Le bracelet, de son réduit intime, emprisonné entre la paroi textile d'une culotte prolétarienne réglementaire et la toison drue et noire d'une Sinéenne dans la fleur de l'âge, avait commencé à vibrer frénétiquement.

Une petite voix offusquée tentait de se faire entendre.

Abordée par un Fashan et taxée de voleuse : Ming aurait-elle été vue ? Bah, ça n'aurait pas été étonnant ; son job à elle c'était la parlotte, et les choses de ninja étaient du ressort des Kamarades du K.P. Mais elle savait au moins que personne n'oserait fouiller dans ses dessous intimes, pas même un Fashan — et s'il essayait, il allait se manger un scandale diplomatico-féminin dans la poire, parole de Ming. Elle lui sortit donc sa petite réponse, l'air bien détaché. Triomphe intérieur !

Sourire aimable.

Les Gardes Rouges la regardèrent. Moi narrateur, je vous dis qu'ils ne comprenaient pas trop ce qui venait de déclencher un cri hystérique chez leur protégée ; parce que décrypter les émotions d'un Garde Rouge à travers cette armure nécessite un point de vue omniscient. Et j'ai ce point de vue. Toujours était-il qu'un truc venait de la chatouiller et de lui faire faire un bond mémorable. À la hauteur de sa surprise. Imaginez un instant que vous soyez en train de cacher quelque chose de très important et que vous receviez une chatouille au moment où l'on vous attrape. Une chatouille ? Une foutue décharge oui ! En plein dans... oh nom de Lénine...

Deuxième décharge, deuxième bond. Oh le sale petit logiciel. Oh l'horrible pervers. Œdipe était en train de... mais c'était affreux ! Il vibrait façon portable sur silencieux, et tout près de ses délicatesses vénusiennes par-dessus le marché !

Troisième vibration du bracelet-canard de bain. Elle dut se contenir pour ne pas rire nerveusement, mais elle tirait une drôle de tête la Sinéenne. Elle bénit le teint cuivré que ses ancêtres avaient cru bon de lui donner, cet épiderme qu'elle voulait à tout prix échanger contre une peau de lait façon Slavianke ; il avait pour une fois un avantage, celui de cacher comme il fallait et — quand il fallait — le feu qui gagnait ses joues.

Il fallait trouver à tout prix une excuse pour faire passer ce « brrrrrrrr » téléphonique pour... pour... oh l'idée qu'elle était brillante...

« Attendez un instant, je viens de recevoir un appel et si je ne réponds pas c'est ma tête qui va tomber... (elle rit) il m'a causé une belle frayeur ! Adressez-vous à l'Amiral d'Aubefer, Monsieur... ou Madame... ou Mademoiselle... bref ; adressez-vous à celui qui a ordonné la saisie de ce pauvre Œdipe. Pour moi je ne vois pas de quoi vous parlez.

Elle son téléphone d'une poche de son costume située contre son... cœur. Elle espérait que le — ou la — Fashan pensât que les deux sursauts qu'elle venait de faire ne relevait que de la surprise et d'un contact des vibrations avec cet endroit très sensible du corps humain. Elle appuya sur le petit rectangle tactile, appela un numéro au hasard. Ce fut le concierge du Palais du Peuple qui décrocha.

Et elle fit mine de demander à parler au Kamarade Deuxième Confédéré Dragomir, parce qu'elle venait de recevoir un appel de lui et qu'elle n'avait pu décrocher instantanément, et toutes mes confuses Kamarade.

En espérant que le poissonnidé morde à l'hameçon et lui lâche sa socialiste grappe avec prompterie et empressitude.

(le?) fashan semblait arborer une drôle d'expression poissonidée, difficile à décrypter. Ce qui était sûr, c'est qu'il regardait l'entrejambe de son interlocutrice

Et (le?) fashan fit une sorte de sourire bizarre, révélant ses horribles dents pointues.

Une nouvelle vibration vint heurter l'intimité fleurie de la représentante sinéenne. Et tandis que cette dernière tenait en main son portable, une nouvelle secousse se fit entendre depuis son entrejambe.

Nouvelle décharge, nouveau sursaut incontrôlable. Et en pleine conversation téléphonique avec le Kamarade Dragomir que ce mou du bulbe de concierge lui avait vraiment passé. La coupe était pleine, par les poils de la barbiche de Lénine ! Pleine, oui ! P L E I N E U H !

Tout en feignant de continuer à taper la politique discute au Kamarade Dragomir — qui avait compris en deux-deux de quoi il en retournait, parce que le Kamarade Dragomir n'était pas Deuxième Confédéré pour rien, et qu'il comprenait le Sinéen —, elle fit un signe de la tête à ses deux Gardes Rouges. Et puis elle alla vers la sortie parce que hein, bon, il fallait bien penser à faire avancer l'histoire et à s'échapper.

Elle dit au Kamarade Dragomir de ne suuurtout pas quitter et fit deux-trois mots à l'insistant poiscaille. Sourire diplomatique, sourcil froncé, mine sévère : on rigole plus.

Inclinaison à quatrevingt-dix degrés comme seule les descendants des peuples asiat' savent faire — ça doit être un truc de lombaires... — et reprise de la vraie-pas-tout-à-fait-vraie conversation téléphonique avec le Kamarade Dragomir. Elle doit se tirer vite et bien.

D'autant que ce pénible d'Œdipe, non content de n'être pas satisfait de côtoyer l'intimité d'une belle créature, menace d'exploser littéralement dans ses dessous. Et ça, c'est un pépin plus z'urgent que le poisson bipède trop insistant ou que les Tempête trop tatillons dans la salle.

                                                                                                       (Mettez un astérisme ici)

Trente foutus barrages policiers. Elle a dû passer trente foutus barrages policiers dans les foutus couloirs de cette foutue Assemblée avant d'arriver à son foutu vaisseau avec ses foutus Gardes Rouges dans ce foutu spatioport. Chaque fois qu'elle s'est faite arrêter pour contrôle, elle a dû mettre le Kamarade Dragomir en stand-by, montrer son pass diplomatique, sa carte d'identité électronique et sa carte du Parti. Chaque fois, un crétin de policier fier comme un bœuf lui a demandé son nom, répété juste ensuite et re-répété en lisant sa carte, des fois qu'elle l'oublie.

Chaque fois, elle a cru péter comme une baudruche à cause de ce sale petit logiciel qui menaçait de s'auto-détruire à l'endroit qui jamais ne voyait le jour.

Enfin elle entre dans son vaisseau. Le Kamarade Pilote est toujours là ; il sait que s'il s'éloigne trop et trop longtemps il ira rejoindre le rang des disparus-qui-n'existent-pas pour sociale-traîtrise. Ming retire enfin le bracelet prêt à exploser de son jardin secret, sous l'œil médusé — et soudainement trèèèès intéressé — du Kamarade Pilote. Elle le fixe un moment et lui parle, au risque de passer pour une timbrée.

Elle allait l'amener à la Kamarade Dragunova qui en ferait ce que bon lui semblerait — et lui donnerait une bonne petite promotion loin de cette Assemblée où l'on croupissait d'attente diégétique, pour sa peine. Et l'histoire pourrait — enfin — avancer.

Une fois encore Ming Daoping s'envola vers d'autre cieux.

(le?) fashan continuait sa sorte de sourire bizarre, ses horribles petites dents pointues dehors...

*technologie mélangeant un microscopique animal de shalk et de la nano électronique contenant plusieurs virus informatiques