L'androïde ne comprenait pas, au premier abord, pourquoi ces locuteurs s'exprimaient en l'appelant Vera. Il n'avait pas pleinement conscience que l'ensemble de son être était effectivement une infime particule d'Elle. Un rejeton d'une des usines de construction positronique, de très bonne facture. Où il fut assemblé avec le plus grand soin toujours pris par la chaîne de montage. Que l'intégralité de son corps fut façonné par d'autres androïdes-architectes, avec l'attention d'un robot de ce rang, celui de l'émissaire, là, conçu pour venir en ce point de la galaxie. En ce petit point infime de multi-milliards de réalités. Que Vera s'épuise, sans cesse, à retransmettre, depuis sa Salle, dont on ne sait rien. Notamment dans ce bout de ferraille, qu'il serait aisé de dénigrer si l'on sait d'où il venait. Non organique, non fécondé. Pourtant si à même d'être par-lui même. Mais rien sans Elle.

Il avait enregistré la réponse de la Reine. Celle de la Dame. Enfin celle du Technocrate. Elle avait interprétée les propos de chaque, conceptualisant la source de leur ton, de l'accentuation, de leur prestance, autant que le fond. Il faut comprendre qu'elle laisse, théoriquement, libre-court à l'androïde, que nous appellerons XII pour le nommer enfin, pour qu'il amène sa réponse. Formulation, ton, ruptures de voix et de rythme, tout est, dans sa tête, le fruit de sa propre réinterprétation. Il a entendu Vera, et, en gage de ses responsabilités présentes, il doit s'attacher à donner le plus de vraisemblable à la parole de la Mère, de la Femme et de la Dirigeante. Et, d'un autre temps, alternatif à ce circuit, il se sent parcourir l'ensemble de lui-même avec sa grande portée. Et il se sent fier, honoré d'être là présentement et de participer au débat. Il se dit même qu'il est l'un des importants Psyobots. Jusqu'à se gonfler la poitrine en Dextérium qu'il arbore. Quel sentiment !

L'illusion est-elle le coeur de cet androïde ?

Car il n'y a que Vera. En tout point, partout. Tout est finement équilibré, pesé, vissé, soudé, au nanomètres près. Et tout est pointillé par le bout de ses doigts, à Elle. Alors, qui sait, il peut y avoir des erreurs, des errances, un dysfonctionnement même. Et peut-être de là jaillira…

Assurément, il s'était produit quelque chose. Il se sentit légèrement vacillé.

L'androïde tournait en rond, en attendant une quelconque réponse autre. Le sujet ne passionnait pas les foules. Brider la puissance, proposer le "contrôle", la "régulation", par intérêt de protection des planètes et des populations, de tous… Non merci ?! Soit. Il venait de recevoir le rapport de destruction de sa flotte d'amarrage dans le système Assemblée par un tir ciblé du Premier. Il était de plus en plus seul.

Vera donna la consigne. Il sortit une petite disquette, clé universelle de communication galactique, avec, via les tissus imprimés à une soudure-express, les directives des Psyobots. Sans commentaire, il la posa et sortit de la salle. Vers où ? La narration s'arrête ici.

//////// Données publiques

Source : Vera, Secteur Unique.

Destinataires : public.

Comme il n'avait nulle part où aller, après s'être plus-ou-moins-perdu-parce-que-c'est-tout-de-même-un-robot-avec-un-plan-dans-le-crâne, il revint dans la salle. Les échos de Paullus en choeur avec lui, quelle scène !

Il s'avança, doucement, et (ab)usa enfin le canal qu'il avait effrité dans sa caboche positro-truc.

Il péta, littéralement, un câble.

Et il tomba par terre. Vera l'avait chuté. Il le fallait.

Communiqué de La Vera, depuis le Secteur Unique :

Si nous amorçons l'idée d'un traité c'est car nous pensons qu'un vote galactique ne suffirait pas à engager la non-prolifération des armes par les civilisations silencieuses et belliqueuses. Si vous pensez qu'il est possible de contraindre les puissants par des règles extérieures, soit. Mais les Psyobots ne lanceront pas cette initiative-là.