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La Druidesse essayait de prendre contact avec ses états-majors sans succès quand son conseiller entra abruptement dans le poste de commande.

Azalée ferma les yeux.

Elle se leva et arpenta la pièce.

Azalée marchait toujours en écoutant son Conseiller et ne s’arrêtait que pour lui répondre.

Azalée eut un sourire triste.

Azalée alla enfiler sa tenue de combat…

Quelques heures après le décollage de la flotte militaire Arboricole, Azalée vit apparaître sur son écran de contrôle le visage épanoui de son Conseiller.

Azalée eut les yeux pétillants de fierté.

Le sourire du Conseiller s’effaça brusquement.

La communication fut coupée et la Druidesse s’empressa d’envoyer un message au Commandant Mercury lui demandant restitution de ses planètes. Cette corvée achevée, elle jeta un œil à la trajectoire de son vaisseau et à la position de son armada, mais tout était correct.

Elle s’acquitta alors d’une tâche beaucoup plus difficile, celle de révéler à son mari qu’elle était partie.

Commandante Azalée pour le Commandant Kahoaliri en priorité. Communication en attente.

Azalée se renversa sur le dossier de son siège en essayant de ne pas pleurer. Elle ne savait pas si elle reverrait Kahoaliri. Si elle devait mourir dans cette guerre, elle souhaitait que ce fut dans ses bras.

La grotte... Reverrait-elle la grotte ?

La nuit avait été douce.

Azalée s'était recueillie, priant à la fois la sève blanche des Arboricoles et les Totems des Ma'kxeys, avant de s'allonger sur l'étroite couche de son vaisseau.

Aucun signal du vaisseau ne l'avait alertée et son sommeil avait été réparateur. Après une toilette sommaire, elle reprit les commandes et ralluma son transpondeur.

Elle programma la réception tout en sirotant son bol de lait.

La Druidesse coupa la communication.

Effectivement, Kaho et elle n'avaient plus le même itinéraire. Mais qu'importent les chemins détournés pourvu qu'on se retrouve.

L’arrivée en secteur 5 était imminente, la cible bien définie.

L’escouade de vaisseaux furtifs se déploya suffisamment pour qu’un tir de barrage ne les atteigne pas tous en même temps.

Les vaisseaux silencieux piquèrent sur la planète « United systems 507 » sous la bannière du Chancelier Wurzel, quand les tirs des batteries ioniques les firent se redéployer à nouveau. La deuxième vague les prit de plein fouet. La moitié de la flotte de la Druidesse fut décimée d’un coup malgré ses précautions.

S’en suivit un combat acharné dans l’espace entre les Arrks Arboricoles et les Freggers Librians.

C’est à ce moment-là que le furtif de la Druidesse fut touché et qu’elle fut projetée contre le cockpit d’une manière tellement violente que son casque, sous l’impact, se fractura en la blessant.

Elle reprit ses esprits suffisamment de temps pour programmer le retour automatique sur la planète « Peuplier » et envoyer un message à Kahoaliri.

Et puis ce fut le trou noir de l’inconscience.

Un filet de sang chaud coulait sur sa joue, ses yeux verts avaient perdu tout éclat, ils étaient vitreux.

L'Épopée progressait à plein régime dans l'hyperespace. A son bord, Kahoaliri et les deux drones d'entretien. Assis en tailleur sur un coussin de vapeur, en plein milieu du séjour, les yeux fermés. Il était parti aussi vite qu'il avait pu, mais il avait conscience que le temps de rejoindre le Secteur 5, si bataille il y avait eu, celle-ci serait probablement terminée lors de son arrivée. Le Ma'kxey avait opté pour la méditation pendant les deux jours de trajet nécessaires. Se concentrer sur la voix de sa bien-aimée l'aidait à se relaxer et à oublier le chaos galactique ambiant.

Il repensait aux initiatives génétiques qui permettraient peut-être aux peuples Ma'kxey et Arboricole d'avoir une descendance hybride viable... Dans quelques générations. Le choc avait été difficile. Mais il savait qu'être les pionniers de cette union n'allait pas sans certains sacrifices.

Les bips du drone navigateur le tirèrent de sa torpeur.

Kahoaliri ouvrit les yeux. De petites flammes d'un vert de jade dansaient au fond de ses pupilles, témoins du flux d'énergie qui le parcourait.

Le vaisseau transmit les codes d'identification de l'alliance de nettoyage du Secteur 9. Non loin de là, le Chancelier Stephen Wurzel surveillait le déroulé des opérations militaires inter-sectorielles qu'il menait, bien à l'abri à bord de son super-croiseur interstellaire. Les formules de salutations automatiques furent échangées, témoin de la collaboration entre Libria et les Ma'kxey pour contrer les Séparatistes. Aucun mot ne fut transmis. Les vaisseaux républicains étaient occupés à autre chose.

Les dernières minutes d'une bataille spatiale qui s'achevait projetaient des éclairs de lumière dans le vide spatial alors que les croiseurs Libriens tiraient comme ils le pouvaient sur les chasseurs furtifs de la force Arboricole.

Kahoaliri se leva. Il rejoignit la soute de son vaisseau, où était entreposé un projectile spécial, une ogive nucléaire maquillée en suppositoire grotesque. Il s'agenouilla près du missile, et un petit nuage apparut progressivement, enveloppant le Ma'kxey et le projectile mortel. Soudain, l'un des drones fit irruption dans la soute en grande hâte, manquant de renverser des caisses de matériel.

Le nuage disparut subitement.

Le Ma'kxey baissa la tête.

Il se retrouvait devant le cruel dilemme qu'il avait espéré pouvoir éviter. Tuer Wurzel par vengeance ou bien sauver sa femme. Impossible de faire les deux. Son poing se serra.

Il se précipita au poste de pilotage.

Kahoaliri rapprocha le plus possible l'Épopée dans la direction perçue. Il coupa ensuite les moteurs, imposant le silence, et tenta tant bien que mal de faire le vide dans son esprit. Le chaos, la discorde, l'amour et la colère menaient une lutte acharnée dans son coeur.

Mais il parvint à percevoir son reflet d'ambre. L'écho était très faible.

Les moteurs du vaisseau en forme de croissant se rallumèrent, et doucement, il avança parmi les débris de la bataille spatiale. Puis il trouva le chasseur en perdition. Le camouflage masquait toujours sa coque, mais les étincelles qui jaillissaient par moments d'un des moteurs et du gros trou dans son fuselage trahissaient sa présence.

Azalée était là, juste devant ses yeux, et pourtant le vide spatial qui les séparait semblait un mur incassable.

Le Ma'kxey courut revêtir une combinaison pressurisée et gagna la soute, évacuant tout objet mouvant. Un écouteur dans son casque grésilla :

La dépressurisation prit quelques secondes. Puis la porte de la soute s'abaissa lentement, révélant le noir béant de l'espace qui attendait d'engloutir Kahoaliri. Mais surtout, le chasseur Arkk d'Azalée qui s'approchait de lui en dérivant. Vérifiant sa sangle, il avança un peu pour guider l'appareil endommagé, essayant de ne pas se retrouver face à un jet d'étincelles.

Une fois la carcasse à l'intérieur, il commanda manuellement la fermeture de la rampe. La pression remonta progressivement dans la soute, et l'oxygène emplit à son tour tout le volume. Ce qui n'était pas prévu c'est que, les étincelles disposant à nouveau d'un comburant, le chasseur prit feu. Le vide de l'espace avait temporairement préservé l'épave d'une explosion ardente, mais la tracter à l'intérieur de l'Épopée avait ré-enclenché le processus.

Horrifié, Kahoaliri sauta sur le fuselage du chasseur pour désincarcérer Azalée. Il n'y avait pas une seconde à perdre. Il utilisa son bâton enchanté pour éjecter la vitre du cockpit. Son amour était là, à peine consciente.

Alors qu'il la sortait de son siège, la combinaison du Ma'kxey s'embrasa. Il descendit en vitesse, fit quelques pas pour déposer Azalée en sûreté puis se jeta au sol, roulant pour essayer d'éteindre les flammes. Les deux drones déboulèrent un instant plus tard munis d'extincteurs, et aspergèrent Kahoaliri et Azalée, puis tournèrent leur attention sur l'épave, parvenant à maîtriser l'incendie avant qu'une explosion mortelle ne survienne.

Mais les deux amoureux étaient grièvement blessés. Le jet de matière d'extinction avait un peu réveillé Azalée, qui tendit la main vers son compagnon, qui l'enveloppa tendrement dans la sienne. L'un des drones s'affaira à panser leurs blessures tandis que l'autre demanda :

D'une voix faible, Kahoaliri répondit :

Azalée avait temporairement reprit conscience et elle luttait contre cette torpeur qui envahissait tout son corps.

Elle tentait de lui caresser maladroitement la joue et s'apercevait qu'il avait les poils roussis, des plaies sur le visage... elle ne pouvait pas en savoir plus sur son état.

Ses yeux se révulsèrent et elle l'étreignit dans un dernier sursaut.

Elle haletait et le sang ne cessait de couler sur son visage.

Sa tête dodelina et ses yeux se fermèrent, une respiration rauque s'échappant de sa poitrine. Elle avait froid.

Elle sentit qu'il la prenait dans ses bras et la portait...

Le voyage jusqu'à Wu'on dura deux jours de plus. Deux jours interminables qu'Azalée et Kahoaliri passèrent allongés sur le matelas de la chambre, blottis l'un contre l'autre, se réconfortant mutuellement. Les drones prenaient soin d'eux, maintenant leur santé dans un état stable, mais faible.

L'Épopée arriva enfin à destination. Le soleil allait se coucher sur la jungle, donnant au ciel des reflets roses et orangés sublimes. Il n'y avait nulle part où atterrir à proximité de la caverne du Bassin de la Lune, mais le Ma'kxey rusa en révélant un passage assez large pour les laisser passer. Le vaisseau descendit doucement en altitude contre la falaise, et se retrouva face à l'ouverture qui faisait chuter la cascade d'eau depuis le bassin. Dans un léger vrombissement, l'appareil en forme de croissant entra dans la caverne en survolant le bassin. Ne pouvant se poser, il s'immobilisa à un mètre au dessus du sol. La rampe avant s'ouvrit et les deux drones aidèrent le couple à débarquer sur la berge de l'eau. Kahoaliri s'adressa aux servants robotiques.

Sa respiration était difficile.

Les drones remontèrent à bord du vaisseau et le firent sortir de la caverne, laissant Azalée et Kahoaliri assis sur la berge, devant le soleil couchant donnant sur l'ouverture de la cascade en un panache de rayons divins. Il posa un baiser sur son front.

La vue était superbe. C'était le même panorama qui avait scellé leur union la première fois qu'ils étaient venus ici.

Elle lui rendit un baiser passionné, puis son regard se perdit à contempler l'horizon. Elle ne se rendit pas compte tout de suite que le bord de la cascade s'approchait tout doucement. Lorsqu'Azalée tourna la tête autour d'elle, elle réalisa que le couple était assis sur un petit nuage couleur crème qui avançait lentement au-dessus de l'eau vers le centre du bassin.

Les mots ne vinrent pas. Peu à peu, ils atteignirent le milieu de l'eau, où le petit îlot plat se dressait toujours. Les derniers rayons du soleil tombaient les uns après les autres dans le ciel. Le nuage se dissipa lentement, les laissant là, tous les deux, immobiles sur la surface plate au milieu de l'eau.

Leurs blessures n'étaient pas mortelles. Pourtant ils semblaient fatigués du fardeau à porter, du chaos qui régnait au-delà de l'atmosphère sans doute, et des blessures dont ils avaient souffert.

Une lumière attira leur regard vers le haut. Kahoaliri leva la tête, et reconnut immédiatement les formes serpentines qui tournoyaient haut dans le ciel qui s'assombrissait au-dessus d'eux, par l'ouverture du plafond rocheux. Ses yeux se posèrent sur sa chère et tendre, et il fut surpris de constater qu'elle semblait voir la même chose que lui.

La réponse leur fut donnée par le contact télépathique des dragons colorés. Ils leur ouvraient les portes... de leur panthéon. L'immortalité spirituelle, la quintessence de leur parcours.

Les amoureux se fixèrent pendant un moment, questionnant le fond de la pensée de l'autre, puis d'un commun accord, posèrent leur front l'un contre l'autre.

Leurs mouvements étaient de plus en plus difficiles, les muscles de leurs corps semblaient étrangement perdre le peu de force qui leur restait.

Ils s'enlacèrent tendrement.

La fourrure du Ma'kxey commençait à se solidifier, la peau de sa compagne à se raidir. Peu à peu, ils changeaient progressivement de teinte dans une métamorphose incroyable. Le gris clair neutralisait les couleurs chatoyantes de la tenue de Kahoaliri, alors que l'écorce poussait sur les membres d'Azalée.

En quelques instants, le processus s'acheva, laissant pour seule trace une statue de pierre et un arbre aux fleurs roses dont les formes humanoïdes s'étreignaient passionnément dans la lumière venue du ciel.

Une forme vaporeuse très lumineuse sembla s'élever de chaque entité, prenant lentement consistance. On distingua enfin deux petits corps translucides à la forme allongée. Une petite tête de dragon ornait le sommet des deux âmes qui s'élevaient hors de leur ancienne enveloppe charnelle. L'une était d'une teinte vert de jade, l'autre était d'un jaune d'ambre.

Lentement, les âmes prirent de l'altitude et passèrent par l'ouverture vers le ciel nocturne. La lumière dans la caverne faiblissait, semblant les accompagner vers les hauteurs. Ils rejoignirent finalement les Esprits des Anciens Totems qui les attendaient, puis la lumière disparut avec le cortège de dragons en les emportant. Vers l'infini. Et au-delà.