Le voyage diplomatique n'avait pas été particulièrement médiatisé, notamment car les memphèbes avaient eut peur que le peuple l'interprète comme une sorte d'abandon des akhenatides part leur impératrice. Cette dernière fit cependant un rapide bain de foule dans la capitale planétaire, arguant qu'elle avait la confiance absolue de l'empire et que, de fait, elle pouvait bien s'absenter quelques jours.

Ce fut dans cette ambiance un peu étrange que, pour la première fois de son règne, Djenmet Akhemas laissa son administration diriger. Jusque-là, elle avait tout contrôlée, courant ici et là pour vérifier que chaque détail soit réglé à l'exact et selon ses directives. En bref, elle était une sorte d’inénarrable boulimique du travail. Selon des témoignages, elle ne dormait même plus, se contentant de micro-sommeils que les serviteurs devaient impérativement perturber s'il se passait quoi que ce soit.

D'ailleurs, l'idée du voyage diplomatique ne venait pas d'elle. Enfin, pas exactement. Elle avait un jour énoncée l'envie de rendre une visite cordiale aux Angusü et à leur chef, Skriff Okisei, ou plus généralement au membre de leur alliance, qui avaient déjà démontrés leur amicalité. Mais ça n'allait pas plus loin

Puis, constatant que l'impératrice se faisait de plus en plus stressée et craignant que son rythme de vie de la mène à une mort prématurée, un administrateur concerné était venu la trouver et l'avait littéralement harcelé avec cette histoire de voyage, jusqu'à ce qu'elle accepte de prendre congé de son peuple pour quelques jours.

Enfin bref.

Bien que peu médiatisé, le départ de l'impératrice fut pensé comme une cérémonie. Sa navette officielle attendait patiemment, encadrée de prêtres portant des flambeaux. La dirigeante akhenatide, escortée par quelques gardes, rejoignit l'appareil en marchant au milieu d'un vaste rang d'honneur s'étendant du début de la plateforme au vaisseau, puis l'engin décolla, dépliant de longues ailes et s'envolant avant d'être rejoint dans sa course par quelques huit chasseurs en formation.

La délégation continua son vole jusqu'à une petite flotte armée, composée de quelques dix croiseurs, eux-même accompagnés d'un nombre non-négligeable de corvette, puis tout le monde disparut dans l'hyper-espace.

...

Pour réapparaitre quelques jours plus tard au dessus d'un monde peuplé, quelque-part dans un autre secteur. A priori, le bout de roche portait le nom de "Gusü".

Le Commandant Skriff était particulièrement anxieux.

Pour plusieurs raisons. La première, c'était tout simplement cette rencontre avec Djenmet Akhemas, l'impératrice du peuple Akhenatide. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre, car il ne connaissait, pour ainsi dire, que très peu le peuple auquel il avait affaire, et encore moins leur dirigeante. S'il avait proposé cette rencontre, c'était principalement pour concrétiser une alliance, qu'il espérait, serait profitable aux deux peuples. Cependant, il savait qu'il prenait des risques, car il ne savait pas comment cela allait se passer. C'était un peu vers l'inconnu qu'il progressait, dans l'espoir d'en tirer un quelconque profit. Cependant, le fait que l'impératrice fasse elle-même le déplacement était quelque chose de positif ; en effet, cela indiquait déjà une certaine confiance envers le peuple Angusü. Il doutait fort qu'elle ne vienne les rencontrer en personne si elle avait des doutes envers eux.

La seconde raison était à la fois liée et hors-sujet. Il avait reçu récemment des menaces, répétées, de plusieurs membres d'autres secteurs, qui voyaient d'un très mauvais œil cette potentielle alliance ; depuis que ses liens avec le chef du gouvernement avaient été confirmés, il se savait relativement observé, et bien que cette alliance avait davantage un objectif de s'assurer un nouveau peuple amical pour l'avenir, car mieux valait avoir des alliés que des ennemis, il savait parfaitement qu'on ne l'interprétait pas forcément ainsi, et qu'en politique, on n'entend que ce que l'on veut bien entendre. Cependant Skriff se sentait prêt à prendre le risque, qui, au fond, n'en était pas vraiment un à ses yeux.

Il soupira.

Il avait reçu des signaux venant d'un vaisseau s'approchant de la planète Gusü il y a approximativement une heure, et ses chargés de communication et de surveillance avaient confirmé cela. L'impératrice Djenmet Akhemas approchait, elle serait là très bientôt. Il chargea ses employés de transmettre les coordonnées du lieu d'atterrissage au vaisseau. Afin de recevoir la Commandante, Skriff avait prévu à l'avance le lieu de réception, bien entendu. La capitale de la planète, nommée très sobrement Liberty, qui en Angusü signifiait "Combat", recelait de nombreux lieux fraîchement aménagés par le Commandant pour permettre aux émissaires diplomatiques de faire des rencontres face à face avec le Commandant Skriff.

Le lieu qu'il avait donc réservé pour recevoir Djenmet Akhemas était le plus sécurisé et le plus confortable de la planète. Des cohortes de gardes en assuraient la surveillance jour et nuit. Pour recevoir les représentants diplomatiques majeurs, on ne prend pas de risques ; bien qu'au départ il savait qu'aucun Angusü n'oserait trahir son peuple, il avait appris, à ses dépens, qu'accueillir des immigrés d'autres espèces n'apportait pas que des bons points, malheureusement... Le crime avait doublé depuis.

Enfin.

Skriff commença à se préparer et se dirigea vers le lieu d'atterrissage, souhaitant être là quand elle arriverait, pour la saluer en personne.

Le voyage avait été sans histoire, et ce même si les Akhenatides avait une sale habitude de s'arrêter à intervalles réguliers pour prendre connaissance des mondes rencontrés et de leur culture.

Djenmet Akhemas avait de fait fatalement trouvée le temps relativement long. Faisant quotidiennement le tour de la flotte, elle essaye tant bien que mal de diriger à distance l'administration impériale. Les officiels, bien décidés à lui imposer du repos, cessèrent après quelques temps de lui répondre et se contentèrent d'envoyer des simples rapports toute les 24h. Constatant dès-lors que, petit 1 l'administration faisait un travail respectable et que, petit 2, le pays ne s'effondra pas instantanément après son départ, la reine-prêtresse accepta de lâcher prise le temps du voyage.

Elle profita du temps ainsi libéré pour en apprendre plus sur la culture Angusü et sur leur dirigeant, constatant avec un mélange de surprise et d'amusement que ce dernier avait prit le pouvoir dans des conditions somme toute relativement similaire à celles de sa propre intronisation. Quoi-que. Si le régime Menphèbe pouvait être qualifié de totalitaire, celui du commandant Skriff était plutôt tirer de l'Autoritarisme. Ce constat passé, elle fit en sorte d'apprendre leur langue.

Et puis enfin ils arrivèrent au dessus de Gusü, et l'impératrice sortit instantanément de son ennui las, redevenant une figure charismatique de pouvoir, d'autorité et d'énergie en trop.

...

La flotte s'était stabilisée en orbite de Liberty, attendant patiemment de recevoir les autorisations nécessaire pour libérer la navette officielle de la leadeuse Akhenatide. Lorsque ce fut fait, le hangar ventral du vaisseau président le cortège s'ouvrit, et l'engin impérial en émergea, accompagné de huit chasseurs aux formes effilées.

Prenant le temps de descendre, ils contournèrent la ville lors de leur passage dans la haute atmosphère et redescendirent jusqu'au tarmac leur étant attribué en suivant une courbe gracieuse.

Les chasseurs se posèrent en premier, formant une sorte de grand V sur la surface plane de l'astroport, puis la navette prit gracieusement place au centre de leur formation. Il se passa quelques secondes durant lesquelles rien ne bougea plus, si ce n'était les ailes de la navette qui se replièrent, puis une porte s'ouvrit à l'avant de cette dernière.

Huit prêtresse, habillées de longues robes rouges striées de noir, sortirent en première, tournant doucement sur elles-mêmes tout en allant former un rang d'honneur. Elles posèrent toutes un genou à terre, penchant la tête en avant. Chacune d'entre-elles tenait une torche dans sa main droite. Quant ce fut fait, Djenmet Akhemas posa pied à terre. Au sens propre puisqu'elle ne portait pas de chaussure.

Bien qu'appartenant clairement à la même race que les prêtresses, la jeune femme dégageait quelque-chose de très... Différent. Une puissance presque animale, mélange surprenant de charisme, de malice instinctive et de culture ancestrale, émanait d'elle. En bref, elle semblait bien supérieure à ses congénères. Pourtant, elle n'avait à priori pas grand chose d’impressionnant. Pas particulièrement grande, d'un joli teint de peau, elle portait malgré le froid relatif une simple robe couleur vert impérial, s’arrêtant un peu en dessous des épaules et une élégante coiffe de pierre polie, couleurs orange et bleu, terne, embellies par quelques gemmes rouges, globuleuses, placées de manière asymétrique et lui donnant un côté un peu alien. Pour parfaire le costume, Djenmet portait un élégant collier ras du cou qui retombait en parti sur ses épaules et son torse ainsi qu'un nombre impressionnant de bracelet, aux poignets. Il était à noter que le tout était étonnamment sobre, et de fait harmonieux.

Malgré tout, le plus impressionnant restait son visage. Il était d'une beauté très franchement singulière. Enfin, la prêtresse en elle-même était d'une beauté rare et particulièrement, mais son visage était un peu comme la preuve incarnée qu'elle n'était pas exactement du même sang que le commun des Akhanide.

Son visage, donc, avait une forme globalement triangulaire, avec des traits très fins, nobles. Tout les éléments le composant semblaient placés au mieux possible et ce même si ses traits conservaient quelque-chose de farouchement animal. Enfin, son regard était particulièrement perçant, et une étincelle étrange y brillait.

Elle marchait sans se presser. Les prêtresses se relevaient une par une sur son passage. Lorsqu'elle arriva au bout du rang d'honneur, elle fixa le commandant Skriff, le considérant de bas en haut et soudainement, sans préavis aucun, écarta les bras et l'enlaça, comme le voulait sa culture. Lorsqu'elle le relâcha, elle recula d'un pas. Les prêtresses formaient désormais petit arc de cercle derrière elle.

"Commandant Skriff. Je suis sincèrement ravis d'enfin vous rencontrer en personne, votre capitale est d'une beauté rare."

Si son large sourire de chat lui donnait un air un peu prédateur, il cachait en fait une réflexion relativement singulière:

"Ils ressemblent donc tous à des grosses mangoustes. C'est absolument adorable".

Skriff hâta le pas tandis que ses chargés de communication multipliaient les appels sur son dispositif de conversation à distance. Il ne leur répondait pas, jugeant que cela lui ferait perdre assez de temps comme ça. Il avait dû presser son organisation pour que les Angusü s'occupant de mettre en parfait état le lieu où serait accueillie l'impératrice, celui-ci n'étant pas préparé à la recevoir aujourd'hui. En effet, les calculs des scientifiques de la civilisation avaient été légèrement faussés d'un cycle, ce qui fit qu'au final, le voyage fut un peu plus court que prévu. Skriff, qui n'attendait pas si tôt la chef des Akhanides, ne s'en plaignait pas vraiment, ce jour-là étant au final pas plus mauvais qu'un autre ; cependant, le fait étant qu'ils n'étaient pas vraiment parés à la recevoir et que par conséquent, ils durent accélérer. Bien heureusement, tout fut en état et prêt à l'heure.

Skriff, lui, cependant, ne l'était pas. Les Angusü ne disposant pas vraiment de moyens de transports autres que des vaisseaux spatiaux et le centre de commandement se trouvant à environ deux kilomètres de là où le spatioport était, ce fut à quatre pattes que le Commandant dût se rendre sur le lieu, allant le plus vite qu'il pouvait, slalomant entre ses employés et les colonnes censées supporter le poids des bâtiments administratifs par lesquels il était forcé de passer pour atteindre le point de rendez-vous. Il arriva finalement devant l'endroit où ses lieutenants principaux l'attendaient, pile à l'heure : les vaisseaux commençant à descendre un à un, formant un cortège soigné et appliqué. L'un de ses lieutenants, Stroms, se pencha, murmura :

"Où étiez-vous, Commandant ?

- J'ai eu quelques problèmes familiaux, on va dire. Ma femme est une personne adorable mais elle déteste que je la réveille trop tôt un 3ème jour..."

Les semaines comptant dix jours chez les Angusü, le troisième jour était un jour de repos pour les chefs administratifs. Pour le couple Okisei compris, donc. Sauf pour Skriff, qui ne connaissait jamais de repos et ne s'en plaignait pas, au contraire de sa bien-aimée. Malheureusement pour lui, elle avait la sale manie d'haïr être réveillée ce seul jour où elle pouvait faire la grasse matinée comme à l'époque où elle était encore princesse chez les Eridans. Ses oreilles sifflaient encore.

Enfin.

Le cortège se posa et l'impératrice en sortit. En rang face au vaisseau principal, Skriff au centre, les cinq représentants Angusü virent l'impératrice sortir, accompagnée de huit prêtresses décrivant une entrée remarquable. Le Commandant avait cependant posé son regard sur la fameuse Djenmet Akhemas qui, jusque là, ne lui était apparue qu'au travers d'hologrammes à l'Assemblée Galactique. Il était à la fois impressionné et rendu curieux. Il s'agissait là de sa première rencontre officielle d'une personne venant d'un Secteur extérieur, et encore plus directement sur leur planète natale. Naturellement, la population toute entière était plus anxieuse quant à cette rencontre, et bien que Skriff se soit arrangée pour qu'elle ne soit peu ou pas médiatisée, ils attendaient tous le bilan que cela donnerait avec une impatience mêlée à une grande curiosité, qui, une fois de plus, était un trait majeur de la race Angusü.

Quelle ne fut pas sa surprise devant l'enlaçade qu'elle lui adressa. Au début, Skriff crut qu'elle lui sautait dessus, mais réalisant qu'il ne s'agissait là que d'un salut, ordonna d'un seul regard à ses lieutenants surpris de ne rien faire, si bien que l'impératrice ne réalisa pas qu'elle aurait été arrachée du représentant une seconde plus tard, par une réaction défensive d'un autre, s'il ne l'avait pas fait. Un incident diplomatique évité. Ce fut donc avec un grand sourire et une révérence que le Commandant Angusü qu'il accueillit les compliments reçus, qui lui arrivèrent droit au coeur.

"Merci bien. Les Angusü vous remercient de nous honorer de votre présence aujourd'hui. Enchanté de faire enfin votre rencontre en personne."

Il montra les lieutenants qui l'accompagnait d'un signe de main.

"Voici mes associés, ils nous accompagneront durant le trajet jusqu'au lieu que nous vous avons réservé pour la durée de la visite, si vous acceptez de vous y installer temporairement, bien sûr. Mes équipes s'occuperont de ravitailler vos vaisseaux en carburant, si nécessaire. Considérez cela comme un cadeau de bienvenue."

"Rester quelques jours sur votre monde ? Peu de choses sauraient me rendre plus joyeuse."

"Tant que j'y pense, j'ai aussi un cadeau pour vous. Trois fois rien, juste un bibelot pour la crémaillère."

"C'est du cuivre, principalement. Elle fait presque cinquante-six mètres de haut. Je voulais faire plus grand, à l'origine, mais nos destroyers n'auraient pas été assez spacieux pour la transporter en un seul morceau. Enfin bref, qu'importe. Mes hommes la déposeront selon votre bon vouloir."

"Merci beaucoup, c'est un honneur de recevoir ce présent. Je vais m'arranger avec mes hommes pour que cela puisse être fait dans les plus brefs délais."

"Bien, si vous voulez bien me suivre... Ce n'est pas à très loin, à deux pas d'ici. Vous aurez l'occasion de voir un peu la ville sur le chemin."