Cette phrase résonnait dans sa tête. Il l'avait apprise jeune et depuis elle le suivait tel un mantra, une litanie se répétant inlassablement. Il venait de mettre la dernière touche à son rapport. Il coupa la liaison holographique et la luminosité baissa dans l'antichambre.

Il resta quelques minutes assis en tailleur par terre. Le regard perdu dans le vague, accrochant de ci de là quelques détails des bas reliefs. Ses yeux scrutant l'obscurité partielle du lieu, simplement éclairé de trois spots diffusant leur lumière diaphane.

Il aimait ce lieu. Paisible, solitaire, dans un endroit reculé de la Galaxie. Un monde entièrement désertique, déserté de sa propre population, un monde vide de vie pensante, laissé à son évolution et à sa nature. Un monde ayant vu grandir son peuple.

Il y a avait ici les traces de leur passage. De gigantesques mausolées, des restes de civilisation parsemait certains endroits mais cela était tout, l'histoire de ce monde appartenait au passé. Son peuple s'était développé ici avant de sombrer dans le déclin, de migrer vers un autre monde, de s'y développer, d'y être mit en esclavage pour ensuite gagner sa liberté et en être là où il était aujourd'hui.

Il se leva. Il regarda de nouveau les parois et se mit à lire les glyphes inscrits. La sagesse des anciens y était inscrite et il se devait de la mériter, de s'en imprégner et de s'y conformer. Ce language, il avait eut la chance de pouvoir l'apprendre avec un de ses professeurs, qui avait dispensé son savoir à une vingtaine d'élèves.

Les bas reliefs, les sculptures, les peintures, tout exhalait la vie et l'harmonie. La vie après la mort, le contact avec les dieux anciens et les croyances d'alors étaient consignés sur ces parois. Et cette litanie également.

Ces mots résonnèrent dans l'antichambre, produisant un effet sentencieux, presque dramatique. Le reste de l'inscription complétait la phrase.

Suno se remémora cela et acquiesça doucement. Il jeta un dernier coup d'oeil à l'antichambre puis pianota sur son bracelet. Les lumières s'éteignirent et il disparut dans une lueur azurée.

Suno était assis par terre, regardant les murs et les colonnes allant se noyer dans les hauteurs. Il n'était pas dans la structure monumentale mais dehors, au coeur de l'ancien temple.

La chaleur y était infernale, son capteur indiquant plus de 65° à l'ombre. Il ne préférait pas savoir quelle était celle où il se trouvait.

Il lisait. Il avait passé les deux derniers jours ici, à lire, à méditer. Son coeur lourd, empreint de mélancolie. Il ne savait pas s'il devait rester ici ou encore repartir.

Il entendait ces voix. Il entendait leurs cris, leurs appels au secours mais ne pouvait rien y changer. Ne savait comment remédier à cela. Les anciens disent que c'est une étape.

Il rejetta sa tête en arrière, venant frapper le mur derrière lui. Il se retourna pour voir s'il n'avait rien dégrader. Il secoua la tête, maudissant sa bêtise. Ces murs étaient là depuis des milliers et des milliers d'années. Et seraient encore là pour longtemps.

Il observa les couleurs châtoyantes. Les rouges sanglantes, les bleus lapis, toutes ces couleurs se mariaient avec une parfaite harmonie. Le roi d'alors recevait son pouvoir du dieu souverain. Ce dernier lui donnant les clés de la vie et de la justice afin de les garantir à son peuple. Il était un guide écouté.

La phrase se terminait ici.

Il termina la phrase de lui même.

Il souffla un grand coup et se releva. Il se dirigea plus en avant dans le temple. Vers le naos, la demeure du dieu.

Cela faisait plusieurs jours qu'il était prostré ainsi dans le naos du temple. Il observait les écrits s'étalant sur les murs, les colonnes, le plafond et les statues.

Il s'imprégnait des paroles des anciens et tentait d'en saisir le sens profond. La lecture primaire ne comptait pas, le sens secondaire importait beaucoup plus.

Les voix intérieures se calmaient à mesure qu'il s'en imprégnait. Cette épreuve il ne pensait pas la subir aussi tôt. Certains Alphas passaient leur vie sans la subir, la plupart la subissait à un âge plus avancé, certains bien plus jeunes que lui mais ceux-ci étaient rares.

Les voix ne s'agitaient plus, elles semblaient domptées. Les sages des temps passés les avaient interprétées comme des réminisences de la conscience collective de leur peuple.

Il fallait, à celui qui les entendait, trouver la paix intérieure. La méditation et l'étude des textes anciens aidaient en cela. C'était même nécessaire. Certains l'interprêtait comme un moyen d'atteindre une certaine forme de sagesse.

Il est vrai que parmis les plus grands sages, il en était qui avaient passé cette épreuve et en avaient retiré un enseignement plus grand encore.

Son bracelet grésilla et la figure d'Ilan apparut.

Suno fronça les sourcils. Le Conseiller Duka? Que lui voulait-il? Il soupira et se leva.

L'image du Conseiller apparut.

Il s'inclina en disant cela.

Il s'éclaircit la gorge et reprit la parole d'un ton sentancieux.

Suno écarquilla les yeux. Une nomination? Lui? Mais qui était donc mort?

L'énarque Zuyan nous a quitté il y a de cela 3 jours. Le Conseil a jugé que vous aviez les capacités nécessaires afin de lui succéder.

Suno s'inclina devant le Conseiller.

C'est un grand honneur pour moi. Je tâcherais de me montrer digne de la confiance que le Conseil a mit en ma personne.

Il s'inclina légèrement également.

La communication se coupa. Suno se retrouva alors plongé dans le silence du naos. Il s'y trouva noyé. Les voix s'étaient tues... Puis un murmure arriva, s'amplifiant, augmentant jusqu'à devenir un brouhaha insoutenable. Suno se prit la tête et tomba à genoux devnt un bas relief.

Ses yeux rencontrèrent la maxime gravée et il se concentra dessus.

Cette phrase revenait en boucle dans la tête de Suno. Il était tombé à genoux et en relevant la tête, il avait lu cette phrase. Il en comprenait le sens profond sans avoir à le rechercher.

Il l'avait compris instantanément. Il savait désormais.

Il se releva, chancelant. Les voix résonnaient en lui mais cette fois ci elles étaient distinctes. Il les comprenait. Il ferma les yeux, respirant profondément. Se répétant la phrase telle une litanie.

Il ouvrit les yeux, prêt à en découdre. Il sortit du Naos du temple, ressortit en pleine lumière.

Les vents balayaient le désert avec une force inouïe. Il n'en avait cure, son vêtement volait au vent, clauqant son visage et son corps.

Il écarta les bras, ferma les yeux et leva la tête vers le ciel. Il se mit alors à psalmodier dans la tempête, sa voix se répétant en écho dans la tourmente.