Après de longues heures festives, le calme était enfin retombé sur Dreamland. Le Quasar avait été évincé de la capitale par les troupes du pirate Hampnie Hambert. Pour la première fois depuis de nombreux cycles, les Dreamlandais connaissaient enfin un sommeil paisaible, sans stress ni cauchemar. Tous ? Non. Dans l’enceinte de l’assemblée galactique, un petit poro préparait son sac en silence, sans que personne ne l’entende. Elle fixa son ruban rose sur sa tête, fit une léchouille à son frère endormi, et laissa un mot sur une feuille à côté de lui.

« Mon cher frère Palom,

Porom. »

Après un dernier regard vers le poro le plus merveilleux qu’elle n’eut jamais connu, elle emprunta la porotière, sans se douter du drame que son départ occasionnerait. Un poro a le sommeil lourd, et le souffle puissant. Certaines vieilles fables parlent de poros dont les ronflements puissants ont poussé leurs compatriotes dans le vide – même si beaucoup imagine qu’en réalité ils avaient dû avoir faim et avait inventé cette histoire pour que personne n’en sache rien. Toujours est-il que le souffle de Palom était suffisant pour faire s’envoler le petit mot déposé par sa sœur, mot qui virevolta jusqu’à se déposer à côté de la corbeille à papier.

Quelques heures plus tard, la femme de ménage entra dans la chambre des jumeaux. Elle passa un coup de balai, prépara un en-cas pour le réveil des commandants, et vida la corbeille. En se rapprochant de celle-ci elle soupira et attrapa le papier qui trainait nonchalamment à côté et le froissa sans le lire. Il pourrait quand même viser juste, mwe. Elle attrapa ses affaires, la poche pleine de détritus et quitta la chambre s’en même un regard vers le lit.

Pendant ce temps, grâce à sa petite taille et à son incroyable discrétion, Porom avait gagné le £eem d’or. Elle s’y était infiltrée sans problème aucun, et s’était trouvée un coin confortable pour dormir. C’est donc sans se douter de ce qui venait de se produire dans sa chambre qu’elle rejoignit le pirate Hampnie Hambert dans ses rêves.

Depuis la passerelle, Hampnie lisait les rapports de maintenance du £eem d'Or. Visiblement à part quelques avaries au niveau du stabilisateur inertiel, tout était impeccable... Et heureusement! Les réparations avaient couté suffisamment chères pour que le travail ne soit pas bâclé. Et cette petite avarie tombait à pic, elle motivera facilement une protestation pour obtenir une ristourne sur les prochaines réparations.

Un des hommes de main s'approcha de Hampnie en s'excusant.

Hampnie se tourna vers les écrans et soupira.

Hilda sur sa droite soupira à son tour.

Hilda soupira une nouvelle fois tandis qu'il se levait de son siège.

Hampnie quitta la passerelle et longea un couloir. Heureusement son bureau n'était pas très loin. L'homme qui gardait la porte fit un salut maladroit et lui ouvrit la porte. Hampnie la traversa et se figea instantanément, le regard horrifié.

Un Poro à nœud rose était affalé au milieu de son bureau en train de vider sa dernière boite de ChocoShok. La petite boule de poil semblait heureuse de le voir, elle s'était figée à son entrée, sa grande bouche ouverte sur le point de se refermer sur un des dernier gâteau.

Hampnie dégaina instantanément son holocom et hurla "HILDA, ANNULE LA MISSION!!!!", mais c'était trop tard, un grand ronronnement de moteur suivit d'une secousse venait de signer le départ du vaisseau.

Afin de mieux comprendre la disparition de toutes les réserves de chocoshoks du commandant Hampnie, revenons quelques temps en arrière.

Après un long sommeil, Porom se réveilla la faim au ventre. Elle décida donc de manger son casse-croute avant d’aller à la rencontre de son pirate. Mais une fois le ventre plein, elle sentit ses paupières lourdes. Elle décida donc de refaire une petite sieste. Quelques heures et un goûter plus tard, elle décida de sortir de sa cachette. Discrètement, elle se rapprocha d’un hublot. Elle était dans l’espace, en orbite de Dreamland.

- Oh non. On est toujours à proximité de Dreamland.. Hum. Il va falloir attendre encore un peu Palo… Suis-je bête… Palom n’est pas avec moi. … Bon. Je vais attendre de nouveau.

C’est ainsi que Porom repartit se cacher. A la pensée de son frère, elle se remit à manger. Et soudain, le drame. Elle était à court de nourriture. Après quelques secondes de panique, elle ouvrit tout grand ses narines. Un vaisseau aussi grand était forcément pourvu de nourriture.

- Ah ?! Une odeur de chocolat ! Je dirai même… des CHOCOSHOKS !!!

Porom se dirigea donc vers la source de l’odeur, et tomba sur une palette entière de ce délicieux biscuit chocolaté.

- Les chocoshoks … Si Palom était là… Ce vaisseau même… Palom…

Et c’est ainsi, que prise de chagrin Porom mangea toute la précieuse réserve du pirate Hampnie. Une fois sustentée, elle se dirigea finalement vers la cabine de ce dernier où elle décida de l’attendre. Et l’ennui amenant la faim….

C’est ainsi que Porom avait vidé les réserves du pirate. Elle ne se rendait pas compte de son geste, et l’accueillit avec un grand sourire.

- HILDA, ANNULE LA MISSION!!!!

Ne comprenant pas la raison des cris de celui-ci, Porom gonfla les joues, signe de son mécontentement. Ses premières paroles après l’avoir vu étaient ces mots !

- Commandant Hampnie Hambert, je ne descendrai pas de ce vaisseau. Je suis venue aujourd’hui afin de vous proposer un compromis. Vous pouvez conserver Dreamland si vous m’épousez. Voilà.

Porom lorgna le dernier survivant au chocolat avant de reprendre.

- Oh, tiens ! Pendant que j’y pense. Il faudra que nous fassions un arrêt sur la planète Biscuiterie No1. Il faut refaire le plein de biscuits. J’ai cru comprendre que votre équipage avait un faible pour les chocoshoks vu le nombre que vous aviez pris. Un mot de ma part et vous repartez avec une bonne centaine de palettes gratuites ! Alors.. ?

Porom regardait le commandant avec des yeux emplis d’innocence.

Hampnie avait reconnu ce regard... Ce regard oppressant que la Poro venait de lancer au dernier survivant de la lignée des Chocoshoks. C'était évident! Elle allait le prendre et le dévorer... Misérable Poro affameuse de Pirate, il fallait agir vite. Il n'hésita donc pas la moindre seconde et sauta en avant, les deux pieds joints, s'écrasa au pieds de Porom et ses deux mains se refermèrent rapidement sur le dernier Chokoshok.

Il lança un regard courroucé à Porom et dans une ultime mesure de précaution, il engouffra immédiatement le biscuit dans sa bouche, et le mangea bruyamment.

- CHELUI LA, IL EST A MOI! Che ne feux même pas safoir comment fous êtes entrée! *Hampnie avala bruyamment et reprit* Votre entrée en catimini, je peux encore le concevoir, mais vider mes provisions! Vous frôlez l'acte de guerre! Non content que le Quasar nous bombarde, que je me fasse tirer dessus de tous les cotés, en plus, les Poros me torpillent en douce avec des attaques mesquines sur mes provisions privées! Vous n'avez donc pas de cœur?!

Hampnie se releva et s'essuya la bouche.

Porom était étonnée du comportement du commandant. Aucun homme bien portant de sa connaissance ne se serait jeté ainsi sur un chocoshok. Cet Hampnie devait vraiment les aimer. Il était vraiment de plus en plus parfait. C'est donc avec un regard cajoleur et en mettant en avant sa rondeur qu'elle reprit la parole.

- Une centaine de palettes, ce n'est pas suffisant? Oh. Pourtant, si l'on doit prendre en compte la production hebdomadaire, nous ne pouvons faire mieux. Vous et vos hommes doivent vraiment les aimer. Quoique... C'est le tiers de ce que mange Palom chaque semaine. Mais non. Si vous en voulez plus, il faudra les payer. Je peux cependant vous obtenir les prix usine. Pour Hilda, si elle veut pouvoir les récupérer sans moi, il lui faudra un mot de ma part. Je vous ferai un papier, avec les cent palettes gratuites et il me faudra le nombre supplémentaire que vous souhaiterez par semaine à prix coutant.

Porom s'était rapprochée du pirate. Elle avait conscience de sa beauté en tant que poro, mais ne semblait pas réaliser que Hampnie Hambert en tant qu'humain n'était pas forcément sensible à celle-ci.

- Souhaitez-vous la mort de vos hommes?

C'est à ce moment qu'Hilda arriva rapidement dans le bureau.

Le regard d'Hilda se posa sur Hampnie puis sur la Poro. Visiblement elle ne comprennait pas ce qu'il se passait.

Hampnie se retourna vers la petite boule poilue.

Hampnie s'imagina quelques secondes dans un costume de mariage avec la petite Poro juste à coté... Il plissa les yeux et secoua la tête et repris.

Il fallait qu'il trouve une excuse... La religion? Improbable, il avait toujours fièrement revendiqué ne respecter aucune croyance...

La vérité? Qu'il ne pouvait ressentir quoi que ce soit pour une boule de poil? Il risquerait de la froisser et perdre ses Chokochocs...

- Mais? Répéta Porom, ses yeux candides fixés sur lui.

Il devait trouver quelque chose... Il devait...

Hilda derrière lui faillit s'étrangler mais il n'en tenu pas compte.

Les mâles ? Son pirate qui lui semblait tellement parfait aimait les mâles ? Porom recula de quelques pas. Elle devait réfléchir, mais le choc était trop important. De la nourriture? Il n'y en avait plus. Les choses devaient finir ainsi? Elle devait marier Palom à sa place ? Cette pensée lui donna envie de pleurer. Mais elle ne voulait pas montrer sa vulnérabilité à Hampnie. Elle courut donc se cacher derrière l’oreiller du lit du commandant.

- Mais que... ? Oooh.

Sous l’oreiller du commandant Porom était tombée sur le dernier exemplaire de PlayPirate, avec en couverture une femme vêtue uniquement d’un pistolet laser et d’un chapeau à tête de mort.

- Voici donc ce à quoi une revue cochonne ressemble. C’est bien ça non ? J’en ai entendu parler mais je n’en avais jamais vu avant. Par contre, pourquoi n’y a-t-il que des femmes dedans ?

Suite à cette découverte, le commandant Hampnie commença à s’affoler, cherchant une justification à la présence du magazine. Il bafouilla un début d’explication que Porom n’écouta pas. C’est un regard compatissant et compréhensif qu’elle leva vers lui.

- Pas besoin de vous justifier. J’ai bien compris. En tant que commandant des pirates, vous vous devez de garder une certaine image. Vous perdriez la confiance de vos hommes s’ils venaient à apprendre votre penchant ! Mais s’ils vous respectent vraiment, ils vous accepteront quand même. N’est-ce pas Hilda ? Enfin, conserver votre image ou non. C’est choix. Palom ou moi. Je vous laisse choisir… Même s’il m’attriste de vous perdre, si c’est avec Palom et pour Dreamland, je peux l’accepter.

Mais comment en était-on arrivé là? Un mariage avec Palom?! Plus cette conversation continuait, plus elle partait de travers. Le pire c'était probablement Hilda qui venait de quitter la pièce discrètement et qu'Hampnie avait entendu éclater de rire quelques mètres plus loin.

Hampnie posa le dos de sa main sur son front et feint une souffrance profonde.

Il prit désormais un regard fier, regarda le plafond, sa main plaquée sur son coeur et repris d'une plus grosse voix.

Le pirate se retourna laissant son dos à la petite boule de poil et termina.

Hampnie s'apprêtait à sortir, mais il s’interrompit au dernier moment, s'approcha de son lit, récupéra son magazine, le cacha dans son blazer et ressorti de la pièce sans un bruit.