S'il était dans les habitudes de Séverine de donner une chance à chaque civilisation et, plus que tout, à chaque individu, il est aussi tout à fait notable qu'elle fait généralement de son mieux pour contenir certains accès de mépris. Tant pour des soucis d'image diplomatique que par politesse.

Et puis parfois il y a ces situations si uniques dans leur étrangeté, si exceptionnellement curieuses qu'elles arrivent à faire tomber le masque.

Ou pire encore, à pousser la syndic-suprême à momentanément l'enlever. Ainsi, lorsqu'elle activa son communicateur pour répondre à la demande, le mépris était présent.

En fait, il était même palpable.

La syndic ne dit d’abord rien, rehaussant ses lunettes sur son nez comme si elle cherchait un moyen de formuler ses mots en conservant un degrés raisonnable de politesse, puis pencha la tête sur le côté, fronçant légèrement les sourcils.

Elle cligna des yeux, se passa une main dans les cheveux et fit claquer sa langue contre son palais, puis la communication prit fin.

Ce fut à l'hologramme de Centz d'apparaître. Il semblait lui aussi être concerné par cette histoire.

Attestant des propos de ce cher Ougrah, sa réaction fut très froide, quoique navrée, et traduite au travers de cette injonction dite sur un ton vraiment très fataliste.

"Oh."

Il se gratta ensuite le menton, puis d'un geste d'index, réajusta ses lunettes.

"Je vois que nous avons affaire à un spécimen très spécial. Tout du moins c'était ce que sa mère devait lui dire pour le rassurer avant qu'il ne la mange. Ou quelque chose du genre.

On ne me la fait pas : je sais qu'il l'a fait. Regardez, ça se voit à son visage. Comment peut-on avoir l'air aussi vilain."

Il considéra ses propres propos, se taisant donc, puis finalement, reprit la parole.

"Voyez-vous, la civilisation que je m'évertue à représenter - pour ce qu'elle vaut - dispose tout de même de droits et de devoirs sociaux.

Ainsi donc, Ougrah - vous me permettrez cette remarque, s'il vous plait - il est hors de question que vous entriez en ce secteur qui est le notre pour commencer à massacrer tout le monde avant d'étaler vos grosses bites d'Ougrans partout, puis de les faire bouffer ou sucer jusqu'à sang, enfin bref, vous avez l'idée."

Il fixa - holographiquement - son interlocuteur avec un air vraiment navré.

"En bref, allez bien vous faire enculer."

"Mmmh oui. Oui, oui. Tout à fait. C'est ça, ougrahougrah, c'est ça. Brave bête.

C'est à se demander comment ces dégénérés ont atteint les technologies spatiales..."

Centz se pinça les lèvres. Il avait eu affaire à bien des échanges compliqués dans sa vie, et celui-ci en faisait parti.

"Vous êtes peut-être "OUGRAH COLERE" et quant à moi je suis peut-être "OUGRAH MOCHE", d'accord, j'ne dis pas l'contraire, mais... Sans déconner, je n'ai pas suivi de cours de zoologie en option de culture G à la fac, donc comprenez que je ne comprends pas grand chose à vos propos certainement constitués d'une longue dissertation philosophique argumentative tout à fait discursive et digne des plus grands penseurs de notre ère.

Mmmh bref. On ouvrira peut-être notre secteur d'ici là qu'on aura érigé des SPA pour vous accueillir. Qu'en dites-vous, monsieur ? Êtes-vous toujours OUGRAH COLERE ?"

"Et tu comptes me faire quoi au juste, mis à part gueuler ton nom en boucle comme un pokémon dégénéré ? Me prendre une planète ? Deux, tout au plus ?

Allons, faut être raisonnable deux minutes. Commence donc par retourner chez ta mère histoire de voir si j'y suis, ça te fera un bon point de départ à tes recherches."

Xylia cherchait désespérément à quitter le secteur 10, le coin le plus reculé et le plus assommant de la galaxie. Sa vie en dépendait, car elle risquait de mourir d'ennui d'un jour à l'autre. Elle vit en Ougrah un sauveur potentiel.

L'autre commandant eut l'air proprement affligé.

"Je... Je... Y'a des jours je sais plus quoi penser."

Et il déconnecta son affichage holographique.