Chrysalide s’arrêta brusquement en bloquant l’allant du dictateur.

"Vous disséquer ? Allons, pas quant j'en apprend plus de votre bouche."

"Et bien, enfin tranquille. Cette jeune femme est admirable d'intelligence, de pureté idéologique et de fidélité, mais je pense qu'elle n'a pas sa place dans une discussion entre chef d'état. D'autant plus qu'elle se méfie beaucoup de vous, comme vous l'avez sans doute remarquée."

"Vous avez sans doute de nombreuses questions à poser, et je vous ai déjà suffisamment interrogé, pour le moment. Aussi je vous en prie: Si vous avez la moindre question, même qui pourrait vous sembler, disons, saugrenu, n'hésitez pas."

"En effet, le cuisinier s'est surpassé."

Wahou ! Excusez-moi si je vous massacre le bras, mais tout cela est nouveau pour moi… Je suis comme une petite fille à la fête foraine ! J’ai un peu peur et à la fois, je suis toute excitée !

Que dire ?

Chrysalide s’aperçut de la disparition de l’asiatique après avoir servi le vin. Sa moue haineuse était limpide. Elle n’avait pas beaucoup d’empathie avec le peuple Morphe… et il était à parier que son Dirigeant non plus.

Magnifique ! Enfin, je veux dire magnifique d’efficacité, pas vraiment du point de vue artistique.

Elle prit son courage à deux mains après avoir dégluti :

« Et bien, vous me donnez sujet à parler pour des heures entières. Enfin, je vais essayer de vous répondre en peu de mot. »

« La fondation du Dominium prit un certain temps. Un temps composé en immense majorité de guerre malheureuse, même si leur résultat final correspond à mon plus grand succès à ce jour. Ces guerres avaient pour acteurs un certain nombre de nation, dont celle que je dirigeait à l'époque. Leurs noms n'ont aucune importance : Désormais, tous sont du Dominium. »

« Les tensions politiques étaient à leurs combles, à l'époque. Il n'était pas question de ressource ou de territoire, mais d'idéologie. Certains prônaient, par exemple, l'état providence et l'égalité parfaite. D'autres encore, croyaient en l'illusion d'un gouvernement collégial, impliquant chaque citoyen. Le Parti, qui régnait à l'époque sur une puissante nation, croyait à la logique et au pragmatisme. Il faut que l'homme soit libre, puisque c'est ainsi qu'il est heureux, et qu'un état a pour objectif d'assurer le bonheur de ses citoyens.

Cependant, l'homme est majoritairement stupide et mauvais, s'il n'est pas convenablement élevé, et il fallait le rééduquer entièrement pour le rendre plus sage. L'homme ne devait ainsi pas profiter du moindre pouvoir politique, à moins d'être formé et compétent. Jusque-là, j'imagine que vous suivez mon raisonnement. »

« Nous étions contre les discriminations dépourvues de sens, pour la liberté de créer, de penser, d’innover, et pour le respect de l’État, puisqu'il est le garant suprême du bonheur individuel. Certains de nos voisins, incapables de comprendre notre logique pourtant parfaite, ont accumulés les affronts, pensants que leurs multiples alliances les protégeraient. Le Parti avait aussi ses alliés. Quoi qu'il en soit, les affronts courroucèrent le peuple, et nous fument forcés de partir en guerre. Ces guerres, elles furent sanglantes mais courtes. En quelques années, nos ennemis étaient écrasés, les autres furent obligés de se plier à notre logique. La paix, cependant, ne convenait pas à tout nos alliés. Certains d'entre-eux, alliés plus de circonstances que d'idéologie, étaient en effet de véritables tyrans avides de conquête, et ils fallut libérer leur population. Ce fut néanmoins bénéfique, puisque cela fit du Parti la première puissance mondiale. Dès-lors, il fut simple de rallier à notre logique implacable les nations plus faibles, et d'unir Kaiserde sous un même état, abolissant les frontières, les discriminations et la dictature des sentiments illogiques et des faibles.»

« Ainsi, le Dominium de Kaiserde fut fondé. Le terme "Dominium" désigne les possessions de notre monde d'origine, car nos autres planètes sont soit des colonies habitées par des humains originaires de Kaiserde, soit des mondes à l'idéologie malade, fort heureusement éclairés par les lumières de notre pureté intellectuelle et, oserais-je le dire ? Raciale. En effet, le monde unifié, il fut beaucoup plus simple de régler certains menus problèmes tels que les maladies génétiques transmissibles et autres équivalents. Un malade mental est, par définition, un poids mort pour la société et pour lui-même. Tout les malades furent donc castrés chimiquement, pour éviter la transmission des gênes pathologiques. Les enfants venant au monde avec des malformations sont quant à eux euthanasiés, s'il n'est pas possible de les soigner. Cependant, nous sommes formellement opposé à l'amélioration génétique, qui apporte d'autres problèmes. Cette parenthèse terminée, je pense que nous pouvons conclure la partie historique. Je vous ai passé un certain nombre d'événement, telle que la révolution des machines qui frappa notre empire ou encore nos premiers contacts avec des aliens. Ils sont sans importances. »

« Désormais, il est temps de répondre à votre question quand à notre « sensibilité » envers les aliens et autres imparfaits. Je pense que notre histoire a déjà due vous apporter un certain nombre d'élément de réponse. Cependant c'est une théorie assez complexe. »

« Très bien, hm, comment commencer proprement... Partons du postulat suivant : L'espace est une jungle sauvage, chaque nation est une communauté de prédateur ayant pour objectif sa propre survie. Les alliances et amitiés ont toujours pour objectif assumé ou non d'améliorer les chances de survie de la race. Les actes culturels pouvant mettre en danger l'existence de la race, tel que l'honneur irraisonné, l'agressivité ou encore le pacifisme exacerbé sont des erreurs illogiques liées à une idéologie malade.

Il faut ensuite prendre en compte le fait que les races et nations ne sont pas égales entres-elles. Les races et nations plus faibles, évidemment, prônerons l'égalité légale, à défaut de l'égalité de fait, car en nivelant vers le bas le potentiel des forts, ils augmentent leur chance de survie.

Les faibles sont donc, par défaut, l'ennemi des forts, qui doivent dès lors en faire des outils pour gagner en puissance et s'élever au dessus des autres forts. Sans cela, il ne peut régner qu'un équilibre de la terreur malsain qui, inévitablement, mènera à terme à une guerre violente. Si les forts sont encore à égalité au moment ou cette guerre éclatera, alors ils s’éteindront.

Enfin, le Dominium a réussit à s'assurer une certaine pureté tant génétique qu'idéologique. Nos idées sont pures, pragmatiques, notre peuple heureux, en bonne santé. Les aliens, eux, n'ont pour la plus-part ni de pureté idéologique, ni de pureté génétique. Ils sont des représentants du sentimentalisme éhontés, et risquent de contaminer les esprits les plus faibles de leurs pensé fausse et malade. De plus, du fait même de leur idéologique malsaine, leur existence à moins de valeur que celle d'un habitant du Dominium: Par exemple, à vôtre avis, une race dont les individus sont malades et inégaux produira-elle de plus belles œuvres et en plus grand nombre qu'une union de bonheur, d'élévation intellectuelle et de santé ? J'en doute. Leur façon de voir les choses ne peut à terme, pour des raisons que je ne pourrais pas pleinement expliquer ici sous peine d'y passer la nuit, pas apporter autant de bonheur et de beauté que celle d'un habitant du Dominium.

De fait, ils sont, au mieux, des êtres qu'il faudra convertir à l'idéologie du Dominium et soumettre à son gouvernement, puisque cette idéologie doit être une et indivisible et que le Parti est le seul garant potable de son existence ou, au pire, exterminé en tant que parasite. Ce dernier choix peut sembler cruel mais il est au final logique : Un peuple qui apporte moins de beauté et de bonheur que le Dominium a moins de légitimité à exister et à occuper les mêmes espaces que lui. C'est au final comme remplacer une machine défectueuse par une machine flambant neuve à la production bien plus élevée: Un choix logique.

Cependant, et fort heureusement pour vous, l'espace est suffisamment vaste pour que la perfection et la maladie cohabitent. De loin. De fait, l'idéologie du Dominium tolère les étrangers et les idéologies malades, puisque l'espace est infini et que, de fait, le malheur induit par leur imperfection ne touche en aucun cas les habitants du Dominium. »

« Ces réponses vous conviennent-elles ? »

« Ces réponses vous conviennent-elles ? »

Elle avait été tenté pendant un instant fugace de se délester de sa « carapace » comme il disait, mais son apparence aurait pu lui suggérer qu’il avait raison que les Morphes étaient une « sous-race ». Effectivement, si elle n’avait pas de chevelure et si ses pieds et ses mains étaient encore en convalescence, si ses yeux ressentaient toujours de la souffrance à la lumière ambiante, Chrysalide était incontestablement humaine.

Chrysalide se leva et alla se poster devant le tableau qu’Hismer avait caressé d’un doigt quelques instants auparavant.

"Vous haïr ? Qui parle de haine ? Nous vous ignorons, tout au plus. Et quand nous sommes confrontés aux vôtres, en général, nous ressentons une certaine pitié."

"Permettez, je vais répondre à chacun des points que vous avez soulevé. Premièrement: Vous êtes humains, et grand bien vous fasse: L'humain est parmi les races les plus adaptables de la galaxie, ce qui est sa plus grande force et, d'une certaine manière, sa plus grande faiblesse. Vous avez évolué pour survivre. Dans cadre de ce qui vous est arrivé, c'est une force. Maintenant, si nous vous comparons à, disons, des humains du Dominium, vous êtes sans aucun doute inférieurs. Vous avez, comme vous l'avez si justement fait remarquer, payer le prix. Le fait que vous puissiez re-évoluer vers une forme plus saine est une excellente nouvelle, mais elle n'enlève rien à cet état de fait présent, à mon humble avis."

"Votre art, quant à lui, est d'une certaine beauté. Enfin, sans aller jusqu'à dire que les tribus les plus primitives produisaient aussi de remarquables œuvres, je me permettrais le constat suivant: Votre corps est faible, votre esprit non. Soit. D'autres dégénérés auraient évolués de manière différente: Leur esprit aurait été affaiblit, leur corps serait resté puissant. Comprenez cependant qu'un homme saint est et reste supérieur. Mes ingénieurs pourraient sans doute créer des œuvres technologiques à l'image de votre armure s'ils le désiraient. Contrairement à vous, cependant, notre corps n'en nécessite pas. Enfin, je reconnais à votre peuple une habilité certaine. Les malades idéologiques ne sont pas stupides, du moins pas tout le temps, et généralement ce n'est pas lié à leur idéologie. Il s'agit plutôt du contraire. Enfin bref, ils sont pas malades, donc. Simplement dans l'erreur. Parfois partiellement, parfois totalement."

"Enfin, ce que vous dites sur le pacifisme... Hm, ne confondons pas tout. Le pacifisme tel que je le désignais correspondait à la doctrine stupide et fausse stipulant que tous pourraient vivre dans la paix, sans arme. La force, bien malheureusement plus que la sagesse, assure la sécurité, et ce car il y aura toujours des prédateurs et que, de plus, dans un monde ou tous seraient désarmés, le premier fusil donnerait le pouvoir absolut à qui serait assez malin pour le brandir. Le pacifisme, soit l'absence volontaire de force dans le but spécifique de ne pas blesser autrui, est une faiblesse indéniable. Quand je parle de pacifisme, je ne parle pas d'être assez sage pour éviter les guerres inutiles et cesser celles qui n'ont que trop durer. Je parle bien de se refuser à toute idée de guerre pour des raisons idéologiques. D'ailleurs, vous noterez bien que nous considérons les comportement bellicistes comme au moins aussi dégénérés et malades que les pacifistes."

"Enfin, quant à votre dernier point... Détrompez-vous. Nous aimerions pouvoir vivre sans avoir à vous considérer autrement que pour vous apprendre nos doctrines. Il s'agit là de simple bienséance. Cependant, la force des choses et la mécanique même de la diplomatie galactique font que, bon grès mal grès, le Dominium vous considère. Et à en juger par vos actions, vous êtes idéologiquement malades. Mais des malades de valeurs. Votre génétique n'est pas pure, même si elle se soigne, votre mentalité n'est pas non-plus arrivée à maturité pragmatique, cependant vous démontrez une intelligence relative et une capacité à ne pas commettre d'impair stupide.

Nous ne vous haïssons pas. Nous voulons vous aider à vous élever et, à défaut de pouvoir le faire, vous apprécions relativement comme des êtres intelligents.

Il n'est pas tant question de savoir qui nous est inférieur. La seule chose qui importe, c'est de savoir qui serait près à nous rejoindre, et qui voudrait nous exterminer.

De fait, nous survivrons indéniablement.

Et vous, Chrysalide, ne trouvez-vous pas dangereux de débattre avec le moteur même d'une idéologie si parfaite qu'elle vous échappe ? Je comprend que, comme tout les autres, notre logique pourtant sans faille vous soit difficilement compréhensible. Vous êtes comme un jeune religieux aveuglé par la lumière d'une vérité supérieure.

La question est désormais la suivante: Nous haïssez-nous ? Et si oui, est-ce pour ce que nous sommes, où pour ce que vous pensez que nous sommes ?"

"Votre visite fut aussi plaisante qu'inopinée. En apprendre un peu plus sur les vôtres fut un réel plaisir. Je vais désormais vous laisser. Vous pourrez rester ici où sur notre autres mondes autant de temps que vous le voudrez: Vous êtes désormais une invitée, pour le Dominium."