 ETU 01:11
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La commandante Olorìn sortit de ses appartements privés après l’enregistrement d’un com-x, la tête penchée, l’air songeuse. A peine la porte franchie, elle perçut des éclats de voix grandissants dans la salle de communication. Elle claqua la porte et accéléra le pas en direction des cris. Elle découvrit un soldat plaqué au sol, les yeux emplis de larmes, immobilisé par deux de ses compagnons littéralement couchés sur lui afin de l’empêcher de bouger.
« Que se passe-t-il, ici ? »
Au son de la voix de la commandante, les gradés se mirent au garde à vous, chose qu’ils ne faisaient plus depuis longtemps, la jeune femme les ayant dispensés de ce genre de protocole depuis de nombreuses galaxies déjà. Son attention accaparée par le jeune homme au sol, la magicienne y fit à peine attention. Elle s’adressa sans le regarder à un commandant debout près de l’infortuné.
« Vous pouvez m’expliquer ? Vous autorisez vos hommes à se battre ainsi, à présent ?
- Négatif, commandante. Le soldat Allred a…
- Et oubliez votre langage militaire avec moi. Il me semble que nous en avons déjà longuement discuté, vous et moi… Je n'ai jamais beaucoup aimé l'impulsivité de vos marcheurs au pas de loi, et je vous ai déjà demandé de ne point les laisser donner libre court à leur violence. Comme si j'avais besoin de ça maintenant... »
Elle jeta un œil sur les deux soldats qui maintenaient toujours le pauvre bougre cloué au sol.
« Et vous deux, relevez-vous et laissez-le respirer, vous êtes en train de l’écraser. »
Les soldats jetèrent un regard à leur supérieur, et la rouquine haussa le ton.
« Pas la peine de le regarder. Je suis sa supérieure, donc la vôtre également, et accessoirement la commandante de tout ce bâtiment. Je dirige cette civilisation, je la guide depuis neuf galaxies, et vous êtes placés sous mes ordres. Préférez-vous que j’use de cette autorité ridicule, ou ferez-vous preuve de bon sens en ne laissant pas votre camarade étouffer ?... »
Les deux jeunes recrues se levèrent tandis que le jeune soldat restait allongé au sol, les yeux toujours humides, et reprenant son souffle.
« Vous voulez bien m’expliquer ?…
- Il a mis en danger tout l’équipage, tous les survivants !!! Il voulait enclencher le système d’auto-destruction de ce vaisseau, et utiliser le système général pour faire de même avec tous les vaisseaux rescapés !! »
L'un des soldats qui maintenait l'autre au sol s’était exprimé naturellement, oubliant tout protocole inculqué depuis si longtemps et pourtant ancré au plus profond de lui depuis toujours.
« Il a commencé à hurler que nous étions tous foutus et qu’il valait mieux choisir son destin…
- On va tous crever, de toute façon... »
Le jeune homme s’était assis à présent, et sa voix était à peine plus forte qu’un murmure. Olorìn s’agenouilla, se rapprocha de lui, un sourire engageant sur le visage, faisant signe à son collègue de se taire.
« Quel est votre nom ?
- Soldat Shawn Allred, de la 26ème…
- Je me moque de votre grade et de votre affectation. Je parle à l’homme. Pas au militaire. Expliquez-moi ce qui vous est passé par la tête, je vous prie. Ce qui s’est passé pour que vous vouliez commettre une telle absurdité... »
Le jeune soldat la fixa et ses yeux étaient vides. Toute émotion avait déserté ce visage autrefois certainement plein de vie. La rouquine réprima un frisson devant cet air absent et inexpressif, et l’encouragea à continuer. Il y eut un long silence avant que des mots ne franchissent ses lèvres.
« Nous avons envoyé des furtifs automatisés pour analyser ce qu’il pouvait y avoir derrière la faille. Comme nous le disait le protocole, nous avons envoyé plusieurs flottes afin de pallier aux erreurs de navigations inhérentes à ce genre de déplacement. »
La suite, elle la connaissait par cœur. Cela faisait des galaxies que le mécanisme était le même. Rien de nouveau sous la Soleil.
Les sondes ou les furtifs arrivaient et se faisaient déchiqueter par des bombardements HA ou ioniques. Cela durait plus ou moins de temps, puis les natifs se décidaient à relâcher leur pression une fois satisfaits d’avoir montré qui était le maitre. Ils avaient ensuite droit à un laissez-passer pour les dirigeants les plus cléments. Sinon, c’était planète prison, enquête poussée plus ou moins humiliante, procès… Plus les choses changeaient, et plus elles étaient les mêmes. Mais la rouquine ne dit rien de tout ça et laissa le jeune homme vider son sac. Elle espérait que cela lui ferait du bien.
« ... et nous nous sommes aperçus qu’ils avaient été détruits par des bombardements clairement intentionnels.
- Oui, mais c’est chaque fois la même chose. C’est pour cette raison que le protocole a été mis en place. Afin que des vagues successives de furtifs automatisés soient envoyés et maintiennent une liaison avec les galaxies vivantes. Et que nous puissions attendre que quelqu’un vienne nous aider. »
Le jeune homme leva les yeux et une étincelle brilla au fond de son regard. Olorìn ne connaissait que trop bien cette lueur. C’était de la terreur. De la terreur pure, totale. Dire que cet homme était effrayé serait un pitoyable euphémisme.
« Je sais tout cela. J’ai lu tous les manuels. Je suis sorti major de ma promo. Mais j’ai aussi des contacts avec des amis dans d’autres vaisseaux, qui sont en contacts avec d’autres rescapés d’autres civilisations… Ils nous parquent de l’autre côté !!! Dans des mondes morts, sans vie, sans habitants, ils nous laissent crever et se jouent de nous… » Son ton suppliant faisait mal à entendre. La rouquine aurait peut-être préféré des hurlements. « Il y a, parait-il, un commandant qui propose de nous expulser, de nous rejeter dans le vide de l’espace. Y en a même d’autres qui veulent nous crucifier et nous mettre sous perfusion pour nous garder plus longtemps en vie… Y a des commandants qui… »
Elle avait entendu toutes ces rumeurs, celles-ci et d’autres pires encore. Elle ne pouvait empêcher les gens de parler. Elles ne pouvaient empêcher les bruits de couloir. Mais elle espérait que personne n’y prêterait d’oreille attentive.
Ce fut son erreur, et elle la regretta amèrement par la suite.
- Il ne faut pas écouter tout ce qui se raconte. Je sais que la plupart de ces faits sont erronés, ou exagérés. Voire les deux. J’ai eu un accès complet aux archives et le commandant à la tête de cette nouvelle galaxie semble compréhensif et accueillant. Je pense... »
Le jeune homme se redressa d’un coup et saisit la jeune femme aux épaules, hurlant sa peur.
« Mais le blondinet en Paradoxe aussi, était souriant et accueillant !!!! Et nous avons été floués, parqués, humiliés !!! Vous nous avez protégés comme vous le pouviez, mais ce ne sera peut-être pas toujours le cas… Je ne veux pas tomber sur un nouvel Alderak !!! Je le supporterais pas… Je veux pas souffrir !! Autant crever de suite, c’est ça la vraie clémence... »
La rouquine détacha péniblement les mains crochetées sur ses épaules et prit le jeune homme dans ses bras, tentant de calmer de son mieux ses sanglots. Lorsqu’elle sentit les hoquets se calmer, elle le redressa et tenta de l’apaiser par de douces paroles.
« Cette fois sera différente. Faites-moi confiance. Je sens que nous aurons une chance de retrouver enfin une vie normale. Les épreuves sont derrière nous. »
Elle offrit un sourire réconfortant à la jeune recrue. Mais elle ne vit en face d’elle qu’un visage redevenu impassible. Une coquille vide, une âme profondément enfouie au plus profond d’elle-même.
Sous l’impulsion d’Olorìn, la jeune femme et le soldat se relevèrent. De manière mécanique, le jeune homme essuya ses yeux humides et adressa quelques mots à la commandante.
« Je m’excuse de m’être laissé allé. Je vous promets que cela n’arrivera plus.
- Ne vous excusez point pour cela. Ce sont nos faiblesses qui nous rendent humains. »
Le jeune homme hocha légèrement la tête et partit s'isoler dans un coin. Elle s’approcha du commandant et tous deux partirent vers la console de communication en devisant.
« Veuillez lui pardonner son attitude. Il a perdu toute sa famille dans les bombardements ADM. Ses amis également. Il ne lui restait plus que son père, et ce dernier est tombé lors de l’Apocalypse. Il est décédé avant-hier de ses blessures. Shawn est instable depuis, et je pense même le relever de ses fonctions.
- Faites ce que vous avez à faire, mais allez-y doucement. Il est fragile. Et désarmez-le, avant tout. Qu’il ne représente une menace ni pour lui, ni pour les autres. »
Le commandant salua et se dirigea vers le jeune homme. Olorìn l’entendit lui adresser quelques mots.
« Shawn, file-moi ton arme une seconde, faut que je vérifie un truc... »
Pas très subtil comme désarmement, mais seul comptait le résultat, n’est-ce pas ?
Elle se concentra donc sur le chef des communications.
« Vous avez établi le contact avec cette galaxie ?
- Oui, mademoiselle. Les natifs semblent l’appeler Crépuscule…
- J’aurai préféré Aube, ou Aurore, cela aurait été de meilleur augure, mais bon… Quoi d’autre ?
- Nous avons les fréquences pour émettre dans leur Assemblée Générale. Tout est prêt pour que vous puissiez émettre un message en direct. Les furtifs sont en place, et le lien est établi. Il ne nous reste qu’à lancer la connexion.
- Alors, commençons dès maintenant.
- Vous avez déjà écrit votre discours ?
- Non, mais j’improviserai. Après tout, c’est ce que je fais de mieux, non ?... »
La rouquine adressa un clin d’œil complice à son radio.
« Je vais me changer, pendant ce temps, procèdez aux derniers ajustements. »
Elle adressa un sourire amical au jeune Allred qui ne le lui rendit pas. Ses yeux étaient toujours aussi vides. Elle eut un mauvais pressentiment, mais secoua la tête et se dirigea vers ses appartements se préparer pour son allocution.
Elle ne savait pas encore que ce discours serait le plus court qu’elle ait jamais prononcé.
*     *
*
Quelques minutes plus tard, la rouquine revint dans la salle des communications. Elle avait revêtu une robe longue blanche, au col montant, sans manches. La pâleur de la robe contrastait avec ses cheveux roux et faisait ressortir ses yeux verts.
Tout le monde était présent, ne voulant manquer pour rien au monde les mots qui pourraient peut-être leur offrir une nouvelle liberté. Une certaine électricité courait dans l'air, une excitation régnant toujours à la découverte de nouvelles civilisations.
Dans un coin, Shawn Allred se tenait droit comme un i. Ne parlant à personne. Le teint blafard et l’œil absent. Il faudrait absolument qu’elle aille lui dire deux mots tout à l’heure. Tenter de le réconforter. De lui expliquer. De le rassurer. Et de le transférer loin de tous les ragots imbéciles.
Elle s’installa sur le siège prévu à cet effet et le cadreur prit soin à ce qu’on la vit en entier. Elle demanda à ce que tout le monde sorte du champ. L’image libérée de tous les militaires présents, ainsi que de tous les opérateurs, l’absence de bureau officiel, tout cela enlevait à la transmission son côté pesant et protocolaire. Et c’était exactement l’effet recherché par la commandante. Elle avait bon espoir d’obtenir du dirigeant actuel une oreille attentive. Les quelques archives qu’elle avait pu lire lui avait donné l’impression d’un commandant responsable. Elle ne voulait en aucun cas lui donner l’impression d’arriver en conquérante. Ni en mendiante.
« Je suis prête, je vous laisse me donner le top départ.
- C’est bon pour nous. Attention, silence… Trois… Deux... »
Presque simultanément, une lumière rouge s’alluma et le cadreur fit un geste à la rouquine. On y était. Enfin.
« Habitantes et habitants de Crépuscule,
Je me présente à vous. Olorìn, d’Utopie. Ayant traversé 9 galaxies et toujours là. Un peu lasse, il est vrai, de l’accueil qui nous est systématiquement réservé. Les miens sont fatigués, usés. Nous ne venons pas vous piller, ni vous envahir. Nous cherchons juste un refuge. Nous désirons juste vivre en paix.
« Je salue votre dirigeant, le commandant Lee.
Vous avez eu une réaction épidermique en voyant les premiers vaisseaux des rescapés, et la peur vous a fait tirer à vue. Je peux comprendre cette réaction. Mais vous avez aussi été capable d’écouter ce que certains d’entre nous avaient à dire. Et avez décidé de stopper les bombardements. Ceci prouve votre ouverture d’esprit, et je ne peux que me réjouir de cette situation.
« C’est pourquoi... »
Et tout alla très vite.
On entendit hors champ un bruit de lutte.
La rouquine n’eut que le temps de tourner la tête.
Il y eut trois coups de feu. Le bruit sourd de trois corps tombant au sol.
Puis un jeune homme apparut dans le cadre, hurlant qu’il ne revivrait pas ça.
Se plaquant le canon de son arme sous le menton.
Le bruit d’une nouvelle déflagration.
Son corps qui s’affaisse d’un coup.
Olorìn derrière lui, le visage et la robe éclaboussés de sang.
Le liquide rouge qui s’étend doucement jusqu’à ses pieds qu’elle n’enlève même pas, interdite.
La caméra qui bascule et s’écroule, transmettant un plan bizarrement penché.
Jusqu’à ce que quelqu’un pense enfin à couper la transmission.
La scène n’avait duré qu’une poignée de secondes.

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