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Ombre et Poussière

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Cdte. Shae
Respect diplomatique : 78

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16/12/1019 ETU 12:09

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Rien ne dit

Dans le chant de la cigale

Qu’elle est près de sa fin.

***

La vie n'est qu'une brève parenthèse au cœur du néant, un souffle en sursis que la Mort vient aspirer tôt ou tard. Et quand l'heure est venue, elle récupère son dû, indifférente aux projets et aux ambitions inassouvies de ses victimes.

Shae serait-elle montée dans ce vaisseau ce matin là, si elle avait su ? Aurait-elle tenté d'échapper à son destin ?

Sans doute pas. En financière accomplie, elle savait mieux que personne la détermination d'un créancier qui vient réclamer sa dette. Si ça n'avait pas été à bord de ce vaisseau, elle aurait fait une chute fatale sur le carrelage de sa salle de bain, ou se se serait étouffée à table... Elle se serait assoupie en oubliant d'éteindre sa cigarette, et serait morte dans l'incendie de son bureau. Elle aurait aussi pu avaler un cure-dent et mourir d'une péritonite. Etre fauchée par un VME en traversant la chaussée, absorbée par les derniers chiffres du cours de la Corvette. S'intoxiquer avec l'espèce de tabac (était-ce vraiment du tabac ?) aux fumées multicolores de Gros Tarba. Ou plus glorieusement, mourir d'epectase dans un orgasme final.

Mais ce n'est rien de tout cela qui arriva, car Shae était montée dans ce vaisseau ce matin là. Vaisseau dont le signal disparut brutalement sur les cadrans des radars peu après sa sortie du Secteur 1. Collision avec un corps céleste ? Victime d'une balle perdue ou d'un tir ciblé ? Le mystère était resté entier malgré le détachement sur place de nombreuses navettes, qui ne trouvèrent aucune trace du vaisseau ou de ses occupants. Pas le moindre débris ou carcasse flottant dans le vide : le vaisseau s'était purement et simplement volatilisé, englouti dans l'immensité de l'espace.

Après quelques cycles de deuil national, drapeaux noirs en berne, les assistants de Shae se résolurent à chercher dans le bureau la clé du coffre personnel de leur dirigeante. Conformément à la tradition, la jeune femme avait du scrupuleusement tenir à jour son testament, au cas où ses jours devaient brutalement prendre fin. Ses dernières volontés, ainsi que les biens qu'elle voulait céder, devaient se trouver dans ce coffre.

Ils descendirent donc en une petite procession dans les sous-sols du Palais Ōkura, qui étaient en réalité des réseaux de tunnels creusés à même la roche-mère de la planète. Parvenus face au coffre, petite pièce fermée par une lourde porte en fer, ils tournèrent la clé, et la porte tourna sur ses gonds sans le moindre grincement.

Tout était là. Soigneusement rangé et étiqueté, avec la rigueur habituelle de Shae. A la lumière des torches, les assistants balayèrent la pièce sombre. Quelques coffres s'entassaient dans un coin, avec des objets d'art et d'autres plus insolites. L'un d'eux, intrigué, s'approcha d'une pelle posée contre le mur et lu la petite étiquette qui y était attachée : Deux-Museaux. Il fronça légèrement les sourcils, et continua de se déplacer entre les objets. Sur une table, au centre de la pièce, une pile d'enveloppes qui attendaient d'être envoyées à leur destinataire. L'écriture fine et penchée de Shae était reconnaissable entre mille, tout comme le petit cachet de cire de la maison Yin, garantissant l'inviolabilité des messages. Aegnor. Gros Tarba. Aspen Vegas. Howard Karringan. Dar'Sol Nahpokt. Deux-Museaux. Alderak.

Les assistants échangèrent un bref regard. L'heure n'était pas aux interrogations : la dernière héritière des Yin avait laissé ses directives, leur dernier rôle était de les honorer.

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