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L'unique voie : celle de la souffrance ?

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Cdte. Louise Parcimonia
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09/02/1020 ETU 18:57
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Les derniers jours ont été terriblement éprouvants. Des rapports parlant d'une épidémie mortelle inconnue sont arrivés de plusieurs secteurs. Y compris le 17, surtout le 17. Son refuge, son havre de paix. L'endroit où elle avait cru pouvoir reconstruire sa vie après toutes les souffrances endurées dans cette galaxie, était devenu une zone pestiférée,  où la mort rôdait et prenait des milliards de vies à chaque cycle. Des milliards. Juste inimaginable.
Dans son vaisseau qui fait route pour rejoindre sa capitale, elle consulte les derniers rapports en se goinfrant de chocolat. Elle veut voir l'étendue des dégâts par elle-même, voir si elle peut aider, sauver ceux qui peuvent encore l'être. Faire quelque chose. Se sentir utile. Tout plutôt qu'attendre sans rien faire. Elle aurait sûrement dû rester loin de l’épidémie, en sécurité, mais, si tout le monde mourait autour d’elle de toute façon, à quoi bon continuer à vivre ?
- Tu devrais ralentir sur le chocolat ! Tu vas plus rentrer dans tes vêtements !
La voix de son assistant qui l’a accompagnée pour piloter le vaisseau la tire de ses sombres pensées.
- Bah… si ça se trouve on va tous crever, alors on n’aura plus besoin de vêtements tu vois ? Autant se faire plaisir !
- Tu sais, pas besoin de crever pour plus mettre de vê…
Un bip d’alarme résonne dans l’habitacle.
- Qu’est-ce que t’as encore foutu ? Déconne pas, tu vas pas nous faire nous écraser juste pour me donner raison hein ? Je suis prête à avoir tort pour une fois !
- Je…
Il tapote son écran de contrôle, pianote nerveusement sur des touches.
- Quoi ?
- Le secteur 17 a disparu des radars.
- Comment ça ?
- C’est comme si… toutes les communications avaient été coupées d’un coup. Comme si… il n’y avait plus rien ni personne pour communiquer tu vois ?
- C’est ton machin qui est en panne non ?
- Non, non, mon « machin » fonctionne très bien.
Elle s’est raccrochée jusqu’au bout à l’espoir d’une simple panne technique, ces choses là arrivent tout le temps n’est-ce pas ?
Mais lorsque son vaisseau arrive enfin au-dessus de la planète capitale, les débris innombrables qui flottent dans l’espace ne laissent que peu de doute sur le drame qui s'est joué ici.
- C’est pas possible ! Descends, faut qu’on aille voir ce qui s’est passé sur la planète, s’il reste des survivants.
- Plus aucun signal n’émane de la planète…
- On s’en fout des signaux, on se pose et on va voir.
- Mais… l’épidémie…
- Pose Ce Putain De Vaisseau. T’auras qu’à rester enfermé dedans. Si tout le monde est mort, si tout est détruit, on est déjà des morts en sursis de toute façon.
Sans surprise, c’est un paysage de désolation qui l’attend. Tout a été entièrement dévasté. Rien ni personne n’aurait pu survivre à cela. Il est inutile de chercher, d'espérer, pourtant elle se force à avancer, peinant à réaliser vraiment l'horreur de ce qui vient d'arriver, regardant partout autour d'elle à la recherche du moindre signe de vie.
Alors qu'elle chemine au milieu des décombres d’une civilisation qui vient d'être littéralement anéantie, ne voyant que ruines à perte de vue, une sensation désagréable de déjà-vu ne la quitte pas. Mais non, jamais, jamais elle n'a vu pareille horreur. Jamais elle n'a imaginé que cela pouvait être possible. Jamais.....
Et c’est là que le flash la prend au dépourvu. La violence des images qui se précipitent d'un coup dans sa tête la font se plier en deux sous la douleur. Tout lui revient d’un coup, brutalement, sans filtre, sans contrôle, douloureusement. Le choc vient de faire sauter le verrou de sa mémoire. A-t-elle vraiment été témoin de tant d'horreurs auparavant ? Ces images sont-elles réellement celles de son passé ?
Ses jambes refusent de continuer à la porter, alors elle s’effondre plus qu’elle ne s’assoie au milieu des gravats des immeubles éventrés. Elle n’a pas la force de gérer le poids de toutes les émotions qui l’assaillent, émotions du passé, du présent qui se mélangent, c’est trop. Elle qui voulait retrouver la mémoire depuis si longtemps, elle aurait préféré qu'elle lui revienne dans d'autres circonstances. Et surtout, avec des souvenirs moins horribles, moins violents.
Combien de temps est-elle restée assise comme ça, à se laisser envahir par les souvenirs, à digérer les terribles images du passé, à digérer l’horreur du présent, à digérer la souffrance infinie qui s’est emparée d’elle ? Impossible de le dire.
Elle finit par trouver la force de se relever et regarde autour d’elle, désabusée, refusant de croire ce qu'elle a sous les yeux. Qu’a-t-elle fait pour susciter une telle colère divine ? Et eux, surtout qu’ont-ils faits ? Ces innocents, qui n’avaient commis comme seule erreur que d’avoir accepté l’installation de ses comptoirs commerciaux sur leurs planètes,  convaincus par ses diplomates. Ces innocents, qui menaient simplement leur vie, se levaient chaque matin pour aller travailler, jouer, rêver, aimer, vivre. Ces innocents, sacrifiés sur l’autel de la folie divine.
***************
Elle est maintenant debout, immobile, seule, au milieu des décombres de ce qui a jadis été son bureau, face au puits de souffrance et de douleur qu’est devenue sa vie. Minuscule, perdue au milieu de l’immensité dévastée qui l’entoure, son regard est sec et vide. Elle n'a ni la force de pleurer, ni celle d'être en colère. Partout où son regard se pose, tout n'est que ruine et désolation. Jamais on ne pourrait deviner qu'il y a encore à peine quelques heures, c'était le siège florissant d'un commerce lucratif. Pourquoi a-t-elle tenu à revenir ici précisément ? Pourquoi reste-t-elle plantée là alors qu'il n'y a plus rien à faire, plus rien à sauver... Seuls les ténèbres et la mort rôdent.
Elle se laisse glisser sur le sol, épuisée, elle entoure ses genoux de ses bras et pose la tête dessus.
Elle n’arrive toujours pas à réaliser qu’elle a tout perdu, TOUT. Ses amis, ses proches, ces milliards d’inconnus dont elle se sentait responsable, qui travaillaient sans relâche pour aider à faire tourner son entreprise. Il ne  reste plus rien ni personne. Elle se sent terriblement seule, abandonnée, personne ne s’est inquiété de son sort, de leur sort, personne n’a pris la peine de prendre de leurs nouvelles.
Quelle naïveté d'avoir cru qu'elle pourrait vivre tranquillement, heureuse, dans la lumière, et laisser la souffrance et les ténèbres derrière elle. Avec les souvenirs qui continuent à affluer, elle se sent comme prisonnière d'éléments qui la dépassent. Quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle choisisse, c’est comme si tout la ramenait toujours irrémédiablement dans les ténèbres, vers la douleur et la souffrance. Comme si elles étaient là, tapies dans l'ombre depuis toujours, à la guetter, à l'attendre. Vieilles compagnes de route impatientes de la retrouver, curieusement rassurantes.
Lorsqu'elle relève la tête, elle n'est pas étonnée d'apercevoir une silhouette familière qui se dessine au loin. Elle semble glisser de façon presque surnaturelle, silencieuse parmi les ombres des décombres, elle est dans son élément. Le froid glacial et la sensation d'oppression augmentent à mesure qu'elle se rapproche. Elle devrait avoir peur, mais, elle se rappelle maintenant qu'elle n'a jamais vraiment eu peur de Lui.
J'étais sûre que ma détresse et ma souffrance finiraient par vous attirer ici. Vous êtes venu pour vous réjouir ?
Cdte. Louise Parcimonia
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12/02/1020 ETU 00:42
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La réponse ne tarde pas à lui parvenir sous la forme d'un murmure guttural et inhumain, monstrueux dans toutes ses formes qu'elle reconnaît  parfaitement car il hante la plupart des souvenirs qui lui sont revenus aujourd'hui.
Pourquoi donc poser une question à laquelle vous avez déjà l'odieuse réponse ? Vous connaissez de réputation le cruel monstre que je suis... cette terrible souffrance... horriblement parfaite.
Elle le regarde dépitée.
Parfaite ? Parfaitement injuste oui ! Pourquoi le sort semble toujours s’acharner contre moi ? J’ai vu… je me suis rappelée… j’ai déjà vécu cette souffrance !
Injuste ? Comme tout ce qui existe douloureusement en cette existence. Vous avez cruellement pu l'apprendre par l'infâme passé. Vous le réapprenez douloureusement aujourd'hui. Et cela, toujours avec une unique constante commune : l'infâme Souffrance. Il n'y a qu'elle qui soit odieusement véritable, et qui ne mente pas, jamais. Si un cruel semblant de justice existait, cela ferait depuis bien longtemps que le cruel monstre que je suis n'existerait plus... et je suis pourtant là, cruellement face à vous.
Ha ça c'est sûr, quand on souffre, on sait que c'est "vrai", on ne peut ni mentir, ni se cacher pour l'éviter, la souffrance nous retrouve toujours pas vrai ? Et du coup, vous êtes là cruellement face à moi pour quoi exactement à part essayer de me convaincre que la souffrance c'est cool et que l'injustice c'est la règle ?
Vous savez douloureusement pourquoi je suis ici... votre souffrance parle d'elle même. Toutes les routes mènent à la damnation qui vous était cruellement promise. Je vous avais horriblement prévenue. Votre cruel doute se transforme petit à petit en infâme certitude : Pourquoi encore secrètement espérer de ne plus souffrir ? Regardez par vous même, de tout ce que vous avez entrepris, créé, noué... il ne reste plus que votre douleur.
Elle aimerait lui crier qu'il a tort, que des gens s'inquiètent pour elle, sont prêts à l'aider, prêts à la tirer hors de la souffrance. Mais, le silence assourdissant de sa boîte de comx lui prouve le contraire. Ses épaules s'affaissent un peu plus.
Vous avez raison... J'ai tout raté... et tout ce que j'ai tenté de construire vient d'être balayé en un clin d’œil. Aujourd'hui je me retrouve seule, sans personne pour me tendre la main, sans espoir, sans force. Ne reste que la souffrance infinie. A quoi bon continuer à vivre si c'est uniquement pour souffrir ?
Elle ferme les yeux un instant pour cacher les larmes de désespoir qui commencent à arriver. Lorsqu'elle les rouvre, on n'y lit que de la résignation.
Vous le saviez déjà  << à l'époque >>  que quoique je fasse, quels que soient mes choix,  mes pas me conduiraient à ce jour où je me retrouve seule, submergée par la douleur. Connaissant la damnation que vous m'aviez promise.
Et nous voilà à nouveau face à face. Vous avez encore un choix à proposer ? Entre douleur et damnation ou malédiction et souffrance ?
Peut-être que cette fois je choisirai la mort, car j'en ai assez de souffrir ?
Mourir ? Disparaître de l'existence est effectivement là un choix douloureusement bien commun à ceux ayant enfin cruellement compris que la vie ne pouvait se faire sans souffrance... du moins pour ceux ayant l'ignoble chance de pouvoir cruellement faire celui-ci. Mais l'infâme mort a un coût ignoble et terrible : celui de l'ignorance. Jamais vous ne saurez.
Jamais je ne saurais quoi ?
La créature lâche un infâme rire en même temps que son sourire monstrueux s'étire. Le voir ainsi se délecter de sa situation désespérée avec un tel calme, un tel détachement sadique lui donne envie de hurler et de le frapper.
C'est là que se dessine toute la cruauté de l'existence... car si vous voulez vraiment le savoir... souffrez... vivez. L'odieuse vérité des ténèbres est inéluctable.
Elle ricane nerveusement, oui, vraiment, elle est de plus en plus sûre que le frapper la détendrait.
Gé-nial ! J'ai plus rien, j'suis toute seule, je sais même pas si je vais réussir à me relever et je dois continuer à vivre en souffrant pour savoir... on sait même pas quoi. Super concept ! Vous avez pensé à en faire des tee-shirts ? "Vivez, souffrez et vous saurez !"
L'humour, odieux trait de défense d'une personne face à une douleur cruellement trop intense. Vous savez à quoi vous êtes à nouveau cruellement confrontée. L'ignoble vérité des ténèbres. Combien d'hypocrites dans l'ombre savourent douloureusement tout autant que moi votre infâme souffrance ? Car qui oserait vraiment et horriblement vous l'admettre sans détour... si ce n'est une infâme créature.
Vous avez été confrontée à un cruel <<  choix  >>...
... votre infâme destinée -de lumière à ténèbres- est entre "votre cruelle main", c'est là l'odieuse parole que je vous ai donnée... -mais pas celle de l'infâme souffrance-. Vous n'échapperez pas à votre cruelle douleur, jamais. Alors... vous connaissez et ressentez l'infâme suite. Restez ici. Mourrez cruellement... ou...
... Elle attend une suite qui ne vient pas et scrute son regard pour essayer d'y lire ce qu'il n'a pas dit. Il l'agace prodigieusement à toujours dire des choses si cruellement vraies, des choses qu'elle pense au fond d'elle-même sans pour autant les accepter, à lui proposer des choix qui n'en sont pas vraiment. La mort et l'oubli ou la douleur et le savoir. Existe-t-il seulement un bon choix dans sa situation désespérée ? Une chose est sûre, il est le seul à être là, auprès d'elle, aujourd'hui et à lui offrir quelque chose. Une "main" tendue au milieu du chaos... D'ailleurs, de façon totalement flippante, au moment où cette pensée la frappe, elle voit la toge se tendre vers elle et aperçoit une griffe l'approcher et se figer devant elle, accompagnée d'un courant d'air glacial qui la fait frissonner. Elle reste un long moment à la regarder comme hypnotisée par son tranchant, ses pensées défilant à toute allure dans son esprit.
*****
Debout à nouveau, elle regarde les ruines de sa ville, de sa vie qui s'étalent sous ses yeux, indifférente à la douleur de sa main ensanglantée qu'elle serre contre elle.
Cdte. Louise Parcimonia
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03/03/1020 ETU 21:58
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Elle s’est installée inconfortablement dans les appartements où se trouvait son bureau, dans le bâtiment de l’ancien siège de son empire commercial détruit lors de l’apocalypse du secteur 17. Elle a refusé de retourner à une vie facile et confortable malgré les nombreuses demandes de ses conseillers. Pour ne pas oublier. Jamais. Elle leur a laissé la gestion des opérations commerciales en cours.
Elle a pour sa part passé ces derniers cycles à tenter de retaper l’endroit, pour le rendre un minimum habitable. Passer ses journées à transporter jusqu’à épuisement des tas de gravats, d’objets détruits, lui ont permis d’éviter de penser, de réfléchir, d’éviter de souffrir.
Jusqu’à aujourd’hui.
Elle est dans sa chambre. Si la pièce est propre, elle est entièrement vide, mis à part un simple matelas à même le sol, sur lequel elle est assise. Aucun autre meuble, aucune décoration, aucun objet personnel.
La musique tourne en boucle depuis son holopad, douce et apaisante. Et par terre devant elle, à distance respectable, est posé un livre. Assez loin pour qu’elle ne puisse le toucher, assez proche pour qu’elle voit parfaitement tous les détails gravés sur la couverture. Elle l’a abandonné (rejeté comme si elle s’était brûlée en le touchant serait plus juste) près de l’endroit où elle l’a trouvé et le regarde maintenant avec un mélange de méfiance et de curiosité. Elle a longtemps été persuadée (voulu se persuader ? ) que ce n’était qu’un rêve, une invention sortie de son imagination fertile, qu’il n’existait pas. Pourtant, il est bien là, réel, menaçant, attirant.
Elle laisse ses pensées vagabonder, comme pour le fuir, pour retarder l’échéance. Ses pensées se tournent naturellement vers le reste de la galaxie. De sa retraite volontaire, elle continue à recevoir quelques rares informations, toutes plus alarmantes les unes que les autres, car la mort ne s’est pas arrêtée, ne s’arrête jamais. Elle ne sait même pas si les quelques amis qui lui restaient sont toujours vivants, elle n'a plus de nouvelles. Son cher secteur a certes été le premier à tomber, mais tous tombent peu à peu, les uns après les autres, le même drame se répète partout. Est-ce un châtiment divin ? Si tel est le cas, il frappe tout le monde aveuglément, n’épargnant rien ni personne. Le désespoir et la souffrance semblent atteindre tout ceux qui sont encore debout. Plus efficacement encore que le pire cauchemar ambulant de cette galaxie.
Elle coupe brusquement la musique. Sa magie apaisante n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, il y a toutes les raisons de s’inquiéter et il n’y a plus rien de bon à attendre ou espérer.
Dans le gouffre de solitude dans lequel elle se trouve, elle sait ce qui lui reste à faire : affronter ses démons et se réconcilier avec elle-même pour se sentir à nouveau "entière".
Alors son regard revient se poser sur le livre.
Elle veut l’ouvrir et ne veut pas l’ouvrir.
Elle veut savoir et ne veut pas savoir.
L’heure n’est pourtant plus aux tergiversations et à l’indécision, car le temps est compté.
Cdte. Louise Parcimonia
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03/04/1020 ETU 17:48
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Le livre sur les genoux, elle tourne les pages, une à une.
Sous ses yeux incrédules, défilent des lignes et des lignes de dates, chiffres, brefs échanges. Toutes destinées à une seule et même personne, toutes rédigées de sa main, sans qu’elle se rappelle les avoir écrites.
Une conversation s'est déroulée à travers ce livre, jour après jour, semaines après semaines. Elle laisse glisser ses doigts le long des mots, frissonnant à leur contact, ressentant au plus profond d'elle-même les résidus de la magie noire qui a été à l’œuvre ici. Car si les lettres sont toutes de la même écriture, la sienne, une partie des paroles, ne laissent aucun doute sur Celui qui les a "prononcées". 
Tout lui revient en mémoire au fur et à mesure de la lecture. Elle se rappelle ce rêve qu’elle a fait. Ce cauchemar serait plus juste. Guidée par Ses murmures dans la nuit, elle a trouvé un livre, Ce livre. Et un poignard d’une noirceur irréelle...... Ho mon dieu, oui c’est ainsi qu’elle retranscrivait des conversations, des transferts, dans ce livre…  mais c’était juste des rêves… Rien que des rêves...Elle rejette le livre au loin comme s’il l’avait brûlée.
Elle secoue la tête luttant encore, refusant d’admettre l'évidence, cherchant toutes les explications possibles.
Peut-être qu'elle écrit en rêvant ? Y'en a bien qui parlent en dormant alors bon...
Ou bien, elle est somnambule et fait des trucs dans son sommeil ? Normalement, les gens somnambules se promènent simplement ou vont se chercher un verre d'eau ou un carré de chocolat et non pas aider le plus grand monstre d'une galaxie à réaliser ses projets, mais bon hein, chacun somnambule comme il peut....
La dernière hypothèse, la plus flippante, serait qu'une partie d'elle ait vécu une vie la nuit, profitant de son sommeil. Elle aurait pu avoir un double sympa qui se serait contenté d'aller faire la tournée des bars plutôt qu'un double maléfique qui aidait le plus grand monstre d'une galaxie à réaliser ses projets, mais bon hein, chacun a le double qu'il peut...
Elle rigole nerveusement, tentant comme toujours de prendre les choses avec légèreté, à la rigolade comme si cela pouvait atténuer l’énormité de la situation. Son esprit a eu beau essayer de la protéger pendant tout ce temps en camouflant la vérité dans des rêves, aujourd'hui, elle ne peut plus nier la réalité qui s’est révélée sous ses yeux dans les lignes du livre. Pendant des semaines, elle s’est construit une vie en Unité, se trouvant des amis, un protecteur, offrant la prospérité à son peuple. Certes, elle n’avait pas ses souvenirs et elle voyait bien que les gens la regardaient avec suspicion. Mais elle avait des projets, elle avait rejoint ceux qui voulaient lutter contre le mal, elle avait l’impression d’être à sa place.  C’est là que les rêves ont commencé, que les murmures sont arrivés jusqu’à elle, qu’elle est entrée en possession du  livre. Elle pensait encore faire le bien, mais sa part des ténèbres œuvrait déjà dans l'ombre de la nuit, une partie d’elle était déjà retournée à Lui. Et elle se sent... horrifiée de cette découverte ? désespérée ? honteuse ? Non, non, rien de tout cela. Elle se sent soulagée. De savoir enfin. De comprendre enfin. De se sentir complète, de pouvoir réunir la Louise des rêves et la Louise de la réalité. La Louise d'Unité qui voulait faire le bien et la Louise des souvenirs sombres qui lui sont revenus ces derniers cycles. Tout est maintenant clair, ou plutôt sombre. Elle se rappelle. Elle sait.
Plusieurs fois elle a failli sombrer dans les mensonges de la lumière, mais, heureusement, les ténèbres ont toujours été là pour la rattraper à temps....en lui rappelant sa souffrance.
Toujours, Il veillait. Et  toujours Ses murmures la maintenaient sur la douloureuse voie des ténèbres, lui montrant les mensonges des gens du bien pour parvenir à leurs fins, lui offrant en échange les cruelles vérités de l'ombre.
Nul doute qu'Il s'est réjouit tout ce temps, de la guider à chaque pas vers toujours plus ténèbres. A chaque action qu'elle faisait pour lui, avec lui, Il lui prenait une petite part de son humanité. A chaque mensonge de ses amis, à chaque abandon, à chaque trahison, à chaque attaque contre son peuple, elle perdait une petite part de son humanité, perdait un peu plus foi dans les êtres humains, les êtres vivants en général.
A la lueur de ses souvenirs retrouvés, de toutes les atrocités dont elle a été témoin de la part des un ou des autres, les horreurs qu’Il a pu commettre, ne lui semblent même plus si horribles. Ils méritaient tous toutes ces souffrances pas vrai ? Aujourd'hui, voir les autres souffrir lui est au mieux indifférent, au pire réjouissant. Reste-t-il seulement une once d’humanité en elle ? A-t-elle encore une conscience ? Une âme ?

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