Je suis le voile, et je suis la voie du voile. Je porte aujourd'hui le deuil en mémoire du plus glorieux commandant de la galaxie. Je pèse mes mots car peu d'entre nous peuvent se vanter de lui avoir tenu tête. Courageux, puissant et sans scrupule, il fut un exemple de liberté et de combativité, pas seulement pour les renégats, mais pour tous. Il n'a pas toujours pris les bonnes décisions, il s'est parfois montré brutal, trop brutal, contre son propre intérêt parfois. 

Mais aucune de ses erreurs ni de ses errances ne suffira à ternir sa valeur et son héroïsme. Je l'admirais, et si nous avions sa dépouille, je me ferais moi même un honneur de lui servir de linceul.

Le voile en deuil ne porte pas de voile. Il se dévoile, c'est ainsi qu'il montre son affliction.

SON Agent écoutait de face aveugle les révélations de la Sibylle. Ses deux mètres trente de fantastique répugnance cosmique s’étaient posés contre un pilier, lui donnant l'apparence d'une marionnette dont les fils auraient pendus depuis la voute de la salle. L'assemblage de cauchemars impies qui le composait était immobile, à l'exception d'un ou deux tentacules buccaux claquant ça et la, comme réaction au discours. Ainsi qu'un serpent, on aurait dit qu'il sentait quelque chose dans l'Assemblée. Il eu un hochement de tête, faisant craquer son ossature dans un bruit de poutre pourries que l'on foulerait la nuit.

Une ombre passa dans l'Assemblée. Les vitres qui donnaient sur la lumière de l’extérieur ne répandaient plus la froide lumière de Newdeun.

Au dessus des têtes, des bâtiments et des villes, bien au-delà de l'atmosphère planétaire, dans les gouffres obscurs dont chacun tait le nom, quelque chose couvrait le soleil.

Le sourire de l'horrible créature laissa voir une vérité terrifiante :

Un murmure inquiet traversa la salle, suivit des prémisses d'une peur venue d'un âge ou l'Humain était encore un animal asservi par la chasse et la vie cavernicole. La nuit artificielle donnait à chaque commandant présent dans la salle un visage déformé par les ombres. Durant quelques minutes, l'Assemblée devint un carnaval de monstruosités fébriles, d'apparences abjectes et de visages révélés dans leur nature la plus mortifère.

L'honorable Assemblée Galactique : un rassemblement de monstres dont la face véritable trouvait texture dans SA lumière.

L'éclipse passa, évidemment, mais la peur était encore là, et SON Agent exultait de cette démonstration de pouvoir.