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Les déboires communicatifs de Ruby

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Cdt. Olhorìn
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17/03/1017 ETU 12:45
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L'effervescence régnait dans le studio d'enregistrement.
Pour cause de décès brutal et prématuré de la quasi totalité de la population, le personnel le plus hétéroclite s'était acharné à tout remettre en fonction. On trouvait ainsi un cuisinier à la régie, un pompiste derrière une caméra, un teinturier aux réglages des couleurs... Ce dernier avait d'ailleurs eu beau protester que son ancien métier ne le qualifiait par pour autant à l'étalonnage colorimétrique d'une transmission holographique, ses réfutations n'avait point été entendues.
Après de longues heures à tout remettre en place, à faire des bouts d'essai, à se tromper souvent, à s'engueuler, à tenter d'éviter sans grand succès des bagarres inutiles, tout était enfin prêt.
Ne manquait plus que le principal : la commandante Olorìn.
Et tout le monde attendait. Depuis un bon moment maintenant.
Elle finit enfin par franchir la porte.
Elle avait revêtu pour l'occasion une robe longue magnifique, qui épousait parfaitement ses formes, mais n'en dévoilait aucune à des regards qui eussent pu être indiscrets. Elle réussissait parfaitement l'alliance entre une tenue sobre et élégante.
Ruby avait relevé ses longs cheveux rouges et les avaient noués en un chignon parfait, qui lui donnait un petit air dur, adouci toutefois par l'éclat brillant de ses yeux mauves.
Tous la regardaient et le silence s'était fait presque instantanément. Le charme se brisa lorsqu'elle ouvrit la bouche.
"Quoi ? Qu'est-ce z'avez tous, à m'regarder comme ça ? Faut bien qu'j'fasse bonne impression, nan ? Pis au boulot, d'abord, j'vous paye pas pour bâiller aux corneilles."
Une toute petite voix dans le fond.
"Vous nous payez pas du tout, en fait..."
Ruby fit volte-face.
"J't'ai parfaitement entendu, t'sais. Et ça s'ra ret'nu sur l'salaire qu'j'te paierai jamais ! Et maintenant, bougez-vous !
- Tout est déjà prêt, Madame.
- Mademoiselle ! Bordel, t'es pas un nouveau v'nu, toi. T'as pas encore retenu ça ? Y a trois syllabes, c'est pourtant pas compliqué : Ma-De-Moi-Selle.
- Ça, ça fait quatre."
Ruby se tut un instant et compta mentalement. Elle répondit ensuite sans se démonter.
"Nan. Ça fait trois. La quatrième, c'est bonus. Pour trois achetées, t'as une syllabe gratuite... Et arrête de m'contrarier, j'aime pas ça. Bon, on peut lancer la communication ?"
Il y eut un nouveau silence gêné. Olorìn jeta un regard circonspect sur tout l'monde et finit par lever les yeux au ciel, les mains sur les hanches.
"Ooookay. Alors, c'est quoi l'problème ? Z'avez oublié les piles ?"
Des regards muets s'échangèrent, personne n'osant prendre la parole. Un technicien finit par se dévouer.
"Vous êtes arrivée légèrement en retard, Mada...Moiselle. Tous nos vaisseaux se sont fait détruire en arrivant sur place, nous n'avons plus la possibilité de communiquer à présent. Il faut attendre que les prochaines sondes arrivent sur place."
Ruby lâcha un soupir fatigué.
"Ouais. Rien d'nouveau sous l'soleil, quoi... Et elles arrivent quand les prochaines sondes ?
- Dans la soirée.
- Super. Comme si j'avais qu'ça à foutre... Bon, j'vais faire un tour, vérifiez une nouvelle fois votre matos, j'reviens quand les sondes s'ront sur place. A tout'."
Ainsi fut fait.
Et dans la soirée, Ruby revint et prit immédiatement sa place, prête à débuter l'enregistrement. Son chignon était un peu moins frais, mais elle restait pimpante. C'est alors qu'elle remarqua la mine défaite de ses collaborateurs.
"Quoi, encore ? Me dites pas ?...
- Si. La sonde a été détruite il y a juste quelques minutes.
- Mais, heu, merdeuu. Peuvent pas m'laisser un peu plus de temps, non ? Bande de barbares !!! Bon, et la prochaine sonde, elle arrive quand ?
- Dans la nuit.
- 'taiiiiin... J'reste sur place, dès qu'la sonde est là, on lance l'enregistrement... Tenez-vous prêt."
Et Ruby s'installa sur un siège, toute son attention prise par son futur discours. Face à elle, sur l'horloge murale, les minutes faisaient la course avec les heures. Elles venaient de gagner un quatrième tour sur leurs concurrentes, lorsque la commandante se leva.
"Bon, si j'ai bien tout calculé, les sondes devraient être là dans deux minutes. Tenez-vous prêts pour la transmission."
Il y eut une agitation fébrile tandis que tout le monde gagnait son poste. Et cela se fit sans heurts et avec une relative efficacité. Tout était en place et le préposé au décompte commença sa litanie.
"Arrivée des sondes dans quatre... Trois... Deux..."
Puis il fit un signe à Ruby qu'elle pouvait commencer son discours.
Elle débuta par une révérence polie et prit la parole d'une voix douce et posée.
"Bonjour à tous.
Vous n'ignorez sans doute pas qu'un drame a eu lieu..."
Les projecteurs se coupèrent et un technicien entra dans le champ, se tordant les mains.
"Il y a eu... Un petit problème.
- Ben accouche. Reste pas là à t'essorer les mains, elles sont même pas mouillées.
- Les sondes sont arrivées en galaxie 2."
Ruby resta un moment silencieuse, les yeux ronds.
"Le jour où Dieu m'tombe sous la main, faudra qu'on ait une petite conversation tous les deux... Prochaine sonde ?
- Demain matin.
- Ok. Tout l'monde reste sur le pont, j'vous veux frais et dispos pour la prochaine arrivée. J'reste ici aussi et on essaie d'aller jusqu'au bout cette fois..."
Et les préparatifs recommencèrent une nouvelle fois.
Et une longue veille débuta.
Ruby s'était installée sur une chaise, le menton appuyé sur la main à mesure que le sommeil la gagnait. Elle finit la main plantée dans son chignon, la nuque formant un angle bizarre avec son dos, la tête dans le vide, un filet de bave au bord des lèvres.
Un technicien finit par la réveiller.
"Mademoiselle Olorìn, la sonde est sur le point d'arriver."
Elle se réveilla en sursaut.
"Hein ? Quoi ? Qu... Ah oui, la sonde..." Elle se passa une main sur le visage, les yeux bouffis, grimaça en redressant la tête, la tourna d'un côté et de l'autre pour actionner son cou raidi et se traina devant l'objectif. Et le cirque recommença.
"Arrivée de la sonde dans quatre... Trois... Deux...
- Bonjour.
On a eu un problème dans notre galaxie et j'venais...
- Communication perdue !...
- Comment ça "Communication perdue" ? Qu'esse vous avez foutu comme bordel encore ? Vous l'faites exprès pour m'énerver, ou quoi ?
- Pas du tout, madame. C'est la...
- Mademoiselle !!! Merde ! C'est pas compliqué à la fin. Tu t'rompes encore une fois et j'repeins les murs avec ta cervelle. Vas-y essaie..."
Le technicien déglutit.
"Mademoiselle... C'est la sonde qui a été détruite dès son arrivée...
- C'est pas vrai... J'suis vraiment maudite... Fait chier. Bon, ben, on attend la suivante."
La suivante fut détruite par une météorite, puis une autre se perdit en route, une autre atterit en galaxie 1, deux autres furent détuite sitôt arrivées, une autre encore finit en galaxie 5, une fut détruite par les brigands...
Bref, lorsque la dix-septième sonde arriva à bon port, voici ce que les habitants de Catharsis purent voir.
Ruby était avachie sur une chaise, dans une magnifique robe de soirée froissée, le chignon légèrement de travers et son discours fut bref.
"Salut. J'vais vous la faire courte. Chez nous, gros boum, tout a cramé. Apprécierait 'achement d'être relogée chez vous. Bénéfice échange culturel, technologique et tout l'blabla. Soyez chics, quoi. Pis arrêtez votre tir au pigeon, s'rait sympa..."
Elle se tourna ensuite, vers une personne hors champ.
"Bon. C'est quoi qu'a foiré cette fois ? Une météorite s'est bouffé notre sonde ? Le Kraken est sorti de sa cage et a bouffé le caméraman ? Vas-y, sois franc, j'peux tout entendre...
- Non, elle est bonne. Le message a été transmis."
Il y eut un blanc dans la conversation tandis que l'information pénétrait le cerveau d'Olorìn. Elle se redressa alors légèrement face à la caméra, réalisant que l'image envoyée n'était pas tout à fait celle qu'elle voulait présenter, jeta un regard sur sa tenue, tenta de redresser son chignon, y renonça.
Puis fit un sourire radieux à l'objectif.
Sa belle voix, douce et grave, initia un "Bonjour, mes chers amis..." lorsque la communication fut coupée.
La dernière sonde venait d'être détruite.

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