Trystan d'ÂpreTerre, don juan de taverne dont la liste des créanciers de jeu est inépuisable, s'’adonnait à son passe temps favoris, à savoir dépenser les rentes de son comté, mais voilà qu'un homme vient jouer au trouble fête.

La nuit est sombre du côté de Surt, capitale de Forge-Ocre, réputée pour sa population de chapardeurs belliqueux, d'assassins crasseux, de chasseurs libidineux émoustillés par la foule de filles de joie peuplant le quartier bas.

Toute cette population vivant sur les revenues des millions d'ouvriers qui font tourner le cœur industriel du duché.

Dans le quartier haut ou s'entassent hauts fonctionnaires et nobles, se trouvent les appartements de Gerold comte d'AigueMarine, gouverneur de Forge-Ocre et protecteur du Système Origine et voilà qu'on donne du poing sur sa porte.

Et c'est avec quelques grognements que la porte s'ouvre. Le jeune noble en face de lui, encore essoufflé se contenta de lui tendre une note que Gerold examina, avec un sourie s'accentuant au fil de la lecteur.

Une armada file droit sur d'Ocre, s'approchant d'une autre flotte bien plus imposante qui y orbite.

Bien que le signal sonar ne trompait pas, par mesure de sécurité des communications furent lancées.

Après vérification des codes d’authentifications, l'autorisation ne tarde pas à tomber.

Trystan suivait l'échange depuis le pont de sa corvette, Rude, non pas sans penser à sa dernière retraite sur la capitale galactique.

Le devoir l'avait rappelé, une occasion d'éponger ses nouvelles dettes, après tout cette levée de flottes allait le reconduire à ses distractions sur la capitale.

Ce n'est pas une flotte d’explorateurs curieux de découvrir de nouveaux mondes, où de marchands avides de bénéfices, qui orbitait autours de la puissante Ocre, mais une communauté de milliers d'hommes, venant prendre possession de ce qu'ils estiment leur revenir. Le droit des puissants à la conquête en somme.

Des dizaines de bips sortirent le comte de ses pensées, un regard rapide sur l'holo-carte par curiosité, des milliers de points venaient d’apparaître, peut être même quelques dizaines de milliers, il laissera le soin à l'informatique de bord de les identifier, éliminer les bruits dans les données et chiffrer ça.

Quoiqu'il en soit, une immense flotte venait de se joindre aux réjouissances.

Un soir de brume tiède, la torpeur d’une Ocre au climat chaud et sec, l’âme écorchée.

Une chambre d’un hôtel particulier, la fenêtre ouverte sur la rue où tintent les couverts des restaurants, le claquement des pas ivre sur le pavé des passants qui brassent l’air chaud, l’air heureux sur le visage.

Le bar d’en face joue un air que Trystan reconnait.

Assis sur le rebord, il regarde la rue, la vie qui pointe d’une journée trop chaude et qui sans le savoir va être entraînée dans une chose qui les dépassent.

il regarde le ciel, ce dôme impénétrable, la nuit qui le noie et noie les nuages d’un temps trop un peu sombre.

Il allume cette cigarette qui le fera tousser demain, lorsque le jour sera là, encore une fois, il n'en ai jamais eu rien à foutre pour tout dire, et aujourd'hui encore plus, les tambours de la guerre martèlent son esprit.

Il fini d'attacher les dernier boutons de son uniforme d'Amiral, qui lui restera impécable, pendant que le sang de millions de civiles coulera. Il n'est pas à la tête d'une flotte diplomatique, les escadres ne faisant pas vraiment dans la dentelle.

Il tire et avale, recrache la fumée.

Bientôt des civilisations voudront la place d'Ocre, lui naviguera au milieu de la tempête et sauvera ce qui pourra l'être. Ne sachant pas si il agît pour la rédemption de la galaxie ou sa glissade dans les ténèbres, mais juste par devoir.

Au loin un prédicateur se fit entendre, un de ceux d'une espèce naît après le cataclysme spatio-temporelle. Mentionnant des dieux oubliées et la fin de toutes choses.

Et voilà qu'il essaye de chasser ce présage de son esprit.

Le monde dévasté se remettait de l'invasion, l'apport financier et matériel du duché lui ferait faire un bon de plusieurs générations.

Trystan parcourait le chantier de son futur centre de commandement, partout sur la planète la population était mise à contribution, bientôt des centaines de bunkers couplés à des réseaux de canons stellaires assureraient la main mise d'Ocre sur ce système.

Trystan sentait un étrange sentiment monter au sein de ses équipages, un sentiment qui se distillait dans toutes les couches de la société ducale.

Il existait déjà en Ocre un sentiment de supériorité, une idée de grandeur, que l'Insoumise, l'Indomptable, l'Inféodée, la Souveraine Ocre, avait sa place parmi les plus grandes civilisations de Rédemption.

Mais c'était autre chose qui gagnait sa population à présent, quelque chose de cosmique, une idée semblait émerger, proche de la folie, quelque chose d'impénétrable, d’incommensurable. Trystan n'arrivait pas a mettre des mots sur ce sentiment. L'apothéose de la noblesse d'Ocre, la déification d'Ocre elle même. La pente était glissante, le gouffre proche.

Et quand les dirigeants des mondes conquis avaient été regroupés devant Trystan, il ne pu s'empêcher d'être marqué par cette chose sur le point de naître, une chose qui prenait forme dans le discours de son second.

Oldelrik venait d'esquiver de justesse une chaise qui s'écrasa par défaut sur le mur derrière lui!

Rouge de colère, le duc abattit ses deux poings sur la table.

Gerold comte d'AigueMarine, qui se tenait en retrait flanqué de ses trois fils et du baron Edric de RudeTerre, laissa échapper un grognement.

Il ignora le regard malveillant que lui jetta Oldelrik, pendant que le duc s'emportait de plus belle.

Oldelrik venait d'esquiver une nouvelle chaise.

Le susnommé s'avança.

Cette fois ci Oldelrik n'en pouvait plus et changea lui aussi au rouge.

Les nobles échangèrent quelques mots avant de sortir, quant à Hâkon, il s'adossait contre son fauteuil et pianotait furieusement les accoudoirs de ses doigts.

Cette fois ci Hâkon se laissa aller à un léger rire, c'était ces prompts changement d'humeur qui terrifiaient le plus son cadet.

Il n'avait pas ordonné la prise de la capitale par la force. cent milliards de civils y vivaient, Trystan connaissait que trop bien les pertes que cela aurait entraîné.

Pour cette hésitation, le comte d'ÂpreTerre était tombé en disgrâce auprès du duc. Aucunes représailles, il avait suffit qu'il ne bénéficie pas de la croissance d'Ocre pour passer d'une maison majeur à une maison mineur.

Il avait espéré rejoindre à nouveau les services diplomatiques, mais Ocre la souveraine se refermait sur elle même.

Son âme était meurtri, même une partie de ses propres gens sombraient dans ce qu'il considérait une folie.

La nouvelle croyance cosmique se distillait tel un poison dans toutes les couches de la société d'Ocre, la noblesse étant touché plus que les autres.

De plus en plus croyaient à leurs apothéose, à la déification d'Ocre et en une entité cosmique.

Ocre glissait dans le gouffre, c'était inévitable à présent, il ne lui restait plus qu'à adoucir la chute.

Sa flotte venait à l'instant d'entrer dans l'espace d'Ocre, quand une escadrille se porta à sa rencontre.

Ce que ne fit pas la flotte de Trystan.