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Cdte. La vieille
Respect diplomatique : 226 ![]() 04/07/1016 ETU 15:19 ![]() ![]() |
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L'atmosphère s'illumina un instant de lueurs rouges puis bleues, comme plusieurs fois par jours. Sans danger... À cette provocation brigande, les canons orbitaux répliquèrent en silence et la vie n'en fut pas plus dérangée que ça. La vie, c'était beaucoup dire. Il y avait bien des insectes et des humains mais le reste avait plutôt été engloûti dans le maëlstrom du développement postindu. C'était de l'histoire ancienne. La vieille souleva le rideau en lin de son séjour pour regarder la rue. Il n'y avait personne. Les voitures étaient bien garées, quelques papiers par terre, sinon rien... La télévision tournait en boucle, répétant des émissions passées. Plus personne n'était aux commandes. Nulle part. Il y avait bien les experts logistiques de la corporation marchande qui s'affairaient à échanger des vaisseaux inutiles aux abords du 12.0.1 mais à part ça plus personne n'oeuvrait à rien. La vieille soupira. Même son imbécile s'était tiré avec son casque à pointe. Il était parti mourir pour une cause accessoire sur un petit monde forestier. Puis la paix était venue et avec elle, rien d'autre que l'enrichissement sans fin de la Corpomar. Il y avait de l'argent un peu partout. Beaucoup. Mais étrangement, il y avait de moins en moins de gens. La population avait diminué et le phénomène était devenu sectoriel. Avant que le renseignement ne s'en inquiète, les services étatiques et universitaires avaient été désertés, et plus personne ne faisait de rapport, d'analyse ou de prédiction. La vieille était elle-même entrée dans un état second. Délaissée par ses conseillers et serviteurs, sans l'appui des structures de l'état désormais désert, exclue de la Corpomar qui oeuvrait indépendamment pour l'enrichissement aveugle de quelques inconnus, la vieille n'était plus qu'une vieille qui possédait sur papier des mondes magnifiques qu'elle ne verrait jamais. Car il n'y avait même plus un pilote qui puisse l'y emmener... Par deux fois, à la mort de son chat puis quand son transistor fut tombé en panne, elle avait pensé ouvrir le secteur. À ce moment-là, elle avait eu l'intuition qu'une telle ouverture eût pu revitaliser son secteur, apporter du sang neuf, de la pensée, de la culture. On aurait pu l'aider à éradiquer les marées de brigands qui pullulaient en tous lieux. Un commerce sain et utile aurait repris et abreuvé son empire autrefois glorieux. Tout aurait pu renaître de ses cendres. Mais aujourd'hui, la vieille ne se souvenait plus ni de la gloire passée ni de ce rêve d'ouverture, cette possibilité grandiose. Elle vivait dans le brouillard du quotidien et était persuadée qu'il en avait toujours été ainsi. Finalement, elle se rassit machinalement pour la vingt-troisième fois ce matin dans le fauteuil. Il n'était pas encore midi et elle devait attendre une heure pour avaler la soupe qui rythmait sa demi-journée. Elle regarda la télé qui crachottait un vaste éventail d'émissions passées en très larges boucles, dans une ritournelle programmée par le dernier technicien à être parti ailleurs. Un jeune homme souriant prédisait une après-midi chaude et ensoleillée en cette saison fleurie. « Ha ! », sourit la vieille toute regaillardie, « Voilà au moins une bonne nouvelle ! » Dehors des averses égrenaient par giboulées le temps du froid et plaquaient au sol de manière impitoyable les feuilles de journaux déchirées qui avaient tenté un envol.
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