L'Empereur Lorendoras faisait les cent pas... Il était toujours très nerveux lorsqu'il était question de s'exprimer publiquement sur les ondes de l'Assemblée Galactique. Le Grand Chambellan a ses côtés déversait un flot de paroles qu'il avait cessé d'écouter depuis au moins dix bonnes minutes. Cela faisait d'ailleurs plus d'une semaine qu'il n'avait pas mis les pieds dans son harem, preuve formelle que quelque chose de plus important que les femmes le tracassait. (et dieu sait si les femmes étaient importantes pour lui)

Le technicien lui fit signe que la retransmission était prête et n'attendait plus que les premiers mots de l'Empereur pour être retransmise sur les ondes de l'Assemblée. Lorendoras fit signe au grand chambellan de s'écarter, placa les mains derrière le dos, bomba le torse, et commença:

L'Empereur s'arrêta un instant, le regard perdu dans le vague, puis se pencha vers le Grand Chambellan qui se trouvait hors champ, à sa gauche, et lui chuchota:

Devant l'absence de réponse du chambellan, visiblement agacé par le manque de contenance de son Empereur, Lorendoras se racla la gorge et repris:

L'Empereur avait de plus en plus de mal à trouver de nouveaux termes à ajouter à sa liste. Il eut un long moment d'hésitation avant que le chambellan à ses côtés ne lui souffle quelques flateries à porter au crédit des Légionnaires.

Lorendoras secoua la tête et placa un instant sa main devant la bouche pour s'adresser discrètement au chambellan:

Affichant désormais un sourire diplomatique de rigueur, il ne pouvait réprimer les mouvements de ses mains, qui se tordaient d'angoisse.

Il y eut un instant de silence, comme si Lorendoras savait que les prochains mots qui sortiraient de sa bouche auraient une importance cruciale.

Le chambellan piaffait d'inquiétude, c'etait encore pire que prévu.

L'Empereur eut un rire forcé, la bouche grande ouverte, le temps pour lui de trouver un échappatoire. Puis repris un air de solennité, de rigueur dans cette situation.

Lorendoras s'arrêta net. Son cerveau bouillonait, et il prenait peu à peu conscience du burlesque de la situation. Cela ne pouvait plus durer.

Ses paroles résonnaient comme un coup de tonnerre. Le technicien comme le chambellan avaient sursautés.

Le visage de l'Empereur s'était empourpré, et il tendait désormais un doigt accusateur vers la caméra.

La retransmission stoppa. On entendit une mouche voler dans la salle. Perplexe, le grand Chambellan fixait son Empereur. Mais que lui était il donc passé par la tête ?

L'Empereur, de son côté, cachait mal son état de jubilation. Il s'applaudissait lui même, et sautillait sur place.

Lorendoras s'arrêta de sautiller, se tourna vers son chambellan et passa en quelques instants de rouge cramoisi, à un blanc livide. Il prenait enfin conscience des conséquences funestes qu'auraient probablement ses paroles.

Mais la pensée de son image dans les livres d'écoles "Empereur Lorendoras, martyr qui osa seul se dresser face à la toute puissance de la Légion, au péril de sa vie, et de celle de ses milliers d'administrés", le rassénéra.

Tout ça lui avait redonné l'envie de profiter de son harem.

Après tout, autant passer les quelques jours qui lui restaient de façon agréable.

Pas de vierges ??? Hurla le drone, qui en passant, n’était q’un prolongement de Sadea parmi tant d’autre…

Diable ! Comment pourront nous exécuter les rituels de sang ?

Bah, tant qu’il paie la taxe… Et puis elle son toute probablement trouée par ses soins Les vierge !

Non mais tout de même c’est un monde ça… Pfff. Même pas fichu d’envoyer les pucelles… Et puis bof, sa mère ? Non merci…

Le palais tremblait sous les bombes... A chaque secousse, l'Empereur Lorendoras riait de plus belle, une bouteille à la main, et portait un nouveau toast, à la beauté des femmes de son harem qui avaient préféré l'accompagner dans les dernières heures de l'Empire, ou même à la santé des nouveaux tyrans de Songe, car il fallait bien reconnaître les vainqueurs. Et Lorendoras riait de plus belle en pensant au très pieux Maximus découvrant le harem de l'Empereur et cédant probablement au pêché de la chaire, tout comme il avait succombé lui et ses pairs au pêché d'orgueil qui avaient fait d'eux les monstres qu'ils étaient devenus.

Mais la cave impériale serait bientot à cours. Lorendoras et ses multiples épouses avaient d'abord bu les bons crus, pour finir par la piquette des fonds de caves: ces derniers jours n'avaient été que ripaille et luxure. Aucun d'entre eux ne comprendrait lorsque la mort frapperait à la porte du palais impérial, bien trop saoul pour apprécier cette délivrance.

Ce qui devait arrivé arrivait finalement avec autant de régularité qu'un métronome. Comme prévu, le sanguinaire Maximus avait trouvé une bonne excuse en la dernière déclaration officielle de l'Empereur pour ioniser et asservir massivement les mondes de l'Empire de Kelm, le petit ilôt de bravoure qui avait refusé de se soumettre à la Légion.

Bientot, les deux planètes sur lesquelles se terraient encore les quelques officiels de l'Empire encore en vie, ne tarderaient pas à être remplacées par un champ de ruine après avoir été vitrifiées sans vergogne par les machines de mort de la Légion.

Bientot les communications seraient coupés entre l'Empire de Kelm et l'Assemblée Galactique. La voix de la résistance s'éteindrait comme l'on souffle la dernière bougie de l'espoir.

Bientot viendrait le tour des suivants, ceux qui avaient décidé de se soumettre pour mieux survivre, de boire les paroles mielleuses et rassurantes du Mal, mais dont les richesses attireraient tot ou tard la convoitise des cupides Légionnaires.

Bientôt, ils ne resteraient qu'eux. La Légion, seule, maître de Songe.

Mais l'Empire de Kelm, lui, resterait dans les mémoires pour avoir finalement refusé de cirer les bottes ferrées de la dictature. Tandis que les autres mourraient dans l'anonymat de la soumission.

‘Cher Empereur, si je n’ai point relevé votre remarquable intervention d’hier, c’est bien entendu parce que je m’attendais à un second discours….dans la même veine, du reste.

Je choisis donc de ne pas m'attarder sur vos sarcasmes contre Légion et ses membres et m’intéresserai aux vérités.

Légion a obtenu, de façon remarquable, le bout de caillou qui nous sert de Capitale. Tout le monde s’accordera à dire que ce fut un jeu rondement mené. D’abord parce que nul, en Songe, ne s’est aperçu de ce qui se tramait dans les couloirs de l’Assemblée et aussi, parce que nul, en Songe, n’a proposé mieux qu’Eliad, si ce n’est notre plus illustre opposant Asclépios.

Où donc étiez-vous, Lorendoras, alors que Songe construisait son avenir ? Dans votre harem sans doute….à roucouler pour votre plaisir personnel au détriment d’autrui et surtout, de votre peuple !

Je crois, tout simplement, que vous êtes le seul à persister dans ce raisonnement stupide qui consiste à exposer une vision erronée des puissants de Songe.

Pourquoi ? Parce que vous ne vous êtes pas mêlé à la foule, vous n’avez pas su vous intégrer correctement alors que vous aviez toutes les possibilités. Dois-je vous remémorer, Empereur, que nous sommes tous deux natifs du Secteur IV, tout comme Maximus et Bud Willis ?

Légion n’a jamais détruit personne et, les individualités qui la compose sont certes démoniaques mais respectent le principe méritocratique qui a été ratifié à la majorité.

Alors, vous me faîtes sourire quand vous vous posez en Martyr d’une cause qui n’a aucune raison d’être.

L’heure est à l’union et non pas aux pitreries. J’en ai eu vent des guerres en Eveil, Devenir, Espoir et Eternité, croyez-moi, Songe est un modèle pour tous et, Légion, continuera, coûte que coûte, à défendre Notre avenir contre l’envahisseur, à qui nous pouvons désormais donner un nom : Le Maestro.

Alors, Empereur lâche, ne soyez pas fier de ce que vous êtes mais au contraire, ayez-en honte !

Légion, aux côtés de l’APLF continuera à protéger Songe, que cela vous plaise ou pas.

Pour finir, je ne vous ai jamais demandé allégeance, mais, une personne censée m’aurait accordée un minimum de respect pour ce que j’ai fait pour vous. Il est juste pitoyable de cracher dans la main de celle qui vous a nourri.

Ne vous y trompez pas, Lorendoras, votre mort n’est pas le fait de Légion mais bien du votre.

Que votre âme vienne abreuver mon maître.’

Amicalement Cdt Toxik.

Ragnhild était apparue, tout du moins son hologramme, car elle se trouvait dans une autre galaxie, loin, très loin d'ici.

L'hologramme disparut, l'écho de la voix cassante de Ragnhild résonnant dans la salle vide.

Lorendoras se tenait seul dans la salle du trône, prêt à émettre ce qui serait probablement sa dernière intervention sur l'Assemblée Galactique. La terre tremblait sous ses pieds et le mur en arrière plan montrait déjà de grands signes de faiblesses. Malgré le brouhaha, Lorendoras, bien que passablement émêché, reboutonnait son veston.

Il s'apprêtait à commencer son allocution lorsque son fidèle chambellan se pencha vers lui, en faisant un signe de tête en direction de son pantalon:

L'Empereur haussa les épaules, mais zippa sa braguette conscienscieusement, remit en place son col, inspira un grand coup et commenca:

L'Empereur eut un bref moment une pensée pour la Coalition Coeur de Chien, réduite en cendres par la Légion, puis la chassa de son esprit. Il ouvrit la bouche pour continuer quand un bruit assourdissant résonna dans le palais. Pendant un instant, on ne vit plus à l'écran que de la poussière puis celle ci se dissipa pour laisser apparaître Lorendoras, s'étouffant presque.

L'Empereur eut une moue de dégoût puis acheva:

‘Empereur Lorendoras, je ne vais pas répéter ce que j’ai dit plus haut, j’en ai marre de rabâcher surtout que le Commandant Stormbringer m’a parfaitement relayé.

Je ne répondrai pas non plus à vos attaques personnelles et votre interprétation complètement loufoque de mon caractère. Je vous trouve d’ailleurs bien présomptueux.

Mais, juste une chose :

Si nous étions les tyrans que vous dénoncez stupidement, pourquoi ne pas proposer une alternative politique ? Pourquoi ne pas travailler sur un projet tendant à renverser le pouvoir en place ? Pourquoi se contenter de critiquer plutôt que de construire ?

Je vous l’accorde, il est bien plus simple de détruire le travail des autres que de s’investir dans la vie galactique…..Je comprends votre manque de courage.’