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Coup Fatal

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Cdte. Aube Niflheim
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22/12/1019 ETU 05:48
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Verre était en guerre. Il n'y avait pas eu de déclaration, mais des gens étaient morts, des mondes tombés et, depuis quelques cycles, une certitude assez généralisée que cette guerre ne serait pas gagnée. Que les flammes atteindraient un jour ou l'autre Palamenie et qu'enfin de compte, tout le règne de l'Enclave n'aurait été qu'une petite note dans l'histoire de la galaxie, amenant inévitablement à un nouvel exil Verre (et probablement à une nouvelle impératrice dépressive. Sauf que celle-là n'avait pas encore de fille enthousiaste et souriante pour la remplacer au cas échéant).
En bref et pour reprendre les mots très officiels d'un amiral lors d'une réunion en huis-clos de l’État-major : c'était la merde.
Mais, de manière notable, certains y trouvaient leur compte.
Par exemple : beaucoup chez les ultra-nationalistes avaient attendus que cette situation de guerre ne fasse défaillir l'Impératrice. Que soudainement, le masque s'effondre pour révéler une jeune femme aussi terrifiée qu'eux, incapable de répondre convenablement à la situation et la laissant en toute vitesse aux mains expertes d'un quelconque Homme Providentiel dont on se plaît à imaginer qu'ils apparaissent toujours dans ces moments là. Malheureusement pour les ultranationalistes et - bien que ce soit sujet à débat - fort heureusement pour tout le reste de Verre, ce ne fut pas exactement ce que fit d'Aube. Car Aube savait ce qu'elle faisait, savait où elle allait, ne s'inquiétait pas plus que ça et apprenait à aimer la bombe. C'était une guerre où Verre était résolument seule, et Aube n'avait pas peur. De toute façon, philosophait-elle entre deux apparitions publiques, elle avait toujours été seule.
Pour être parfaitement honnête elle n'entretenait aucune illusion quant à ses chances de victoire - elle était moins naïve qu'elle se plaisait à le penser - mais enfin, il fallait bien essayer de se faire respecter. Déjà par ses ennemis, ensuite par ses sujets. Ou le contraire. Et donc, dignement, la petite impératrice de la petite Enclave de Verre faisait face, statique comme une poupée de porcelaine, deux fois plus élégante, à peine moins fragile.
Les ultra-nationalistes, de leur côté, n'étaient pas très contents. Et puisque l'Impératrice ne semblait pas vouloir laisser sa place à un Homme Providentiel, il allait falloir lui forcer la main. D'aucun pourraient faire remarquer que s'ils avaient eu un "Homme Providentiel" sous la main, on aurait pas ici parlé d'Homme Providentiel mais de [Nom Prénom] ou, à la limite, de [Prénom Nom]. Les ultra-nationalistes ne s'en inquiétaient pas particulièrement. Pour eux, la priorité était déjà de savamment botter le cul de l'Impératrice en place. Ensuite, on aviserait.
"Ensuite, on aviserait".
Cette phrase résumait plus ou moins à elle seule l'entièreté de la carrière de Friedrich Kant. Membre influent du parti des Jeunes Kaiserdiens, considéré au mieux comme un "charmant sénateur peut-être un peu conservateur" et au pire comme un "Putain de gros fasciste de la pire espèce ! Le genre qui tabasserait un étranger avec le sourire et expliquerait d'un ton mielleux que "M'enfin, il a même pas la nationalité ce fils de pute !". Ouais !" (pour citer ce qu'en pensaient ses opposants politiques). Friedrich, donc, était Kaiserdien jusqu'à son nom. Militaire rapidement frustré dans ses ambitions par une blessure à la jambe ayant mal guéri, il s'était cependant révélé être d'un caractère combatif et doté d'un certain charisme et d'un petit sens de l'organisation qui avaient permis à la formation politique à laquelle il appartenait - avec le concours de nombreux autres charmants monsieur peut-être un peu conservateurs - d'étouffer l'opposition en jouant sur le manque de sécurité des colonies du secteur 0 et d'arriver ainsi en seconde place en nombre de sièges au sénat de l'Enclave.
Et puis Friedrich s'était rendu compte que malgré cette position confortable sur la scène politique, le parti n'avait pas vraiment les amitiés de l'Impératrice et que, par conséquent, son influence resterait assez locale. Non pas que la démocratie installée par Aube était dysfonctionnelle : le système de l'Enclave était très décentralisé, fédéral, cependant les questions diplomatiques et militaires dépendaient entièrement de l'impératrice, et l'Impératrice n'adhérait pas vraiment à toutes ces idées à base de pas de l'oie et de conquête des moins méritants. Sans doute parce qu'elle était une femme, plus probablement parce qu'elle était une salle petite... ...
Enfin ! Friedrch fit face à cette réalisation et, fort de son esprit combatif, avisa.
Il allait être temps de la dégager, la grognasse. Telle fut son idée - quoi que formulée avec plus de charme car il croyait sincèrement à l’intérêt suprême de la Nation et que, comme tout homme de son éducation pensant faire avancer l'Histoire, il se donnait des airs. L'idée devint une obsession l'obsession une conspiration, la conspiration un coup en préparation. Parfois, Friedrich repensait encore aux premières réunions qu'il avait mené, lorsque l'on réfléchissait aux différentes possibilités. Qu'ils en avaient fait du chemin, depuis cette époque.
A la base c'était lui et quelques fidèles. Des membre du parti, des extrémistes locaux, des officiers de terrain - de manière notable l’État-major était relativement incorruptible et d'une fidélité sans faille au pouvoir impérial. Tous des lâches. A l'époque, pour tout avouer, les conspirateurs s'y prenaient un peu comme des pieds nickelés et une bonne dose de chance avait sans doute beaucoup jouée dans l’accomplissement des premières étapes de leur plan.
Ils s'étaient rassemblés dans la maison d'un petit chef de chantier, dans une ville industrielle de Blanche Bastille. Ils étaient venus, par leurs propres moyens, soi-disant pour une réunion liée à l'organisation d'une branche local d'un syndicat lié au parti. On avait installé plusieurs brouilleurs, des membres du service de sécurité du parti surveillaient la zone à l'aide de drones et, dans la maison, les comploteurs échangeaient des idées. Friedrich avait attendu avant de prendre la parole, se lançant dans un grand discours enflammé sur la nécessité de remplacer Aube et son gouvernement modéré par un gouvernement plus "fort", parlant longuement de la gloire perdue de verre et concluant par une proposition aussi simple que radicale : la tuer. Un tir de plasma dans le crâne, à l'aide d'un sniper. En s'y prenant bien c'était sans doute possible. Non ? Un silence respectueux suivit l'énoncé du plan, et la réponse vint d'une petite seelie aux allures de fée, dans une tenue colorée. Sycce Falaisie. Une... Sympathisante. Friedrich ne savait pas grand chose sur elle, pour être honnête. Elle était digne de confiance, s'était sacrifiée de nombreuses fois pour le parti mais en dehors de ça, mystère. Que faisait elle avant de rejoindre les Jeunes Kaiserdiens ? Sans doute rien de bien recommandable.
La seelie toussota, renifla, se racla la gorge et fit claquer sa langue contre son palais.
"Franchement ? Vous voulez mon avis sénateur ?
-Eh bien, oui ?
-Tuer l'Impératrice d'une balle dans le crâne, lors d'une sortie, je ne pense pas que qui que ce soit ne nous suivra si on fait un truc pareil - laissez-moi finir - c'est un assassinat à la petite semaine, une révolte de branleurs. Croyez-moi si on lui étale le crâne sur, disons, un fauteuil d'Opéra, ils en trouveront une autre et on sera pas plus avancé."
Friedrich resta interdit.
"Une autre ?
-Wep.
-D'impératrice ?..."
L'idée lui semblait un peu absurde, mais face à lui la fée acquiesça vivement.
"Wep !
-N'oubliez pas qu'Aube n'a pas d'héritier. Aucun. Si elle meurt l'empire prend techniquement fin.
-Ah bah putain super, du coup ils feront sans doute une démocratie et on se fera élire grâce à votre puissant charisme ! Hein ? Nah. Ils trouveront bien un noble dont l'arrière grande-padre était un genre de putain de cousin au troisième degrés d'un empereur, vous suivez ? Ouais, si on veut faire quelque-chose, il faut que ça ait de la gueule. Que la population se soulève et nous dise "OUAIS PUTAIN, OUAIS, OUAIII !".
A ce moment précis, Friedrich avait deux certitudes. Premièrement, que son associée était folle. Ensuite, qu'elle avait raison. Ce qui était désolant car elle avait donc techniquement raison de le contredire. Ainsi-donc, quand il fut temps de lui indiquer de se calmer - d'un geste de main - et d'acquiescer, de dire "Oui. Vous avez raison Sycce", Friedrich se sentit profondément sali.
Rétrospectivement il se sentait toujours un peu souillé mais, en réfléchissant bien sur l'évolution qu'avaient pris les événements depuis cette première réunion, il devait bien admettre que la fée s'était révélée très utile, et ce à de nombreuses reprises. Si on exceptait son absence de tenue et sa propension miraculeuse à alterner entre les hurlements hystériques et les insultes toujours plus grasses, elle faisait une remarquable seconde. Instinctivement douée, habile.
Un Coup, oui. Un Coup. Tout ses sympathisants étaient des extrémistes locaux, des petits officiers ou des militaires des colonies, pas particulièrement opposés au régime impériale mais très agacés - c'est un euphémisme - par la perte de plusieurs mondes et l'absence (ressentie) de réaction de l'Impératrice. Paradoxalement, la prise de la Nouvelle Kaiserde - siège du parti des Jeunes Kaiserdiens et capitale des colonies, avait été le moment où le Coup était sorti du royaume des projets pour devenir une potentialité très tangible. Oui. Des gens "un peu agacés", il y en avait de plus en plus, et avec l’annihilation de la flotte coloniale...
Friedrich, installé dans le petit bureau auquel lui donnait droit sa place au Sénat, attendait avec une patience qui le surprenait lui-même. Le moment approchait. Il allait marcher sur Palamenia et réclamer le gouvernement. L'Impératrice ? Elle pourrait bien rester en pouvoir. Depuis les premiers jours, sa position à son sujet avait évoluée. Il aurait besoin d'elle pour se donner des airs légitimes; C'était ainsi qu'il voyait les choses.
Un coup.
Le sénateur hésita.
Non. Ce mot sonnait... Mal, vraiment très mal. Disons plutôt... Une Déclaration de salvation nationale. Ou une reprise en main des fonctions régaliennes.
Oh non, mieux. Ses yeux se plissèrent de plaisir. Après tout il avait été officier, il l'était toujours par certains aspects légaux.
Ce serait donc un pronunciamiento.
Cdte. Aube Niflheim
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31/12/1019 ETU 01:19
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L'un des grands reproches fait à l'Enclave de Verre par le Parti des Jeunes Kaiserdiens (ou PJK) - et donc par la branche Révolutionnaire et putschiste du parti (ou PJK-R, qui n'avait évidemment aucune existence officielle) - était son aspect fédéral. On considérait que la grande autonomie laissée à chaque planète, puis à chaque région, et enfin à chaque ville puis district représentait un danger pour la sécurité de la nation et une entrave au pouvoir du gouvernement.
Ironiquement, ce même aspect fédéral força les putschistes à une minutie de joaillier et les retarda grandement dans leurs plans : en effet, s'il était "simple" de décapiter un empire unitaire et de s’asseoir sur le trône, il était un peu plus compliqué de faire de même au sein d'une nation dont chaque territoire pouvait organiser sa propre défense et coordonner sa propre riposte et reprendre la capitale sans que celle-là n'en donne l'ordre. En d'autres termes : il fallait frapper partout à la fois, ce qui demandait beaucoup d'hommes, de moyens et une grande organisation.
L'un des principaux problèmes auquel fut confronté Friedrich Kant, notamment, fut la nécessité de coordonner l'action de chaque section d'assaut alors même que celles-là devraient être dispersées d'un bout à l'autre de la galaxie. La flotte était fréquemment confrontée à ce problème mais du temps où il était officier, Kant était un "cul terreux", à comprendre un soldat de défense planétaire. Il n'avait pas suivi de formations à ce sujet.
Et puisque la flotte était d'une inviolable fidélité à la couronne, personne au sein des putschistes n'était vraiment au point sur le sujet.
On aurait pu croire qu'il suffisait de choisir un fuseau horaire arbitraire et de demander aux hommes de chaque planète de s'y tenir, mais la relativité temporelle, les nuances liées aux voyages plus rapides que la lumière et d'autres joyeusetés astrophysique et conventionnelles obligèrent les conjurés à utiliser des moyens détournés. En somme il fallait une solution passant par autre-chose que les coûteux communicateurs quantiques - faisant voyager les informations instantanément d'une planète à l'autre - utilisés par le gouvernement et la Flotte. Finalement, la réponse vint d'un jeune servant qui, alors que la question était à nouveau soulevée, rappela timidement à ses supérieurs l'existence des horloges parlantes interstellaires.
On remercia le jeune homme et, un peu par vexation, le sujet ne fut plus abordé de la soirée. On se demanda même s'il était vraiment nécessaire de coordonner toutes les actions lors du coup.
Et puis, car l'égo des Jeunes Kaiserdiens n'était pas assez enflé pour peser plus lourd que l'ambition dans la balance de leurs décisions, on mit tout de même en place un système utilisant les horloges parlantes interstellaires.
En dehors de cet exemple parmi d'autres des très nombreux détails liés à la préparation d'un coup d’État en bonne et due forme, il s'était passé de très nombreuses choses depuis le début du complot. Des guerres s'étaient terminées, d'autres avaient commencées, le PJK-R avait été capable d'en tirer profit. Pour reprendre les mots de son leader : "Ils sont de plus en plus nombreux à se rendre compte que nous sommes la solution à l'Impératrice". Voilà ce qui s'était en fait passé :
Plusieurs mondes Verre avaient été occupés, l'espace de quelques cycles, avant de retourner sous le contrôle de l'Enclave. Durant cette brève occupation, le réseau créé par le PJK-R en préparation à son putsch s'était révélé être un outil de résistance utile qui aspira à lui seul tous les plus ultra-nationalistes des francs-tireurs civils et militaires frustrés par la défaite. A la libération, on fit en sorte de dissoudre officiellement les corps francs mais le chaos était tel qu'il avait été simple discrètement retourner à un état dormant, caché des yeux de l'Impératrice et de ses hommes. Le PJK-R voyait ses rangs grossis de nombreuses recrues et le PJK jouissait désormais d'une réputation renforcée au sein de l'espace colonial. Il était le parti de la Résistance.
Naturellement le retour des mondes envahis au sein de l'Enclave de Verre n’était en aucun cas liés à cette "résistance". Et si l'Impératrice ne fit aucun commentaire officiel à ce sujet, beaucoup considéraient qu'il s'agissait - peut-être - d'une victoire diplomatique de la couronne. A un point tel, en fait, que plusieurs membres du PJK-R se mirent à douter du bien fondé d’un coup d’État visant spécifiquement à museler / détrôner / tuer Aube.
Qu’à cela ne tienne ! Friedrich Kant utilisa les jeunes gens motivés qu'il avait recruté durant la guerre pour purger - très littéralement - tous les vieux souillés par le doute. Les moins extrémistes des putschistes, qui étaient aussi les plus expérimentés, furent assassinés en l'espace d'une nuit. Il y eut naturellement des enquêtes du gouvernement sur la disparition simultanée de plusieurs personnalités politiques et anciens militaires au sein des colonies, mais cela ne donna rien. Ou plutôt, cela traînait encore. Désormais il fallait agir avant que la conspiration ne soit mise à jour, ce qui ne laissait pas autant de temps à Kant qu’il ne l’aurait désiré.
Cependant, et puisqu’il n’avait plus le choix, l’homme qui se rêvait Guide Suprême – ou peut-être Lord Protecteur – donna le signal. Et donc, le PJK-R étendit ses branches, réveilla ses cellules dormantes , s'ébroua. Le Coup commençait pour de bon.
Cdte. Aube Niflheim
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03/01/1020 ETU 02:29
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« Alors, Friedrich, comment tu le sens ? »
Sycce Falaisie. La seelie affichait son habituel air franchement ironique, ce qui avait le don de mettre Kant à bout de nerfs. Le moment était historique et elle, elle continuait toujours et encore de traiter la situation comme un loisir. Un hobby. Elle avait ce comportement mercenaire, cette façon silencieuse de signifier qu’après ça, elle ferait autre-chose. Pourtant c’était une idéologue, elle aussi. Comme tout ceux impliqués à son niveau de responsabilité. C’était en tout cas l’idée générale qu’on se faisait d’elle. Sinon il n’y avait pas d’explication rassurante à son implication dans le parti et sa branche révolutionnaire.
Un jour, Friedrich lui avait demandé pourquoi elle semblait toujours prendre les choses à la légère. Elle avait essayé de lui expliquer qu’elle se concentrait simplement sur les aspects les plus absurdes de l’existence. C’était comme ça, elle n’y pouvait rien.
Les aspects les plus absurdes de l’existence. Friedrich se renfrogna. Qu’est-ce qui pouvait bien l’amuser, cette fois ?
Peut-être que c’était tout simplement la situation. C’est vrai, il y avait quelque-chose d’assez truculent à voir un sénateur — futur chef d’Etat –- coincé dans sa voiture, volant à pleine vitesse vers le Sénat, entouré d’une fée en uniforme et de deux francs-tireurs en civil. Peut-être que Sycce se disait que cette scène ne figurerait pas dans les livres d’Histoire. Ou peut-être, justement, se disait-elle qu’elle y finirait.
« Moi, repris-t-elle d’un ton léger – je le sens bien. C’est vrai, tout est préparé à la perfection. Tu as fait du bon boulot de planification. Je suis positivement surprise !
Surprise ? Vraiment ?
Au début je te voyais comme un incompétent, je n’attendais qu’une chose et c’était qu’un type un peu plus dégourdi prenne ta place. Mais finalement t’es passable, et c’est suffisant.
Merci. »
Si son ton était sec, il était sincère. Sycce était désagréable mais d’un niveau de compétence impressionnant. Friedrich avait appris – comme tout les autres conjurés – à respecter son opinion et à apprécier ses rares élans de « gentillesse » , ou de ce qui s’y apparentait chez elle. Cependant, il trouvait son manque d’inquiétude déroutant. Même si, c’était vrai : le plan était excellent.
Des milices allaient s’emparer des réseaux de communication des colonies éloignées, profitant du très haut niveau d’impréparation des troupes régulières rassemblées à la hâte depuis leur restitution à Verre. Les médias seraient aussi attaqués. Des membres du PJK-R présent aux parlements planétaires — où les Jeunes Kaiserdiens avaient encore une maigre avance depuis la guerre — devaient ensuite appeler à demander l’abdication de l’impératrice, de manière assez convaincante pour que les membres du PJK classique les suivent. L’armée suivrait sans doute, ou attendrait des ordres de Palamenia. Quoi qu’il  en soit des émissaires devaient inviter les chefs de la gendarmerie militaire – jugée plus poreuse à la dissidence – et les gouverneurs militaires à suivre le mouvement. Dans certains cas – celui où l’armée voudrait réagir par elle-même pour régler la question — des officiers partisans du mouvement pouvaient aussi les séquestrer et prendre leur place.
Les colonies proches, situées au sein du secteur 1, verraient apparaitre des actions locales de grèves et des manifestations « spontanées » de soutien. Les quelques partisans élus aux parlements imiteraient ceux des colonies lointaines et des émissaires approcheraient aussi la gendarmerie et l’armée.
Cela déstabiliserait assez la situation pour permettre, enfin, une action sur Palamenia.
Friedrich acquiesça pour lui-même et fut sorti de ses réflexions par une notification de son écran de contrôle. L’ordinateur de bord lui annonçait qu’ils arrivaient dans l’espace Aérien du sénat.
La voiture contourna la régie aérienne, une pyramide dorée au sommet d’un immeuble, et se stabilisa dans le ciel le temps que les formalités d’usage ne soient accomplies. Un contrôleur vérifia les identifiants de Friedrich puis l’invita à reprendre sa route. Il n’était pas inhabituel qu’un sénateur pénètre la zone avec des invités. Il pouvait s’agir de son personnel, de journalistes l’accompagnant ou de toute autre chose encore. Aussi personne ne demanda à Friedrich de poser sa voiture dans les zones douanières pour vérifier l’identité de Sycce et des miliciens.
Lorsque l’Impératrice avait reformée le Sénat, à peu près au moment où elle avait remercié le gouvernement semi-militaire qui avait accompagné le tout début de son règne, elle avait décidé de marquer l’indépendance de l’institution en interdisant aux membres de l’armée d’y pénétrer sauf si appelés par le sénat ou invités par un sénateur. Le pouvoir législatif avait ainsi sa propre garde, rattachée à la gendarmerie militaire. Bien entendu c’était plus du symbolique qu’une vraie consigne de sécurité et puisqu’aucun militaire n’aurait eu l’idée de venir au sénat — sauf dans les conditions précisées précédemment — personne n’aurait eu l’idée de vérifier l’identité de tous les visiteurs présents dans les voitures des sénateurs.
La voiture de Friedrich se dirigea vers les parkings réservés aux parlementaires, suivant la ligne droite découpée par un rail magnétique de métro, destiné aux visiteurs ou aux sénateurs ne désirant pas utiliser leurs véhicules personnels. Les transports en commun avaient la côte dans la culture Verre. Devant elle, le Sénat s’étendait. Pour Friedrich, le bâtiment était bien plus impressionnant que nécessaire. Placé au centre d’un grand jardin suivant le plan d’un cercle imparfait, à la façon d’un collage constructiviste, il était composé de trois immeubles élégants reliés entre eux par des passerelles et entourant un dôme blanc enfoncé dans le sol, sous lequel se trouvait l’hémicycle. L’ensemble était résolument moderne, mais la présence de quelques statues, de ruines et de colonnades au sein du Jardin et sur les pourtours extérieurs des bâtiments, rappelait la nature plus classique des structures officielles du vieil empire et de Kaiserde avant lui.
Friedrich se posa dans une petite alcôve d’une des tours et inspira profondément. L’air extérieur était un peu froid, sec.
« Attendez une heure avant d’agir. »
Elle leva les yeux au ciel.
« On connait le plan.
Si vous merdez c’est tout nos efforts qui s’effondrent.
Et si tu te plante, gros malin, qu’est-ce qui se passera à ton avis ? »
Friedrich fronça les sourcils mais ne répondit pas. Il quitta la voiture, attrapant sa mallette dans le coffre et se dirigea vers la sortie du parking. Prit d’une inspiration soudaine, il s’arrêta et pivota vers le véhicule en écartant les mains d’un air ironique.
« Je suis franchement désolé de vous abandonner ici mais la cession d’aujourd’hui est exceptionnelle. Vous n’êtes pas sans savoir que l’Impératrice en personne a été conviée pour un discours sur la paix retrouvée… »
Face à lui, Sycce s’extirpait de la voiture, entourée de ses deux comparses en tenues civiles. Ses petites ailes de libellules battaient mollement dans son dos.
« Vraiment ?
Vraiment. Il eut un sourire franchement mauvais. Et je ne voudrais rater ça pour rien au monde. »

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