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Cdte. Téthys
Respect diplomatique : 340 01/03/1014 ETU 20:34 |
Score : 1
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OST (il fallait bien que j'en colle un un jour) : http://www.youtube.com/watch?v=9osZ7bSLaTo Du point de vue des scientifiques Néréides responsables du projet, Aryakis venait de se noyer...Téthys les avait prévenues mais quand même. Dès que la Commandante Expéditionnaire lâcha l'Humaine, la chef d'équipe cria les ordres : " - Civière! Vite! Emmenez-la en soins intensifs et maintenez-la en vie!" Puis elle vit l'expression de Téthys et son état. " - ...préparez-vous à utiliser la deuxième." Quant au point de vue de Téthys... ...il serait impossible de décrire son point de vue à l'aide de mots. Essayons quand même. ------------------------------------------------------------ Elle avait senti Aryakis s'intensifier de plus en plus entre ses bras, alors même que son corps lâchait, et la Néréide ne prit pas conscience qu'elle ne tenait plus physiquement sa bienfaitrice. N'imaginez pas un aveugle découvrant la vue, ou un paralysé retrouvant ses sensations. Imaginez un bébé faisant la toute première expérience de ses sens. Elle cria une seconde, ne comprenant de ce qu'elle ressentait que la proximité d'Aryakis, et par peur se rétracta sur elle-même. Calme. Ouvrons les yeux physiques. La réalité est toujours là...aucune différence. C'est elle qui est différente. Elle tenta de simplement voir l'eau, et elle put voir jusqu'aux parcelles d'atomes qui s'y agitaient, savait immédiatement quels étaient les moindres de ses mouvements, infimes. Qu'ils soient passés ou futurs. Tout bougeait même si elle fermait les yeux...elle tenta de les fermer. Elle se rendit compte qu'elle ne les avait pas ouverts. Tout lui arrivait directement à l'esprit, même si elle s'était fermée...! TOUT! ELLE NE POUVAIT S'EMPÊCHER DE VOIR!! La panique!!! Elle se noyait dans sa propre peur! Chaque pensée sur sa peur la faisait basculer un peu plus! Elle se perdait elle-même et...! " - Calme-toi..." Quoi? " - Calme-toi...je suis là. Doucement. Ne bouge plus. Je vais t'ouvrir les yeux." Téthys s'ouvrit les yeux. Non, c'était Aryakis qui lui ouvrait les yeux. Elle se sentait comme une enfant, tenue à bouts de bras pour contempler l'inconnu et le terrifiant. A l'échelle de la Mémoire Seconde, c'était exactement ce qu'elle était. Elle était née dans une coquille...c'était seulement maintenant qu'elle en sortait. Guidée par la voix unie des gardiennes, la Néréide osa regarda, doucement, lentement, le plus possible. Elle flottait toujours dans l'eau, sauf que c'était plus que l'eau. Elle se sentait également flotter dans le cœur de la planète...elle sentait sa course autour de son étoile, le cycle lent de l'univers tourner tout autour d'elle. Nageant dans une soupe d'étoiles. Elle abandonna l'idée d'observer, comprenant que ses nouveaux sens étaient bien trop puissants pour elle. " - C'est bien...doucement..." Je peux...tout sentir...tout...Aryakis, où es-tu? La pensée de Téthys était son propre ordre. Ainsi, elle put repérer, au sein de l'infini de l'univers, la forme de la mémoire seconde. Ce n'était pas si différent du reste. Seulement...c'était le seul phénomène qui répondait à sa présence. Normal, elle était en plein milieu. Tout était de la même substance...et non-substance. Aryakis était une montagne, un amas de ce qu'était l'âme de l'univers, plus grand que le reste et plus mobile, plus agile. Les âmes individuelles mieux dessinées, plus d'intégrité après la mort. La conscience maintenue et sculptée dans la matière, par la force du vide, comme les cellules qui meurent pour former une main. Le reste était beaucoup plus indistinct, beaucoup plus fondu et imprécis...mais c'était la même chose. Des milliards de milliards de milliards d'âmes...la Mémoire Seconde et l'entité Aryakis étaient des diamants incrustés dans la matière. Mais une matière qui n'était faite que de diamants moins purs, à l'état de charbon flottant, plein de chaleur. Vie et mort sans plus aucun sens...ou plutôt, venaient pour Téthys de trouver un sens. La vie n'était que la partie la mieux définie et la plus consciente de l'existence... " - Ne t'y plonge pas trop, ou tu coaguleras à nous." La mémoire Seconde. Téthys était en plein milieu de la montagne, et réalisa que son esprit s'était niché au centre le plus rassurant. Les couleurs et formes de l'univers autour d'elles prenaient les visages d'humaines sans nombre, toutes différentes. Toutes Aryakis. Les mains des gardiennes se posaient sur elle, sur tout son corps, s'efforçant de la secouer, et de la retenir de se joindre à elles. Confusion... " - Amenez-moi près de celle que je connais. - Tu nous connais toutes..." La mémoire Seconde s'exécuta pourtant. Téthys se fit soulever l'esprit vers le sommet le plus piquant et le mieux défini de la montagne des gardiennes. Émergeant au sommet, soutenue par les autres, elle sentit la présence précise de celle qui l'avait amenée ici. Eve. Son esprit avait la forme précise de son corps, au point qu'elle pouvait la distinguer aisément des autres. La mosaïque des âmes formait son visage...mais celui-ci se détériorait, changeait en autre chose. On aurait dit... " - Concentre-toi! Maîtrise-toi! N'oublie pas le monde physique, sinon tu coaguleras! Regarde!" Téthys s'aperçut à sa grande stupéfaction que ses pieds - oui, elle avait bien des pieds - se parsemaient de visages et de formes, et commençaient à ne faire qu'un avec la montagne. Elle en sortit précipitamment, et la prise de conscience lui secoua un peu les neurones physique. Elle se réaperçut une énième fois de sa présence dans le lac. Décidée à ne pas se laisser replonger, elle commença à nager à se déplacer pour se dégourdir, s'habituer à son nouvel état. Aryakis la guidait, par de simples petites impulsions dans son corps qui l'incitait à le manier comme il fallait. Après être née, elle apprenait à marcher. Tous ses sens, y compris les milliers pour lesquels elle n'avait pas de nom, se superposaient parfaitement...elle ne voyait pas différemment d'avant. Elle voyait plus, tellement plus. Elle sentait que si elle l'avait voulu, elle aurait pu nager à travers tout, marcher dans les nuages et voler dans le feu du noyau...découvrir chaque étoile en même temps et se tenir indemne au cœur d'un soleil mourant ( j'offre tout ce qu'elle/il veut à quiconque retrouve d'où sort ce bout de phrase.)! " - Tu le pourrais tu sais. Ce savoir doit perdurer...tu peux tout voir...tout fai- - ...je ne suis pas là pour ça. Ce n'est pas mon rôle. Je ne dois pas oublier. Je dois faire vite. Comment puis-je avoir accès à une parcelle précise d'information? - En le voulant." Oui. La Mémoire Seconde est mienne. Je n'ai qu'à me souvenir... ...Néréide. La tête de Téthys fut immédiatement submergée de tout ce qu'elle savait sur les Néréides! C'est trop! Je le sais déjà! Je veux l'inconnu. Alors Téthys, par sa propre volonté, fut projetée en arrière de l'empreinte de sa propre espèce, pour mieux la regarder. Une tâche de liquide bleu mouillant un bord infime de l'univers, ridiculement petit comparé à la taille de la Mémoire Seconde...zoom...la couleur vient de sa propre vision, ce n'est pas vraiment bleu...zoom...ce qui est visible est ce qui se tient dans la lumière de l'existence... L'inconnu. Je dois voir l'inconnu. La Néréide vit enfin. Elle avait raté la moitié du spectacle. Tout avait une forme, même ici...surtout ici. Elle n'avait vu que la mer informe de la matière, et avait raté le fait que ses bords, l'absence d'elle-même qui la terminait, était ce qui lui donnait en même temps une forme. Comme le trait noir que l'on rajoute autour d'un dessin parce que ça le rend plus "réel". Même dans ce nouvel état, elle n'avait pu voir que ce dont elle se souvenait elle-même. Mais c'était dans la forme de la matière, taillée par le vide, que ce saisissait la véritable Mémoire Seconde. Suivant l'instinct conféré par Aryakis, elle reconstruisit le souvenir de l'histoire complète dans sa propre tête, prenant garde cette fois à ne pas se laisser submerger. Le flot de savoir...contrôle...mémoire....çavienttrèsviteetçacommenceilyafortfortlongtempsdansunegalaxielointainetrèslointaine.... dzidajàdhaàfhaeofuhzefoizeuhfoaehfaeofhaezpofhezpfjqzpoefihqzpefhqzpefçhzP9fuhZËFEZPFUZEHFZEHFzeufhzeqifuhufiheufh |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Information. Souvenir. Tout est là, dans sa tête. Elle ne l'a pas exploré, mais c'est là. Téthys savait désormais tout sur les Néréides. Comme une boîte qu'elle pouvait déverrouiller n'importe quand dans sa tête. C'était...facile. " - Vois...tu peux faire de même avec tout l'univers. - Ton enveloppe est mortelle, mais le pouvoir ne tient qu'à toi...tu as les yeux de Dieu... - ...Oubliez ça. Je ne crois pas en Dieu. Celui que l'on peut détecter sur les radars n'est qu'un mythomane! - Tu es sûre de ça...? Tu pourrais vérifier...tu pourrais... - J'ai une chose à faire, précise. Dès qu'elle sera faite, je vous quitterai. - Toute chose nous revient un jour. Tu le sais maintenant. - ...ça n'aurait plus aucun sens. Je me perdrai moi-même. Je n'ai pas l'intention de "coaguler" avant l'heure. Pourquoi me dire une chose pareille de toute façon? - ...tout ici n'est que de ta volonté et de ta pensée. Tu es la Gardienne de la Mémoire Seconde...ces questions sont les tiennes, et les réponses aussi...tu n'es innocente de rien ici. - ..." Enrichie de sa perception des formes, Téthys voyait le sens et la forme d'Aryakis, alors même qu'elle en faisait partie. La mosaïque des âmes se tordait, composait...le visage d'Eve avait disparu depuis longtemps. De même qu'elle avait plongé l'âme dans la Mémoire Seconde, la Mémoire Seconde avait plongé en elle. Les gardiennes lui rendaient sa contemplation en composant son propre visage, taillé à la surface de l'univers. La Néréide sentait chacune de leurs vies passées en elle...elle pouvait se rappeler de s'être enlacée elle-même, par les bras d'Eve...le grand danger de la coagulation se fit clair dans son esprit : ce n'était pas dangereux parce que la Mémoire Seconde aurait pu vouloir la dissoudre de force. C'était dangereux parce que l'amour déversé par Aryakis la faisait mourir d'envie de la rejoindre... Téthys avait déjà résisté mille fois à la peur, mais à l'amour? Elle savait qu'elle pouvait coaguler si elle le pouvait, en un instant...une dissolution béate...faisant de son mieux pour maintenir sa propre forme individuelle, la Néréide se dit que les responsabilités de Gardienne était autrement plus lourdes et solitaires que celles de Commandante...la plupart des dirigeants devaient s'isoler et détruire leur propre liberté pour protéger celle des leurs. Une gardienne devait laisser fondre sa propre âme dans celle nommée "Aryakis", et n'avait pas le luxe de la mortalité, bien qu'elle en conservait la plupart des fardeaux. La charge d'Atlas...Téthys n'avait fait que l'emprunter, et elle se sentait désolée de devoir la rendre, connaissant maintenant son poids. Mnémosyne. Je dois transférer toute l'histoire aux Anciennes. La Néréide rappela son attention au monde physique, constatant que les scientifiques en charge du projet la regardait avec un air inquiet et déconcerté. Ça devait faire un moment qu'elle flottait là, l'air halluciné. Se prenant à laisser l'Aryakis s'exprimer, elle leur adressa le même genre de sourire désarmant qu'Eve, qui s'agrandit quand elle comprit que la tête de merlans frits qu'ils faisaient était la même qu'elle avait montré, il y a de ça un peu moins de deux heures et demie. Ça ressemblait à deux éternités et demie. Elle se connecta à la Vague, avec une facilité déconcertante...ça relevait toujours de l'instinct, mais elle pouvait ressentir distinctement chaque petite particule cristalline vibrer dans ses branchies. Elle commença à décoder lentement l'histoire, en parlant rapidement par la Vague, faisant à peine attention elle-même à ce qu'elle disait...une heure passa...puis deux... ...elle en était encore à l'introduction. Trop longue. Evidemment. L'histoire de tout un peuple et ses implications étaient forcément immenses. Si elle continuait à ce rythme de diction, ça lui prendrait des années et des années...les Néréides avaient déjà calculé qu'une bonne génération au moins serait probablement nécessaire pour tout transmettre à tout le monde fluidement, peut-être plus, mais elles avaient le temps... ...Eve n'avait pas le temps. Je ne la laisserais pas mourir. " - Je ne peux mourir tant que tu es là, tu le sais...je suis toi...tu es l'Aryakis... - Et je suis également Téthys. Une seule âme. Tout le pouvoir de la Mémoire Seconde ne me fera pas renoncer à ça. Ni laisser la sienne coaguler si vite. - Cela finira bien par arriver un jour... - Pas aujourd'hui. - Tu abandonnes donc? Et je sais que tu es en train de l'envisager, c'est toi-même qui pense cette question. - Jamais! Mais j'ai mes limites... - Plus maintenant. - Hein? - Ne te l'ai-je pas dit? Tu as le pouvoir ici, pas seulement le savoir. Tu sais déjà que tu existes pour préserver ce pouvoir : celui de contrôler le vide et la matière! Ton corps ne te permet pas de faire comme tu l'entends? ALORS CHANGE-EN! FAÇONNE-LE A L'IMAGE DE TA VOLONTÉ! Retrouve la mémoire de la première d'entre nous et donne-toi le pouvoir de satisfaire ton désir... - ...très bien. Je n'ai pas le choix. Montrez-moi le chemin, et rappelez-moi." Je dois remonter à la plus ancienne des mères. Remonter jusqu'à la source. Et obtenir la force de tout changer.
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Cdte. Téthys
Respect diplomatique : 340 02/03/1014 ETU 15:18 |
Score : 1
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La chute dura l'éternité. La conscience de la nouvelle Gardienne se dit à elle-même qu'elle était décidément confrontée à beaucoup d'éternités, c'en était presque sa nouvelle unité de mesure. Et de démesure. Elle avait du se laisser tomber du haut de la Mémoire Seconde jusqu'à ses racines les plus profondes, remontant jusqu'à la première Eve. Plus que de se souvenir, elle avait l'impression de voyager dans le temps. - Hurafayun, le monde des Quantauriens Quel est le premier instinct qui vous vient lorsque vous rencontrez une immense étendue de neige vierge et immaculée ? Le respect ? L'envie de vous y plonger ? De la perturber ? Ou la peur de le faire justement ? Il vient dans tous les cas une attirance terrible, un sublime immobile alors que l'esprit frôle l'éternel sans savoir quoi en faire. C'était le genre de sentiments ressenti par la petite Humaine aux cheveux noirs qui sortait de sa barge pour la première fois. Eve était terrifiée de quitter la barge, ainsi que ses semblables en stase ou en germes, mais un des rares instincts Humains qui dépassent la peur est la curiosité. L'esprit est ainsi fait que l'inconnu est forcément moins terrifiant une fois contemplé... Elle vit l'harmonie. Un monde lisse, à l'écrasante perfection. Les Humains, dans leur arrogance, avaient autrefois proclamé que Dieu les avait façonnés à son image...ce qu'Eve voyait l'était réellement, et loin d'y trouver une immédiate unité, d'être mêlée à cette harmonie, ce furent d'abord le chaos et le désordre qui envahir son jeune esprit, incapable de réagir. Téthys l'observa déambuler, se souvint déambuler, ressentant sa crise de l'intérieur, et l'observant de l'extérieur. Cette vie était l'origine de la Mémoire Seconde, mais elle demeurait une seule vie, bien petite parmi des milliards d'autres...la Gardienne parvenait sans difficulté à tout suivre, en accéléré. Elle vécut à une vitesse onirique l'errance d'Eve, et la vision des Quantauriens. Elle vécut l'harmonie apportée à son être par ces nouveaux guides, et...ah...voilà ce qu'elle cherchait... Eve avait pris quelques années, et avait bien changé. Les éclats d'Hurafayun avaient lourdement bronzée sa peau déjà foncée, et beaucoup de sa peau avait pris un étrange noir, inconnu des Humains que Téthys avait vu. Ses lèvres et ses tétons demeuraient pourtant clairs comme du marbre, et ses yeux demeuraient azurés, avec un rien de rose...sa posture, sa taille, la forme de son corps et la nature de ses cheveux tressés avec une perfection toute Quantaurienne...tout était inconnu, une forme de l'Humain trop ancienne pour qu'un autre qu'elle s'en souvienne. La Gardienne aimait l'aspect de son ancêtre, et se surprit à constater à quel point l'arbre de la vie les reliait réellement en vérité. Une transmission de mère en fille ? Oui, mais les filles laissées par Eve étaient bien plus nombreuses aujourd'hui que la seule fille de Katelyne...le code de la vie d'Eve pulsait dans tout l'univers, y compris dans ses propres entrailles. C'était réellement sa propre ancêtre dont elle sondait la mémoire. Celle-ci se tenait dans...non, pas un temple, même si ça aurait pu y ressembler. C'était un vecteur, un lieu aux structures et aux spires tournées et penchées pour électriser et animer l'influence des travaux des Quantauriens. Ils étaient tous présents, certains tellement détachés que leur prêter attention directe signifiait ne plus pouvoir rien en percevoir. D'autres étaient tellement LA que Téthys avait du mal à leur prêter attention sans s'aveugler légèrement les yeux de l'esprit, comme des lumières trop intenses pour être regardées de face. Il aurait été impropre de parler d'un enseignement. Les Quantauriens ne transféraient pas de pouvoir ou de connaissance à Eve, mais leur vision, leur présence et leur contact éveillaient en elle quelque chose qui était déjà là, qui était déjà dans toute forme de vie consciente. Le chaos dans lequel son esprit était plongé à son arrivée sur Hurafayun était désormais en paix, et contrairement à Téthys, et elle était à même de regarder et VOIR les Quantauriens, avec des yeux accoutumés à la paix, capables de contempler les plus hauts des cieux. Et désormais, vivant dans chaque atome de son ancêtre, la Néréide pouvait voir également. Alors Eve contempla. D'abord les Quantauriens du Vide, irregardables dans leur non-existence. Mais l'ataraxie d'Eve lui permettait de percevoir les contours et les formes infiniment fines du Vide, d'y replacer la Matière par l'esprit. Alors, elle les vit, alors elle put manifester la Matière pour contempler le Vide, et obtint le pouvoir du Tout. Puis les Quantauriens de la Matière, écrasants comme mille soleils. Toutes les fois qu'elle avait cherché à s'en approcher, elle n'avait pu retenir la douleur de son propre déchirement, s'était toujours au final laissée rattraper par la peur de la destruction, la même qui emplit la navette chutant irrésistiblement vers les feux nucléaires d'une étoile approchée de trop près. Mais Eve était sortie d'elle-même, laissait place au Vide et à l'absence d'elle-même. Elle osait la non-existence, et les feux de la Matière tombaient sur une simple contemplation neutre et immortelle, que l'entièreté du Tout n'aurait pu aveugler. Alors, elle les vit, elle put faire le Vide pour contempler la Matière, et obtint le pouvoir du Néant. Et Téthys également. Bien que séparées par des millénaires et milliards d'années-lumière, Téthys et Eve ouvrirent les yeux à l'unisson, toutes les deux en tailleur, l'une sur l'autel de l'univers, l'autre dans les eaux du souvenir. Le changement spirituel était achevé, et marqué par une teinte violette irisée dans les pupilles, indice du changement cérébral. Les yeux sont littéralement les fenêtres du cerveau...l'esprit et la matière ne présentaient plus la moindre différence aux yeux de la Néréide, et le pouvoir d'Aryakis lui était désormais définitivement acquis, et le demeurerait après qu'elle ait cessé d'être la Gardienne. Au calme, au centre de la montagne de la Mémoire Seconde, elle comprit que la paix de l'âme nécessaire à un tel pouvoir était précisément ce qui empêchait dans une certaine mesure de s'en servir sans ambitions ou sentiments trop personnels...toutefois, au centre de l'interaction des deux leviers de ce qui est, dans le fruit même de leur danse, se tenait le potentiel du déséquilibre et de la bascule...les Humains en étaient emplis, et c'était ce qui avait provoqué l'erreur d'Eve, que les Quantauriens n'avaient pu guider sur un terrain qui leur était fondamentalement inconnu. C'était le fait de nier le chaos qui avait valu à Katelyne d'y sombrer, en voulant l'abolir...de telles erreurs ne devaient pas être commises à nouveau. Elle devait peser ce qu'elle allait faire avec le maximum de sagesse dont elle était capable.
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Cdte. Téthys
Respect diplomatique : 340 02/03/1014 ETU 20:02 |
Score : 1
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- Mnimeio Dorea, Lac Memoria « - Bien...apaise-toi, puis concentre-toi...quel est ton but ? - Restituer leur histoire aux Néréides, la transmettre. - Et tu ne le pouvais pas. Pourquoi ? - Je n'ai pas les capacités pour transmettre quelque chose de pareil avec mon cerveau actuel... - Il te faut donc le changer. - Oui. C'est pour ça que j'ai acquis le pouvoir d'Eve. Je dois me changer moi-même. » Téthys ne posa pas plus de questions à Aryakis, à elle-même. Elle savait, sans y réfléchir. La mémoire. Elle sentait ce que c'était, physiquement, à l'intérieur de son corps, aussi bien que quelqu'un au bras cassé sait ce qu'est la douleur. La pulsation de ce qui a été résonnait dans le centre de son cerveau, dans ses branchies, dans sa moelle épinière, ses nerfs dans tout son corps...l'univers de la Mémoire Seconde pulsait dans son amygdale cérébrale, et le tout était que son hippocampe soit à même d'en encaisser beaucoup plus. Elle devait tout agrandir. Opérer son propre cerveau par la pensée. Même pour Aryakis, c'était tout de même une perspective un peu déroutante. Orienter la perception vers les organes concernés. En voir percevoir la matière, et les formes, et ce qui interagit avec. Action. Torrent de couleurs. Chaos monumental et mortel pour les esprits faibles. La tête s'ouvre en deux et l'univers s'y déverse. La sensation de changer. Coupure. Manque de concentration...on recommence...nouveau déferlement ! Coupure... Téthys continua ainsi un moment, tentant de se changer elle-même, mais en vain. Elle comprenait la nature de ce qui était et n'était pas, partageait le même pouvoir qu'Eve et la même maîtrise que toutes les autres Gardiennes avant elle, mais elle se retrouvait pourtant confrontée à un obstacle infranchissable...on pouvait penser tout ce que l'on voulait d'Aryakis, elle n'était pas omnisciente et omnipotente, et même si elle n'était limitée que par les bornes de son imagination et de sa volonté, elle avait tout de même besoin de concentration et d'attention maintenue pour courber l'espace. Or, le moindre changement de son cerveau ne manquerait jamais de rendre l'esprit ouvert, vulnérable et impossible à mobiliser clairement. Elle était trop...fragile. Ses yeux pouvait tout voir, tout changer...mais pas elle-même. Seule au milieu des voix des mères dans la montagne de la Mémoire Seconde, la Néréide enragea de son impuissance et poussa un hurlement psychique à travers l'univers, qui ne manqua pas de perturber le cycle d'accouplement des méta-batraciens qui barbotaient sur Meka pendant un ou deux siècles, mystère que les Post-Singularistes n'élucideraient jamais. L'épingle de la frustration fut retirée de son esprit par la main de la précédente Gardienne – la véritable Aryakis aux yeux de Téthys, qui ne se voyait ainsi que temporairement – toujours présente à son esprit, au sein de la Mémoire Seconde, exprimant ses propres pensées. Sa manifestation dans la conscience de la Néréide vint comme l'étreinte de bras frais qui la soulagèrent instantanément de son trouble...que ça pouvait être pratique d'avoir plusieurs vies en soi-même ! Depuis l'intérieur de sa propre psyché, Aryakis la calmait et lui parlait : « - Hé bien...le première chose que tu fais après avoir acquis l'ancien savoir, c'est d'y trouver une limite ? - Et infranchissable... - Y'a-t-il quoi que ce soit d'infranchissable ? - Oui ! Je ne peux voir et projeter que hors de moi-même ! Pour être capable de remplir ma mission, je dois être influencée de l'extérieur par une autre détentrice de la Mémoire Seconde, et il ne peut jamais y en avoir qu'une. Je ne peux rien faire sans aide, et qui pourrait me venir en aide ? QUI ? » Téthys vit l'âme à forme humaine formuler un semblant de sourire, devant son incompréhension. Elle sentit la réponse qu'elle savait déjà, mais ne savait qu'extérieurement. Elle sentit la Mémoire Seconde et toutes les Gardiennes avant elle répondre naturellement à sa détresse, et sut comme jamais à quel point elles faisaient partie d'elle, à quel point elle nageait dans un océan d'autres vies...la réponse était évidente bien sûr. Une seule âme ne pouvait s'affecter elle-même comme le souhaitait, mais elle n'était plus Une à partir du moment où Aryakis avait rendu sa dernière âme en date. Téthys était Infinie. Aryakis était Infinie. Téthys était Aryakis, et Aryakis serait celle qui l'aiderait, si la Néréide acceptait de s'abandonner à la charge de la Mémoire Seconde. Elle ne ressentit pas le besoin d'y penser, et se laissa tomber en arrière, doucement, comme on se laisse tomber dans les bras d'un amant. Les bras des Gardiennes, les siens mêmes, renaissant, touchant son corps, caressant son âme, la mirent à l'aise, passive, et prirent le relais de sa conscience. Toute la Mémoire Seconde se resserrait tendrement autour d'elle, quelques baisers de la dernière Gardienne achevèrent de l'anesthésier, et par son propre pouvoir, confié aux formes d'un millier de mères, Téthys changea.
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Cdte. Téthys
Respect diplomatique : 340 04/03/1014 ETU 18:59 |
Score : 3
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Dans l'équipe Mémoria, l'inquiétude était à son comble. L'Aryakis avait manifestement plus ou moins pris les rênes de l'opération, en en parlant uniquement à la Commandante Téthys...et malgré son apparente aisance sous l'eau, elle avait fini par se noyer comme n'importe quel Humain. Les infirmières avaient à peine eu le temps de la sauver...mais elle était maintenant dans le coma, et même si on n'avait pas eu le temps de procéder à une IRM, on pouvait craindre au vu des symptômes la mort cérébrale... Mais ça au moins, elles étaient prévenues. Maintenant, il ne leur restait qu'à observer ce que faisait la Commandante Téthys et les Anciennes, et attendre... Elle avait passé un bon moment dans un état second, à flotter. On avait tenté de l'approcher une ou deux fois en la croyant inconsciente, mais elle arrêtait ceux qui essayaient d'un simple signe de la main, prouvant qu'elle était consciente de ce qui l'entourait, et agissait ainsi volontairement. Et quand elle finit par se ranimer...toutes les Néréides présentent frémirent, ne s'attendant pas à ce que la sensation électrisante qui accompagnait la vision d'Aryakis revienne. La Commandante nagea un peu, avec une expression aussi étrange que celle de l'Humaine...plusieurs scientifiques soupçonnèrent une domination mentale, mais elles auraient bien été en peine de formuler leurs doutes et de s'adresser à elle de façon élaborée. La Commandante redevint immobile, pendant plusieurs heures...les Néréides connectées à la Vague purent informer l'équipe qu'elle avait commencé le transfert, ce qui rassura un peu tout le monde. Toutefois, cela prenait du temps...beaucoup de temps...ça n'aurait pas du prendre aussi longtemps. Une demi-journée passa dans l'angoisse et l'ignorance... C'est là que vint la tempête. Téthys poussa un terrible cri qui endolorit les esprits de chaque Néréide connectée à la Vague sur la planète – c'est-à-dire à peu près toutes les Néréides sur la planète – et fit paniquer les Anciennes encore en transe. Leur agitation surchargea le lac surchargé de sel neural...le résultat fut le chaos, et une tempête qui envoya aux quatre courants l'équipe scientifiques, les Anciennes et la Gardienne inconsciente. Avant que la Commandante ne soit emportée, les Néréides les plus proches d'elle purent distinguer des excroissances visqueuses surgissant de son crâne... ________________________________________________________________________________________________________________ Une mer d'étoiles multicolores. Des couleurs partout. Unliquide amniotique fait avec tout l'univers. Téthys flotte. Téthys est formée. Téthys naît. La tempête est terminée, et le lac est calme à nouveau...l'écume frappe le rivage, irisée par le sel neural, et caresse doucement le corps qui y est baigné. La Néré...non. Téthys n'est plus une Néréide. Elle le sait maintenant, le visage contre le sable à regarder sa nouvelle main. En réalité sa main n'a pas changé bien sûr, ce sont ses yeux qui ont changé. Elle est réveillée depuis quelques heures, qu'elle a passées allongée dans l'écume, à regarder et toucher le sable...elle n'a pas encore vraiment compris que c'est cela qu'elle fait, que c'est de l'écume et du sable qu'elle touche. C'est dans une fontaine divine qu'elle baigne, éclatant des bulles aux parfums tous différents, tous exaltants. Le sable n'est pas du sable, mais un chaos de gemmes multicolores et aveuglantes, que Téthys ne peut s'empêcher de fouiller, y enfonçant ses griffes de toutes ses forces, et même ses lèvres bleues. Chaque atome est senti, vu, compris, touché. Plusieurs heures lui sont nécessaires à la Gardienne pour émerger de l'extase de la Matière et de la Perception, pour regagner une conscience plus terre-à-terre de ce qui l'entoure. Il faut plusieurs heures pour une naissance. Les mouvements sont gauches, maladroits...trop forts, trop faibles. Primaux. Erratiques. Monstrueux. L'effort trouble sa vision toutes les deux minutes, et les merveilles du sable se font horreurs piquantes qui lui brûlent et lui torturent le corps, sans mesure. La tête tourne à Téthys...elle est lourde, trop lourde, trop étrange...inconnue. Panique. Téthys se touche le crâne déformé, Téthys est terrifiée, pendant quelques instants, le temps que sa mère vienne la rassurer...ses mères. Aryakis est là. Chaque Aryakis. Autour d'elle. En elle-même. Toujours si présentes, si chaudes...l'idée que la Mémoire Seconde soit invisible à tout autre lui semble tout à coup ridicule, tant les traces de celle-ci crèvent les yeux dans chaque parcelle de l'univers. Les sens retrouvés, Téthys se relève vraiment, s'étend, ressent chaque membre comme quelque chose de nouveau. Sa tête et ses branchies pulsent si fort qu'elles lui font mal, mais la douleur la ramène à la vie...elle s'observe, se palpe, se caresse et passe les mains sur son nouveau crâne...celui-ci s'est allongé, distendu pour les besoins de sa mémoire, et de longues excroissances fines comme des queues de chat en jaillissent, emmêlées dans ses cheveux, pendant jusque sur ses seins. Délicieuse anomalie. Chacune pulse, vit, est elle...son cerveau est devenu puissant. Incroyablement puissant. Les choses sont précises, et elle conserve la même conscience...mais chaque sensation la torture ou l'enchante, chaque raisonnement ou calcul va à une vitesse quantique... En une seconde elle peut se rappeler l'intégralité de sa propre vie et y réfléchir, voir son issue, son destin...en faire le deuil. Une main sur le cou...sensation visqueuse connue depuis 30 ans...tellement nouvelle...un voile étrange, simple fanion, s'échappe de ses branchies et lui couvre le dos d'une seconde peau translucide et légère...elle a l'impression qu'une cape lui a poussé. En sourit, toute seule, sur la plage, mouillée et réchauffée par le soleil. Réalisation. Le manteau de Commandante Expéditionnaire des Flottes néréides est perdu, probablement envolé pendant la tempête, et ses vêtements déchirés pour la plupart... Les sourires des mères, des Gardiennes, des Aryakis, partout...Téthys se voit elle-même par Elles. Un souvenir précis remonte d'un de ses tentacules gauches, et brûle dans son esprit, lui imprimant une mémoire-image d'une Gardienne antique de la mythique Terre, qui passa ses années à se prélasser dans la Renaissance italienne... Plénitude. Téthys sent son esprit briller, ainsi que celui des vieilles, sous le lac. Le monde est une grande lumière, reflétée sur l'eau...le projet Mnémosyne est accompli. Une fois le changement effectué,quelques minutes avaient suffi à la Gardienne pour transférer leur histoire aux Néréides, même en pleine tempête. Elle était de toute façon trop perdue dans la Mémoire Seconde pour l'avoir ressentie. Le plus grand moment de sa vie...dont elle connaît déjà la conclusion qui doit être. La Mémoire Seconde doit retrouver sa réelle Gardienne. Ne devait-elle pas la rendre? Téthys commença à tituber, à marcher lentement, vers un bâtiments oblongs à flancs de falaise, toujours dévouée à celle qui avait risquée mille vies pour les siennes... ________________________________________________________________________________________________________________ La panique, partout. Plus personne ne savait ce qui se passait, comme si les cieux étaient en train de tomber dans la mer. La ville-laboratoire était en pleine effervescence : la Commandante avait disparu. Les Anciennes étaient entrées dans une phase de sommeil paradoxal supérieure, si profonde qu'on ne pouvait plus les atteindre par la Vague, et malgré tous les efforts de l'équipe médicale, l'état d'Aryakis ne s'améliorait pas. Mort cérébrale complète, et convulsions régulières, de plus en plus violentes...Evene n'avait pas communiqué la moindre information sur la nature de l'Aryakis aux Néréides, et elles ne pouvaient guère faire mieux que maintenir un corps vide en vie...et la Commandante qui ne revenait pas, qui ne revenait pas...
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Cdte. Téthys
Respect diplomatique : 340 06/03/1014 ETU 02:34 |
Score : 2
Détails
- Je dois la sauver, vite... Téthys marchait lentement le long de la longue falaise qui encerclait le lac Memoria, parcourant les chemins sablonneux pour rejoindre le centre de recherche où se trouvait le corps d'Aryakis. Elle avait d'abord envisagé de plonger pour aller plus rapidement, mais son corps était trop faible et son cerveau trop puissant pour quelque chose d'aussi complexe que la nage, du moins pour le moment...les sensations incroyables qui l'avaient envahie depuis son réveil ne s'étaient pas estompées, mais elle commençait à s'y habituer, et parvenait à faire un pas devant l'autre sans s'effondrer de plaisir ou de douleur. Portant sur son âme la Mémoire Seconde, elle buvait tout ce qui arrivait dans ses perceptions de façon ininterrompue...et savait qu'elle resterait ainsi même après avoir rendu la Mémoire Seconde à l'Aryakis. Quelques secondes de réflexion lui avaient suffi pour élucider la fonction de ses tentacules et fanions, là où il lui aurait fallu auparavant une armée de biologistes et de généticiens. Les premiers étaient des excroissances de ses zones cérébrales mémorielles, à tous les niveaux - mémoire directe, mémoire sur le long terme, réflexes, instinct... - qui prenaient la place qui leur était nécessaire. Les seconds étaient le résultat de l'hypertrophie des récepteurs de la Vague, placés dans ses branchies...elle sentait dans ce voile innervé le pouvoir de parler avec toute Sagesse en même temps, ou de capter les flux d'ondes de toute la planète simplement en le voulant...sa Vague n'avait plus besoin du moindre intermédiaire pour communiquer hors de l'eau. C'est ce qu'elle s'employait peu à peu à maîtriser en concentrant ses perceptions sur sa destination quand elle capta le premier cri. Une Néréide criait dans le réseau : " - ...n'a plus beaucoup de temps!" Téthys fronça les sourcils et accéléra le pas. Qu'est-ce qui se passait? " - ...en train de la perdre!" Merde. Merde, merde, merde. Presser le pas. Courir. Tituber. Courir quand même. " - ...arrive pas à maintenir le cerveau en état de marche! Elle va bientôt mourir à ce train-là!" Merde. Téthys la sent. Ses perceptions vont suffisamment loin pour sentir le jeune corps, encore plus jeune qu'elle, en train de convulser et de crever de la façon la plus douloureuse possible. La colère l'emplit d'avoir délayé. Trop lente...trop lente...les mères sont silencieuses, aucun conseil, la chaleur semble s'être envolée de son esprit. - BORDEL! J'ai obtenu le pouvoir d'Eve, je peux manipuler ce qui Est et ce qui n'Est pas...JE PEUX L'ATTEINDRE! JE LE PEUX! Un regard vers le ciel, plein de la sagesse d'un millénaire et du désespoir d'une seule femme. Un regard qui annihile l'écrasement des atomes de l'air, visibles pour elle...un regard qui conjure un trou de ver de néant dans les cieux, droit vers le centre de recherche. La Gardienne est aspirée dans les airs et vole au-dessus du lac comme un missile bleu, aspirée par le courant. Ses souvenirs résiduels de ce que doit être un déplacement rapide dans les airs recrée le gaz autour d'elle, qui la propulse comme une balle droit vers le toit. Le nouveau cerveau de Téthys lui permet de réagir à temps et de ralentir avec un coussin d'air avant de s'écraser. Atterrissage de météore. POUM! Téthys se vautre sur le sol, les pieds endoloris...une trappe est visible un peu plus loin...Aryakis est tout près, il suffit de tendre la main... NON! " -...quoi?" Le poids des mères est revenu, omniprésent. Ecrasant. La Mémoire Seconde serre Téthys de toutes les forces de ses formes. La Gardienne s'agite sur le toit immaculé, écrasée par le ciel, maintenue au sol par les esprits de ses ancêtres. " - Qu'est-ce que vous faites?! - Ce que nous devons. Comme toi. - Oui. Nous le devons. - Oui. Il n'y a plus d'autre choix. - Arrêtez! Vous êtes moi! Pourquoi faites-vous cela?! - Oui, nous sommes toi. Cherche dans ta mémoire, rappelle-toi. Rappelle-toi pourquoi. - Parce que..." Vision. Sagesse en feu. L'Assemblée à l'abandon, tombant en ruines. Plus d'un millier de mondes à feux et à sang. Quatre meurtriers, quatre civilisations et un Empire déchu, vénérant le plus grand des déchus. Dix mille milliards de morts pour prendre une seule vie : celle d'Eve. Celle d'Aryakis. " - N'est-ce pas mieux si je disparais en ce cas...? - Bien sûr que non! Non, tu ne mérites pas une telle chose! - Ceux qui meurent le méritent encore moins. Tu le sais autant que moi. C'est toi qui pense ceci." Conflit intérieur. Les consciences se mêlent et se battent. Chacune des mères défilent devant Téthys, chacun des visages tend l'autre joue, et seule elle au sein de l'Aryakis est trop jeune pour ne pas faire de même. Katelyne aussi a renoncé. " - Je refuse." Téthys se relève sous le poids d'une éternité de dilemmes moraux, et avance vers la trappe. Elle y trouve la précédente Gardienne, toujours sous la forme de Katelyne, le visage clair et apaisé malgré les souffrances de son corps. Sa vision s'oppose aussi. " - Pourquoi? POURQUOI?! Pourquoi faiblir? Pourquoi sacrifier? Pourquoi abandonner? - Parce que c'est ce que nous avons toujours fait. Parce que je suis née sacrifiée, Téthys. De nous toutes, tu es la première à être complètement libre. Parce que des centaines de sacrifices ont déjà été faits par Evene pour me donner naissance. Parce que j'ai déjà été sacrifiée quand j'avais dix-sept ans et que ma mère a coagulé. Les soeurs m'ont fait incarner la Mémoire Seconde, et j'ai disparu en elle." Vision. Tout est vrai. Tout. Le poids sur les épaules de Téthys n'est pas celui des mères...c'est celui de leurs propres chaînes, coagulées avec elles dans la Mémoire Seconde. Les chaînes de sang qui sont tout ce qui soutient la montagne. La montagne qui d'une seule voix parle à sa nouvelle Gardienne, qui lui apporte la conclusion d'une éternité d'Aryakis. Celle-ci, devant Téthys, prend la forme d'une Méduse aux cheveux mêlés de serpents : " - NOUS SOMMES UNES ET JE SUIS PLUSIEURS. JE ME VOIS. JE TE VOIS. ET VOICI CE QUE JE COMMANDE. ASSEZ. ASSEZ DE PERFECTION." Vision de sang. Les expériences d'Evene. " - ASSEZ DE SACRIFICES." Vision de guerre. La guerre Impériale en Secteurs 27 et 28. " - ASSEZ DE MOI. JE ME SUIS VUE ET J'AI DÉCLARÉ : "ASSEZ!" NOUS NOUS LIBÉRONS DE MOI-MÊME. C'EST LE TEMPS DE LA LIBERTE. LE TEMPS DE LA MUTATION. LE TEMPS DE LA MORT. JE MEURS. JE SUIS LIBRE. JE SUIS VIVANTE, ENFIN. JE SUIS TETHYS." Oui. Je suis Téthys. Et je serai la nouvelle Gardienne. AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGH! Trente mètres plus bas, Eve est morte. Les anévrismes ont fait éclore des fleurs de sang partout dans son crâne. Aryakis est morte. Téthys regarde la fin du jour. La nuit tombe sur Mnimeio Dorea. Elle observe...médite. Le sort est décidé, et la charge d'Atlas lui a été laissée. La mort et le changement étaient les dernières leçons pour comprendre le Tout, avec l'Être et le Néant. Elles sont désormais apprises par l'Aryakis. La forme de la précédente Gardienne est toujours à ses côtés, et ressemble plus à une passeuse vêtue de noire vivant au crépuscule qu'à la jeune âme qui disparaît. " - L'incarnation de la Mémoire Seconde était-t-elle donc une erreur? Dois-je agir comme Arya ou Katelyne? Ou comme une toute autre? Que dois-je faire? Ces questions, je ne peux les poser qu'à moi-même, à toi. Pas à Evene. - Évidemment que c'était une erreur. Pour mille âmes, il faut mille corps. Pas un. J'étais broyée ainsi. J'étais parfaite, mais broyée jusqu'à ce que seul le jus du Bien sorte. Sacrifiée pour obtenir une réponse. Tu as été la réponse. - Mais que dois-je faire alors? - Comme tu veux. - Je veux faire au mieux. - Alors tu dois faire ce que tu veux, justement. Tu dois rester libre. Libre de changer. Libre d'être imparfaite. Libre d'être mortelle comme immortelle, millénaire comme éphémère. C'est cela qui manque toujours, et qui vient toujours. C'est ce que j'ai pu accepter...grâce à toi j'ai pu mourir. - Je veux être libre... - ...alors la suite est décidée... Eve se releva et partit vers le coucher de soleil. Téthys savait qu'une fois le bord du toit franchi, elle ne la reverrai plus. Et elle le refusa. " - ...mais je ne veux pas être seule." Eve stoppa. Se retourna. La regarda, elle qui était la nouvelle elle. " - Je ne veux pas être broyée. Mais je ne veux pas que vous ne soyez toutes qu'une ombre...je veux que-" Les paroles de Téthys furent éteintes par l'étreinte et le baiser d'Eve. La Mémoire Seconde connaissait la réponse. Savait ce qu'elle voulait. C'est l'amour que je veux...l'amour qu'il nous faut à tous. En ce jour, Aryakis s'embrassa elle-même, s'aima elle-même, se fit l'amour à elle-même. Téthys fut chaque Gardienne, ensemble, individuellement, les aima toutes. Seule...cachée...elle reparcourut toute l'histoire en entier, toute la mémoire. Elle téta les seins d'Eve comme un nourrisson, et fit glisser un millier de doigts contre ses écailles...ses cheveux et ses tentacules furent triturés, caressés, massés par des femmes avec autant de couleurs et de formes qu'un univers. La douleur fut purgée. La mort fut purgée. Les regrets furent purgés. Chaque Gardienne fut aimée et pardonnée par la Néréide, par la nouvelle, par la mutante...l'humain et le mutant, le semblable et le différent, tout cela fut transcendé...pas de froid contre ventre et seins...pas de regrets et d'amertume dans les prunelles des yeux aux milles couleurs...pas de solitude dans la chaleur du giron de la Gardienne, partagées par toutes. Plus d'écrasement et plus de solitude...être signifie aimer. Être signifie jouir. Être signifie être aimée. Aryakis...Téthys...la mort...la naissance...enfin...le goût de l'univers. Une nouvelle Gardienne est née.
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