Le jeune Ace Spade apparut à l’Assemblée Galactique. Connu pour représenter Harmony, il avait aujourd’hui abandonné les couleurs de son ancienne coalition pour prendre des ennemis de la Forêt : les Pro-Meca.

Il s’avança dans l’hémicycle, l’air grave mais déterminé.

« Commandants et Commandantes de Sagesse.

J’ai bien cherché des réponses auprès des anciens, auprès de ceux qui ont vécu tout ce temps auprès d’elle. Mais rien. Aucune réponse. Pour la première fois de mon existence, la Forêt s’est tue. » Ace tourna son regard vers le vieux Gardien, qui était tranquillement assis dans les tribunes. « Gardien Hêtre, qu’avez-vous à dires ? Quelles sont vos explications sur les actions de notre sœur ? J’en suis même à remettre en doute son rôle. A-t-elle seulement jamais communiqué avec Notre Mère Origine ? En est-elle seulement capable ? Ou nous a-t-elle manipulé tout du long ? »

Ace s’arrêta. Il attendait une réponse. Il attendait que le vieux gardien prenne la parole. Celui-ci se leva, lentement. Et c’est d’une voix douce qu’il prit la parole.

« Jeune Ace. Toi, tout comme Châtaigne êtes trop jeune. Avez-vous prit ne serai-ce qu’une journée pour réfléchir aux conséquences de vos actes ? Vous êtes-vous mis à la place de Plantaeh ? D’après vous, comment Origine a-t-elle fait pour vivre en paix pendant un millénaire entier ? En paix, et dans le bonheur ! Car oui ! Les Hommes sont heureux.

- Heureux ? Ils se tuent ! Vos parasites les tuent à petit feu ! Tout comme ils vous auraient tué dans l’intervention de la Forêt. Ils sont tous drogués. L’espérance de vie de ces gens ne dépassent quasiment pas les cinquante ans. Ils ont tous succombé à une de leur passion.

- Mais ne sont-ils pas heureux ? Tout le monde doit faire des sacrifices. C’est pour le bien de tous. Le bien de tous. Les gardiens sacrifient leur existence. Les hommes, leur vie. Les animaux, leur chair. Les plantes leur espace. Notre planète ses ressources. Tout cela, tout cela dans un but : Vivre en paix. Vivre ensemble.

- Une vie de zombie. Une vie imposée, où personne ne peut choisir de sa destinée. On ne peut même pas choisir ses propres compagnons. Le simple fait que nous soyons vivants ne veut pas dire que nous vivons. Comment pouvons-nous apprécier de vivre si nous avons accepté la mort ? La vie ne devrait pas être un passe-temps en attendant notre heure. La vie devrait être savourée chaque jour : que ce soit dans la joie ou la peine. Personne n’attache d’importance à ses proches : une mère a accepté de m’aider à violer sa fille parce que la Forêt avait décidé qu’elle serait ma femme. Elle n’a pas rechignée, n’a pas fait preuve du moindre remord. Juste parce que la Forêt l’avait décidé. Ce n’est pas humain. Nous ne sommes pas humains… »

Ace baissa les yeux. Le gardien ne dit mot. Ils entrèrent tous deux dans un long silence. Ace releva la tête. Ce n’était pas fini. Il lui restait un message à faire passer.

« Notre nouvelle Commandante, La Commandante Fiora est partie en quête du moyen de détruire pour de bon Plantaeh. Nous aimerions que vous lui laissiez le temps de résoudre le problème qui secoue Origine. A la tête des Pro-Meca, elle s’évertue, comme tous ses prédécesseurs, à renverser la Forêt, à renverser Plantaeh. Elle est aujourd’hui plus près du but qu’aucune autre personne ne l’avait été auparavant. Nous comptons sur votre soutien à tous dans cette quête. Si elle venait à échouer, nous compterons sur vous pour venir exterminer notre sœur. En attendant, veuillez à faire preuve de patience. »

Ace s’inclina pendant trois secondes, avant de disparaître.

Depuis son salon, Eolen Karva regardait par la fenêtre. Le Soleil se couchait sur la Forêt, et sur le Grand arbre multi-millénaire. L’arbre où se trouvait Plantaeh. A sa droite, une vidéo tournait en boucle : celle de la mort de Châtaigne. http://www.apocalypsis.org/assemblee/viewtopic?c_topic=4035&c_forum_page=2&c_page=2 Il avait servi depuis toujours cette gardienne. Durant plus de trente ans. C’est elle qui avait fait de lui un choisi. Puis, sans un mot à son égard elle s’était retournée contre la Forêt. Contre leur chef et sœur Plantaeh. Maintenant, elle est morte.

« Ah Châtaigne. Est-ce donc pour cela que tu as sacrifié ta vie ? Pour cela que tu as abandonné ton peuple ? Certes, si tes dires sont corrects, les parasites manipulateurs de la Forêt auraient bientôt atteint le secteur IX. Ce téléporteur. Il pouvait tout aussi bien transporter les gens que l’air. Et ensuite quoi ? Un téléporteur vers chaque monde de la Galaxie ? Ou pire ? La réactivation de l’ancien réseau ? Mais sous Plantaeh, le monde n’aurait plus eu à souffrir. Sous Planteah, tous auraient vécu en paix. Qu’en penses-tu Alise ? »

Eolen regarda à sa gauche. Sur le sol gisait tremblant le corps de sa femme Alise. Il en avait eu marre de toutes ses jérémiades. Comme quoi la Forêt lui avait volé leur fille, pour en faire un pantin. Comme quoi Eolen devait se réveiller et affronter la réalité. Il se leva et se rapprocha d’elle. Il attrapa au passage un ouvre-lettre sur son bureau. Il s’accroupit devant elle.

« Aaah. Eh bien, tu ne parles plus ? C’est assez agréable. Tellement agréable. Il serait dommage que tu recommences n’est-ce pas ? Tu sais, je me doutais que tu me cachais quelque chose. Mais ça ? Trahir la Forêt pour rejoindre les Pro-Meca ? »

Alise pleurait. Elle n’osait bouger, le corps entièrement couvert de bleus et de sang.

« Pitié Eolen. Reprends-toi… Ouvre les yeux…

- Que j’ouvre les yeux ? HA HA HA. Mais ils n’ont jamais été autant ouverts. Nous devons mater la rébellion. … Tu sais, tu m’as mis de mauvaise humeur. Pourquoi dès tu ouvres ta bouche de sale traîtresse c’est pour vomir toutes ses absurdités ? »

Eolen fit glisser le petit couteau sur la joue d’Alise, laissant une trainée rouge dans son sillon. Il mit ensuite Alise sur le dos, s’assit sur son tronc tout en bloquant ses bras avec ses jambes. Il empoigna le visage de sa femme de sa main droite. La bouche ouverte, il lui attrapa la langue de sa main gauche, puis il libéra sa main droite afin d’attraper l’ouvre-lettre. Alise essaya de se libérer, de mordre la main de ce qui était maintenant son mari. Les yeux emplis de terreur elle essaya d’hurler. Mais personne ne viendrait l’aider. Elle ne put que regarder l’homme fou qui se tenait sur elle approcher le couteau de sa bouche.

Eolen regagna son fauteuil et joua avec le couteau.

« Aaah. Maintenant je vais pouvoir profiter d’un peu de calme. »

Alise gisait toujours sur le sol, la bouche en sang, les yeux en larmes. Elle ne comprenait pas. Comment ? Comment un homme si doux avait pu se transformait en brute sanguinaire. Mais elle garderait maintenant ses questions pour elle. Car elle n’avait plus le moyen de les formuler.

Eolen Karva apparut à l’Assemblée Galactique. Il était nonchalamment assis sur son fauteuil, et son regard était fixe. Fixe comme s’il ne voyait pas l’Assemblée devant lui. Comme s’il se contentait de contemplait une chose située loin derrière elle. Après une minute de silence, il se leva et prit la parole.

« Commandantes et Commandants de Sagesse, je vous salue.

Vous noterez que je n’utilise plus le « nous » de la Forêt, ni même que je ne vous salue plus au nom d’Origine. Pourquoi ? Il semblerait que certains Commandants aient du mal à suivre tout ce qu’il se passe sur Origine. Pourtant, les faits sont clairs. Nous tous avons été dupés par la Forêt. J’ai été dupé par elle. La première preuve en est mon apparence.

Dame Châtaigne m’a ouvert les yeux. Elle a été le prophète d’une nouvelle ère : une ère où la Forêt se pliera devant les Hommes. Mais quels Hommes ? Les Pro-Mecas ? Qui se cache derrière leur barrière de flammes ? Depuis un millénaire ils prétendent vouloir défaire la Forêt. Depuis un millénaire ils se terrent derrière des idéaux sans prendre une seule action. Qui reste-il alors ? Les Hommes d’Origine ? Aucun ne connaît assez la Forêt pour la contrer. Aucun n’a la force de la contrer. »

Eolen leva les bras au ciel. Se tournant de plus en plus à la folie. Le regard toujours perdu dans le vide en face de lieu. C’est en hurlant qu’il continua son discours.

« J’ai été élu ! Dame Châtaigne Notre Prophète m’a Choisi. Elle a fait de moi Son Choisi. C’est à moi qu’incombe la tâche de rendre à Origine Sa Liberté ! De montrer à Tous SA PUISSANCE !

Un rire s’éleva dans la salle. D’abord faible, il finit par emplir toute la salle, ne laissant place à rien d’autre.

Le Gardien Hêtre se leva de sa place dans les tribunes. C’est de lui que le rire avait été émis. Et c’est lui qui s’adressait à présent au choisi.

« Pourquoi aurais-je peur d’un hologramme ? Vous voulez m’attaquez ? Essayez donc ! »

A ces mots, les deux hologrammes en provenance d'origine se brouillèrent. Puis l’Assemblée Galactique se scinda en deux. On pouvait voir d’un côté la salle de retransmission Holographique officielle de la Forêt, et de l’autre Eolen Karva dans ses quartiers. Les deux salles n’étaient visibles que de moitié. Mais on pouvait apercevoir de nombreuses traces de tirs dans celle utilisée par le Gardien. Celui-ci gisait maintenant sur le sol.

« Commandantes et Commandants de Sagesse ! Soyez les témoins de ma Puissance. J’ai ici terrassé un Gardien ! Et ce n’est que le début. Je connais leur point faible. Je les détruirai tous.

- Pas si vite. Alors qu'Eolen exultait de sa victoire, la voix du Gardien s’éleva. Sous le regard perdu du choisi les salles holographiques se modifièrent de nouveau. Seuls les quartiers d’Eolen devinrent visibles, dans leur totalité. Là où se trouvait originellement une fenêtre donnant sur la Forêt, on pouvait maintenant apercevoir un grand trou béant. Là où se trouvait le cadavre du vieux Gardien, se trouvaient maintenant Hêtre dans toute sa puissance. Des branches et des racines partant des mains du Gardien transperçaient un Eolen désemparé en toute part.

- J’ai envoyé des soldats armés d’armes conçues spécialement pour vous tuer. Comment.. ? Eolen cracha du sang.

- Tout simplement parce que je n’y étais pas. Depuis ces derniers cycles, je me trouvais juste sous votre nez. Caché derrière une illusion holographique. Mais la douleur que vous ressentez, elle n’est pas factice. Tout comme mes racines à travers votre corps. Vous avez voulu doubler la Forêt ? Vous avez même tenté de rallier un Commandant extérieur à votre cause. Vous êtes bien trop jeune pour tenter de nous doubler.

- Je suis le Choisi ! Le Choisi de la prophétie! Celui qui mènera las Forêt à sa perte.

- Oh. Et devons-nous vraiment avoir peur d'un être qui a perdu toute sa raison? Un être qui ne peut même pas bouger? Le Choisi? Vous réussiriez presque à nous faire rire.

- TU n’es qu’un hérétique ! Un vieillard qui ne mérite pas de vivre. Tout comme les autres Gardiens. Il n'y avait qu'elle qui méritait la vie. Pourquoi dois-tu vivre lorsqu‘ELLE est morte ? ELLE ne le méritait pas. C’était une vraie Gardienne! Notre Prophète. La clef de notre avenir!

- Une Prophète? La clef? Vous pensez que votre avenir réside avec les autres Commandants? Châtaigne n'était qu'une Gardienne qui s’était entichée d’un Commandant d’un autre secteur. Ne me regardez pas avec ces yeux Eolen. Vous l’avez vu vous-même. Lorsqu’elle est sortie de ce dîner diplomatique avec le Commandant Arkk… Elle n’avait qu’un nom à la bouche : Sanjar des Ardelyons. Pas Commandant Arkk, mais bien Sanjar des Ardelyons. Le simple fait qu’elle l’appelle par son vrai nom, vous avez tout de suite su ce que cela veut dire. Elle était tombée sous le charme d’un Commandant qui savait à la fois manier les mots et l’épée. Et vous à côté ? Vous ne saviez qu’obéir à ses ordres. Vous ne l'avez mis au rang de Prophète juste pour éviter la réalité: la femme que vous aimiez est morte.

- Tais-toi.

- Lorsqu’elle est morte, vous n’avez pas pu l’accepter. Accepter que la femme que vous aimiez ne vous ai rien dit. Que la femme aux côtés de laquelle vous avez passé votre vie n’avait même pas partagé avec vous ses craintes.

- TAIS-TOI !

- Vous avez décidé d’affronter la Forêt Eolen. Vous avez même tué la femme qu’elle vous avait offerte. La femme que j’avais moi-même élevé au rang de choisi ! Trahis par la femme que vous avez aimée. Trahis par la Forêt que vous avez servie. Quand vous êtes rentré chez vous ce soir-là, elle vous attendez : votre femme, Alisa. Une femme charmante oui, mais pas celle que vous vouliez voir. Pourquoi Alisa n’était-elle pas morte ?

- Boucle-là !

- Pourquoi Châtaigne l’était-elle.

- Mais tu vas te taire ?

- Me taire ? Tout comme vous avez fait taire Alisa ?

A ce moment, une racine s’empara de la langue d’Eolen et lui arracha. Le vieux gardien se tourna vers l’Assemblée Galactique.

- Commandantes et Commandants de Sagesse.

L’homme que vous avez sous vos yeux, a été jugé coupable de trahison envers la Forêt, ainsi que d’une multitude de meurtre dont sa femme. Trahison car il a tenté de faire entrer un élément hostile dans notre système natal : je nomme le Commandant Havelock. Trahison pour avoir attenté à la vie de la Forêt. Trahison envers les croyances d’Origine. Aujourd’hui, nous allons tenir devant vous son exécution. Ne vous en faites pas, elle ne sera pas rapide. Ses crimes sont élevés, et il reste avant tout un choisi. Il est très robuste. Nous comptons sur le bon vouloir du gouvernement pour nous laisser transmettre les images de son jugement. Que tous sache ce qu’il adviendra de ce qui se mettront en travers de notre route. De tous ceux qui veulent perdurer la paix sur Origine. Cela devrait prendre quelques heures. Notre Mère Origine vous salue.»

Ce jour-là, Eolen Karva subit le châtiment de la Forêt. Torturé devant tous, les restes de son corps furent laissés à l’abandon dans ses quartiers. La Forêt entama une période de purge sur Origine. Tous les rebelles qui n’avaient pas eu le temps de s’échapper furent exterminés en une semaine. Nashor, cité des pro-Mecas tombant en dernier. La Forêt reprit le pouvoir sur Origine. Et elle n’accepterait plus personne.

Comme toujours, des débats de plus ou moins grandes importances secouaient la Forêt. Ce soir là, beaucoup écoutèrent avec attention ce qui s'y était dit. Car cette discussion menait la Forêt sur une toute nouvelle voie...

- Nous aurions dû faire ça dès le début !

- Oui nous aurions dû.

- De cette façon nous pouvons parler à notre guise !

- Oui, nous le pouvons.

- Capturons des enfants ! Attachons-les à nos arbres ?

- Mais n’avions-nous pas prit la forme d’arbre pour être libérés des ennuis humains ?

- Nous n’aurons pas à subir les ennuis puisque ceux ne serons pas nos corps. Au contraire, si un corps ne nous convient pas. Autant en prendre un autre !

- L’immortalité avec la possibilité de parcourir la Galaxie ?

- L'immortalité oui!

- Non, la petite fille ne peut pas aller trop loin. Sinon elle reprend contrôle d’elle-même.

- Nous ne le pouvons pas.

- Non, tout comme nous ne pouvons contacter Holy Harrap. La traitresse !

- Traitresse oui.

- Les enfants humains ne sont pas bons.

- Ils ne le sont pas.

- Ils doivent être choisi ?

- Pas seulement.

- Non, pas seulement choisi. Ils doivent également être enfant de choisi.

- Ca explique pourquoi la petite fille est aussi malléable.

- Qui a eu l’idée de l’arracher à ses parents ? De l’éduquer ?

- Notre sœur Plantaeh.

- Notre sœur Plantaeh oui !

- Toujours est-il qu’il va falloir relancer une campagne de choisi. Et les faire s’accoupler.

- Ah. Les seuls humains qui reste sur la planète ont soit trop peur de la Forêt pour s’enfuir, soit sont devenus fous.

- Fous ils le sont. Ils ne feront pas de bons choisis.

- Que faire ?

- Oui, que faire ?

- Mes frères et sœurs !

- Sœur Plantaeh !

- Sœur Plantaeh.

- De nombreux peuples sont tombés sous le joug des brigands. De nombreux peuples, et de nombreuses planètes qui souffrent sous leur contrôle. Nous ne pouvons laisser ces planètes entre leurs mains. Prenons ces planètes. Redonnons-leur une nouvelle vie. Occupons-nous des populations en place, et installons des téléporteurs. Vous verrez, de nouveaux choisis se présenteront à vous. Aidons notre prochain, et il nous aidera à son tour.

- Oui ma sœur.

- Oui !

- Heureusement que tu es là ma sœur.

- Heureusement.

Ce soir-là, la Gardienne de Tulah ne put s’empêcher de soupirer. Elle pria pour que les Pro-Mecas trouvent rapidement une solution afin de contrer la Forêt. Elle pria pour revoir un jour son aimé. Mais elle pria par-dessus-tout pour ne jamais sombrer dans la même folie imbécile qui prenait jour après jour Origine.