[radio]Autorisation d’entrée sur le territoire souverain de la République Ganeshienne accordée. Autorisation d’atterrissage à l’astroport de Castir autorisée. Veuillez suivre les consignes de la tour de contrôle. Dans le cas où les mensurations de votre vaisseau ne seraient pas aux normes, veuillez nous en informer avant d’atterrir. Dans le cas contraire, atterrissez sur la plateforme 4.3 B.[radio]

"Spielton ! Pour la troisième et dernière fois, ce sont des alliés ! Pas des sortes de... Barbare en pagne armés de lance et de pierres ou que sais-je encore: Des alliés ! "

"Des aliens, très chère. Des aliens. La nuance ce situe dans les quelques lettres séparant le "Al" du "S" final."

"Quand bien même, ils ne sont pas humain. Et alors ? Le Dominium compte aussi des citoyens non-humains depuis notre expansion !"

"Seriez-vous en train de dire, je ne fais qu'envisager cette possibilité notez-le bien, que les aliens étrangers et nos propres Xenos sont comparables ?"

"Vous savez très bien ce que je veux dire."

"Tout ce que je cherche à exprimer, Alice, c'est qu'il serait vraiment dommage qu'il vous arrive quelque-chose là-bas."

"Spielton, quand bien même ils seraient malveillants, jamais ils ne me feraient du mal. Ce serait donner au Dominium une excellente raison d'entrer en guerre contre eux et de saisir leurs planètes."

"Changeant ainsi les bourgeons malades leur servant de mondes en jolie petites fleurs d'immortelle idéologie, oui. A bien y repenser, il ne nous reste plus qu'à espérer qu'ils vous fassent du mal."

"Vous êtes fatiguant."

"Vous me manquerez aussi, Alice."

Court silence. Soudainement, l'air grave de la diplomate se fractura pour laisser place à un rire franc. Même s'il lui arrivait assez souvent d'être en parfait désaccord avec son collègue, elle l'appréciait comme un ami. Un ami agaçant, absolument fanatique et parfaitement dérangé, mais un ami. Ce dernier le-lui rendait bien, à sa manière. Se redressant, l'homme au monocle fit claquer ses talons et tendit une main vers le ciel.

"Prenez soin de vous, et vive le Parti."

"Vive le Parti."

Elle fit mine de le contourner mais se stoppa soudainement.

"Oh, et Spielton ? Ne faites pas n'importe quoi à l'Assemblée, je sais que vous devez me remplacer, alors soyez sage, compris ?"

"Je vous demande pardon ?"

"Écoutez, je sais que vous n'êtes pas diplomate de métier, et..."

"Alice ! Là vous commencez à m’être sincèrement désagréable ! Prenez votre navette et restons-en là, voulez-vous ?"

"Ce que j'essaye de dire c'est qu-..."

Il secoua la tête et l'attrapa par les épaules, la poussant vers les portes encore close du vaisseau. Comme le sol était exceptionnellement propre, au moins aussi lustré que les bottes d'Alice, cette dernière glissait dessus. La vision avait un petit quelque-chose de coquasse qui poussa les soldats en faction à encore un peu plus détourner le regard.

"Hop ! Allez ! Du vent, vous allez être en retard si vous continuez à perdre du temps comme ça ! Du vent vous dis-je !"

____

Pour beaucoup de personne, la question "Comment faire pour rejoindre un secteur fermé" ne peut pas recevoir de réponse réellement enrichissante. Tout au plus des "On attend qu'il soit ouvert", ou encore des "On ne le fait pas, crétin". C'était cependant sans compter sur le caractère manifestement très déterminé et jusqu'au-boutiste des ingénieurs du Dominium. Ces derniers s'étaient posés la question, n'avaient pas appréciés les réponses qu'ils avaient mis à jour et, de fait, s'en étaient taillés une nouvelle dans la science et la technique.

Concrètement, à l'image du bourdon, l'ingénieur de Kaiserde, refusant d'admettre qu'il ne pouvait pas voler en secteur fermé, le fit.

Et ça, c'est beau.

L'Aiguille, c'était le nom du petit miracle technique né de leur incapacité à accepter l'échec. Un vaisseau hors de prix, fragile et, de fait, absolument inutile. On en était à un stade ou le type de propulsion utilisé, bien qu’extravagamment rapide (car jouant avec la trame même de l'univers) ne permettait tout simplement pas de communiquer avec l'extérieur tant que le vaisseau avançait.

Pour beaucoup, donc, cet appareil était au mieux une jolie pièce de collection, au pire une farce incroyablement couteuse. Un truc un peu étrange que le pôle Recherche et Développement avait créé un soir de cuite, un miracle technologique sans intérêt, un gadget, une folie. En bref un engin que personne, sous aucun prétexte, n'irait jamais utiliser.

Puis un beau jour, une officielle importante du Parti était arrivée, mains dans le dos, et avait fort poliment demandée à l'utiliser. Au début beaucoup avaient trouvé ça amusant, voir même charmant. Puis rapidement, alors qu'on comprenait qu'il ne s'agissait pas d'une blague mais bien d'une demande sérieuse, la paranoïa propre au peuple de Kaiserde avait reprit le dessus.

Quoi ? Partir seule ou presque dans un secteur fermé ? Sans soutient possible de l'armée ? Dans une telle coque de noix ? Mais c'était impensable ! Inacceptable, totalement dingue ! De la folie ! Ni plus ni moins !

...

Alice étant au moins aussi déterminée que les ingénieurs du Dominium, et ayant avec ça quelques pouvoirs politiques en plus, elle avait tout de même fait en sorte d’affréter l'aiguille, s'embarquant pour un long voyage extra-systémique, le tout dans un confort plus que spartiate. Accompagnée en tout et pour tout de trois livres et deux soldats, dans l'impossibilité totale de communiquer avec l'extérieur, elle s'était globalement ennuyée ferme.

...

Autant dire que lorsque l'ordinateur de bord lui annonça d'un ton joyeux qu'elle était arrivée en orbite de Ganesh DC, la jeune blondinette avait bondi de joie.

Pas trop haut, non-plus, histoire de ne pas se prendre le plafond du vaisseau.

"Madame."

"J'ai entendu. Descendez."

L'Aiguille, qui jusque-là était située en orbite fixe, entama une descende étonnamment gracieuse à travers l'atmosphère de la planète. En fait, le vaisseau en lui-même était étonnamment gracieux. Fin et long, comme l'indiquait son nom, il avait un blindage rouge et blanc, peint selon des formes géométriques harmonieuses. Pour qui ne connaissait rien au Dominium, ce vaisseau pouvait avoir l'air d'être une simple navette diplomatique long courrier.

Ce qui, quand on y pense, était très exactement le cas.

La navette, donc, exécuta une descente des plus gracieuse. Approchant à vitesse décroissante de la piste, elle corrigeait sans cesse sa trajectoire de manière à rester bien alignée face à la haie d’honneur. Lorsque le vaisseau se retrouva juste au dessus du tarmac, il cessa d'avancer et se posa à la verticale sans émettre le moindre bruit si ce n'est celui de ses lourdes suspensions. Il resta ainsi immobile et silencieux durant quelques secondes puis enfin, une rampe attachée à son ventre s'abaissa, dégageant un petit nuage de vapeur lié au sas de décompression.

Finalement, la délégation du Dominium se présenta.

Une jeune blondinette habillée en commissaire politique et deux soldats en armure intégrale, portant chacun un étendard du Dominium et aucune arme apparente. Descendant la rampe avec la prestance d'une impératrice, Alice observa la haie d'honneur puis fixa son regard sur les officiels républicains, exécutant alors un salut réglementaire: Talons serrés, bras droit tendu vers le ciel. Elle resta ainsi quelques secondes puis rabaissa son bras et avança en direction Migwel. Sa démarche était cadencée comme le tic tac d'une horloge, chaque pas suivait le précédent avec une régularité égale. A côté de ça, elle affichait un large sourire jovial. Il était amusant de noter que le tempérament même de la diplomate semblait en contradiction partielle avec le caractère définitivement strict et protocolaire du Dominium de Kaiserde.

"Quel plaisir d'enfin vous rencontrer en chair et en os ! Et quel honneur de voir tant d'efforts déployés pour m’accueillir ! Réellement, je suis charmée."

Son ton était guilleret, peut-être même un peu enfantin. Cependant il était clair qu'elle ne mentait pas et enjolivait à peine: Le Dominium ne se serait sans doute pas donné autant de mal pour un simple diplomate étranger, elle ne s'attendait de fait pas à grand chose si ce n'était à une poignée de main cordiale et à quelques compliments d'usage.

Ceci dit le Dominium était notoirement xénophobe, les aliens, paradoxalement, l'étaient beaucoup moins.

C'était un point de détail qu'Alice n'avait pas encore complètement assimilé.

"Quel plaisir d'enfin vous rencontrer en chair et en os ! Et quel honneur de voir tant d'efforts déployés pour m’accueillir ! Réellement, je suis charmée."

Ah ! L'inévitable serrage de poigne-présentation de subalterne ! Un moment qui pouvait, en fonction des races et des jours, se montrer désagréable, instructif ou tout à fait charmant. Cette-fois ce plus plutôt charmant. Malgré leur sature et leur apparence, les ganeshien étaient très sympathique.

Ainsi, bien que ne disant au final rien ou pas grand chose, Alice rendit au mieux les honneurs qu'on lui fit. Elle salua le Porte-Parole en s'inclinant légèrement, prit un air humble lorsque ce dernier la complimenta, insista auprès du Maire de Ganesh DC sur le fait que les honneurs étaient partagés (malgré le côté éminemment anonyme du dit maire, à l'internationale)...

Lorsque Migwel prit enfin la parole pour lui proposer le programme de la visite, Alice accepta avec enthousiasme toutes les propositions qui lui furent faites. Déjà car elle avait envie de visiter ce monde inconnu, surtout après avoir passé plusieurs jours dans l'Aiguille, ensuite car le président y mettait tant d'effort qu'elle n'avait pas le cœur à lui refuser quoi que ce soit. Claquant des doigts, la kaiserdien invita ses deux gardes du corps à s'approcher, ce qu'ils firent dans un ordre parfait.

"Mes hommes indiqueront aux vôtres quelles affaires transporter. Après tout je n'ai pas besoin d'eux puisque vous me faites l'honneur d'assurer ma protection avec vos propres services."

Elle lança un bref regard aux soldats, comme pour s'assurer qu'ils avaient bien compris, et les renvoya à la navette. Il s'agissait des deux mêmes militaires qui assuraient sa sécurité à l'assemblée, derniers survivants d'une escouade dont l'histoire s'était terminée dans le sang alors même que les premiers peuples arrivaient à l'assemblée. Une histoire de révolution. Comme Alice s'était battu avec eux, elle avait exigée d'en faire ses gardes personnels. Et même s'ils ne parlaient jamais que pour répondre à des questions bassement techniques ou à des ordres, elle les appréciait réellement. D'une certaine manière, c'était réciproque. Garder Alice était un métier relativement facile, relativement plaisant et plutôt flatteur dans un CV de vétéran.

"Dites-moi, vos alliés du Pacte ont-il put se déplacer ? Vous aviez émis l'hypothèse qu'ils seraient peut-être présent, et je suis assez curieuse de les rencontrer. Oh ! Si jamais ils ne désirent pas me rencontrer cela ne fait rien, je demande pas simple curiosité."

"Allons, allons. Pas besoin de regret: J'ai annoncée être curieuse de rencontrer vos alliés, pas que c'était essentiel, et encore moins que je prendrais une absence de rencontre comme une insulte grave: Tout cela dépend de toute façon de circonstances extérieures à votre contrôle direct, alors..."

On lui avait demandé de changer de sujet, mais elle avait tenu à rassurer le président. De toute façon, c'était principalement pour rencontrer son peuple qu'elle avait fait le voyage. Avançant au même rythme que le ganeshien, Alice avait observée l'approche des portes avec une excitation croissante. Comme toute officielle diplomatique, elle était formée pour réagir convenablement aux masses de journaliste. En d'autres termes, puisqu'elle était ici pour représenter le Dominium, elle leur offrirait son plus beau sourire. Dans l'état cependant, son sourire était plutôt humble. Elle répondit à Migwel d'un ton un peu gêné, portant une main à sa casquette.

"Et bien, le voyage s'est bien passé. J'ai traversée une bonne distance pour arriver jusqu'à vous. Je ne sais exactement si vous visualisez à peu près la carte de la galaxie, mais le Dominium se trouve dans le fameux secteur I."

Elle grimaça en prononçant cette phrase, consciente que certains commandant voyaient le Secteur Premier comme une sorte d'antre du chaos peuplée de monstres et de fascistes. Sur ce dernier point ils n'avaient peut-être pas entièrement tort, compte-tenu des uniformes officiels du Dominium.

...

"Pour être tout à fait exact, la petite boule de glaise portant le nom de Kaiserde se situe dans le système Quinze, absolument excentré au "Nord Ouest" du secteur (si tant est que de telles indications aient une valeur pour parler d'espace).

Vous savez, ce que vous dites me fait réaliser: J'avais lancée un programme d'éducation visant à rendre public un certain nombre d'informations assez basiques sur la culture du Dominium et sa politique. Peut-être devrais-je vérifier son avancement une fois de retour à Kaiserde. Enfin, ne parlons pas de malheur. Pour le moment je suis ici, en mesure de répondre personnellement à toutes vos interrogations aussi sottes puissent-elles vous sembler, et ça me va très bien !"

Puis, fronçant les sourcils.

"Dites, on dirait que nous allons bientôt nous faire bombarder de flash photographique. Vous êtes d'avis de prendre un air concerné, ou de les ignorer ?"

"Chrysalide est une personne intéressante. Je ne la connais malheureusement pas personnellement, mais je sais que c'est une grande alliée du Dominium."

"J'aime autant éviter les journalistes, à vrai dire."

"Monsieur Ortali a en effet participé à la vie politique Galactique. Pas de manière assez fréquente et marquée pour que je me souvienne exactement de la nature de ses interventions, mais au moins il ne nous a laissé aucun mauvais souvenir. C'est sans doute un homme de valeur. Il est déjà entré en communication avec vous, par le passé ?"