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Dette de mémoire

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Cdt. Nous
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12/02/1017 ETU 19:16
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C'était une manœuvre de colonisation assez peu classique qui avait amené des milliards de corps insectoïdes petits et grands de Nous en Système 5. Assez peu classique en réalité pour mériter son propre récit, mais ce ne sera pas pour cette fois. En réalité, depuis qu'il était arrivé dans le système, lui ne voyait qu'un seul monde parmi les nombreuses planètes qui se trouvaient là.
Ce monde n'était pas le plus grand. Ce monde n'était pas le plus beau, ou du moins ne l'était plus. Ce monde n'était pas le plus actif ou le plus peuplé. Mais il inspirait de puissantes émotions à la créature aux millions de milliards de corps.
Il avait fugacement été le siège du plus beau projet de la galaxie, du plus bon. Ce monde abritait sur sa surface des milliers d'espèces intelligentes de la galaxie entière qui pendant un bref instant avaient vécu en harmonie. Là bas, on avait appelé cette période les temps de La Culture.
Tout cela par la grâce d'un.e seul.e humain.e : L'Égémon Eudes.
L'Égémon avait assiégé de l'intérieur un système de castes pour le transformer en utopie, avait pacifiquement pris le pouvoir pour le retourner aux foules, avait aboli le travail, avait aboli l'argent, avait aboli la haine et la peur, avait anéanti, se dressant en général.e inébranlable, la douleur dans le cœur de tous ses citoyens, et exterminé la mort.
Nous l'avait rencontré.e alors. La puissance de son regard, l'intelligence dans chaque mouvement et chaque parole. El était un.e Saint.e des anciens temps, une muraille et un phare pour son peuple.
D'une générosité désintéressée, Eudes avait donné à Nous de l'espoir pour le système, le secteur, pour la galaxie. El avait été un modèle.
L'Égémon avait tout de suite proposé à Nous de lui ingénieurer une série de corps permanents, et Nous avait immédiatement envoyé sur Kosmopolis tout le matériel génétique dont il disposait. Alors l'entité multiple avait offert à La Culture une seconde planète, et le contact ne fut alors plus rompu.
Mais l'utopie finit bientôt, quand flibustiers et manipulateurs avaient vu dans les foules de Kosmopolis un gibier désarmé duquel revendre la peau. Et l'Égémon, trop bon.ne peut être pour cette réalité avait été assassiné.e.
Les images que la caméra de son bureau avaient livrées étaient édifiantes :
Le putsch était déjà bien entamé, et tout était perdu, mais l'Égémon était resté à son bureau, préparant mesures et arrêtés permettant une transition plus douce pour le peuple de Kosmopolis, même si celles-ci ne seraient jamais appliquées.
Alors les frondeurs armés étaient rentrés dans son bureau. Ils étaient cinq : trois pirates de l'espace et deux Kosmopolitains, anciens contrebandiers, installés là depuis longtemps. Ils avaient été à la tête du coup d'état.
Eudes ne s'était pas levé. Il avait redressé la tête et braqué ses yeux d'aigle sur l'un des deux, qu'il reconnaissait.
"Enfin. Je finissait par croire que vous n'arriveriez jamais."
"Eh bien, c'est tout ?" Répondit l'autre.
Et les yeux d'aigles de l'Égémon restèrent braqués sur lui.
"Oui. C'est tout. Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous avez détruit, et j'espère que vous ne le réaliserez jamais, car il vous faudrait l'éternité ensuite pour vous sortir de la désolation qui s'abattrait alors sur votre coeur. Maintenant allez-y, tuez-moi. Je n'ai plus rien à défendre de toute façon."
On pouvait sentir à travers la bande holographique la puissance avec laquelle le simple mais ravageur regard de l'Égémon détruisait toute certitude et toute véléité chez l'homme. Au bout de quatorze longues secondes, un des autres meugla :
"... Putain, Beron !"
Et son arme à lui cracha un laser.
Le corps de l'Égémon s’affalait alors légèrement contre le dossier de sa chaise, et restait là.
L'enregistrement se coupait alors que les voix des cinq hommes s'élevaient de concert, violement.
Alors Nous avais séparé un gros contingent de ses troupes, et l'avait dirigé vers la planète. L'Égémon avait été son Ami.e., et sa mémoire se devait d'être honorée. Sa mort remontait maintenant à bien longtemps, et personne d'autre s'en était soucié, et Nous lui même avait lentement oublié qu'il pouvait déterrer le rêve à défaut de déterrer le corps, jusqu'à ce qu'il revoie le rêve se refléter dans l'atmosphère verte de Kosmopolis. Il reprendrait la planète, et la rendrait à ses habitants, comme l'Égémon l'avait fait. Il les protégerait de tous maux, comme cela aurait dû se passer. Il n'enverrait pas ses scarabées tout dévorer, il les enverrait reconstruire et magnifier le rêve.
Il le devait.

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