Azalée était dans un état qu'elle n'avait pas su définir sinon par un soupçon de fébrilité, une once de fatigue physique et une ombre d'espoir. Elle se servit un verre de thé froid et se rencogna dans un fauteuil, les jambes repliées sous elle, une posture qu'elle adorait.

Azalée se redressa dans le fauteuil. Elle s'apprêtait à lui tendre la main. Elle l'appréciait plus qu'aucun autre dans ce secteur. Il avait été toujours attentif à ses désirs, il avait proposé plus qu'elle ne pouvait espérer de lui. Elle ferma les yeux un instant. Oui, il était son ami, lointain certes de par sa culture, mais proche par le cœur, ce qui était inestimable.

Un personnage tout fin apparut dans l'antichambre intermédiaire du salon de l'Ecorce.

Le Ma'kxey fit la grimace et grinça des dents. Il fit un pas en direction du majordome.

Voyant son interlocuteur hésiter face à sa requête étrange, il s'avança lui-même à portée de bras. Il fixa les yeux du majordome en fronçant les sourcils, le nez relevé. Lentement, il leva la main et en plia les doigts de façon à ne laisser que l'index et le majeur tendus. Puis, en un éclair, il asséna une petite tape derrière la tête du majordome.

Il adressa un dernier sourire moqueur au personnage fin, interloqué, puis passa le seuil de l'Ecorce.

La richesse de l'endroit était sans égale comparée aux zones de Frondaison qu'il avait pu visiter. Des meubles d'un bois lustré et brillant se couplaient à des éléments végétaux vert sombre en guise d'assises de confort. Le nom donné à cet endroit était assez paradoxal, pensa Kahoaliri, au vu de la douceur qu'on pouvait y ressentir une fois dans la pièce.

Enfin, Azalée se présenta devant lui. Kahoaliri était vêtu d'une ample toge rouge qui lui tombait jusqu'aux chevilles. Les bordures du vêtement étaient surlignées de traits d'or et des inscriptions runiques Ma'kxey étaient cousues d'un rouge très sombre en parallèle à ces lignes. Un motif en forme de long serpent ailé courait sur la longueur du dos de la toge. Un fin cylindre métallique était accroché horizontalement à une ceinture gravée d'argent, dans le dos au niveau de sa taille.

Kahoaliri s'approcha de la Druidesse, et mit un genou au sol en lui saisissant une main pour l'embrasser délicatement. Il se releva et sourit à Azalée.

Azalée invita le Commandant Kahoaliri à s'asseoir, non pas en face d'elle comme pour une réunion formelle, ni tout à côté, elle voulait le voir. Non, elle lui offrit le fauteuil le plus pratique par sa proximité, tout en gardant une distance raisonnable.

Deux servantes l'interrompirent pour poser devant eux une vasque d'eau tiède et parfumée, des linges pour s'essuyer les mains et plusieurs coupes de fruits frais. La Druidesse se lava les mains rapidement, laissant le choix à son hôte d'en faire autant ou pas avant de les essuyer soigneusement et de picorer quelques noisettes décortiquées.

Quand ils furent à nouveau seuls, elle reprit.

Elle lui montra alors la bague d'orteil qu'elle avait acquise.

Le Ma'kxey suivit l'exemple de son interlocutrice et utilisa la vasque d'eau pour se nettoyer les mains, et en profita pour faire de même avec ses pieds, dont les longs orteils lui permettaient également la préhension.

Quand Azalée lui présenta la joaillerie à son pied, Kahoaliri montra d'abord de l'étonnement de voir un bijou à cet endroit. Cet étonnement se changea très vite en curiosité. Il s'approcha, se baissa, et se pencha légèrement en arrière, en appui sur les mains, pour ne pas avoir le regard trop pointé vers le sol. Avec ses propres membres antérieurs, il saisit calmement le pied de la Druidesse, toujours légèrement tendu en avant, afin d'observer l'objet sous d'autres angles.

- Une oeuvre remarquable, en effet. Mais... En disant ces mots, ses pieds caressèrent avec souplesse les flancs de celui d'Azalée. Honnêtement, à part pour le plaisir des choses brillantes, il n'est nulle joaillerie qui puisse vous embellir davantage que vous ne l'êtes. Je doute que le diadème dont vous parliez ne change ma future vision.

Un petit nuage couleur crème se matérialisa sous les fesses du Ma'kxey, puis prit du volume. Kahoaliri put retirer ses mains du sol sans tomber. Le nuage le porta un peu en élévation, puis il se remit en appui sur ses pieds en se redressant, et le nuage disparut aussi étrangement qu'il était apparu.

Azalée avait essayé de ne pas paraître surprise par le fait que son invité se lave aussi les pieds et elle avait essayé de ne pas pouffer de rire quand les poils de Kahoaliri lui avaient chatouillé la plante du pied pour mieux observer le bijou.

Le halo blanchâtre qui avait soutenu Kahoaliri ne lui avait pas échappé non plus. Mais là, elle n'osait pas le questionner. Ils ne se connaissaient pas assez. Elle n'avait pas envie de paraître idiote ou pire, intrusive.

Ayant rentré son pied bagué sous sa robe, elle tendit sa main vers lui paume ouverte.

Kahoaliri ferma les yeux et leva les mains à hauteur du torse pour expliquer sa réponse avec une pose qui en impose.

Puis elle tendit la main vers lui. Percevant l'initiative, Kahoaliri prit la main d'Azalée dans les siennes.

Il approcha son visage de la main de la Druidesse et inspira de façon exagérée une paire de fois.

Ses mains palpèrent à présent le poignet d'Azalée.

Désarçonnée par la question, elle retira doucement sa main.

Elle prit le temps de croquer quelques grains de raisin en lui offrant son profil lisse, puis reporta les yeux sur lui sachant qu'elle n'avait pas répondu totalement à sa question.

Kahoaliri put admirer le profil qu'elle lui offrait. Il se demandait quelle serait la profondeur de la liaison entre la Druidesse et les arbres des jungles si particulières de Wu'on, animées comme d'une volonté propre, si un contact avait l'occasion d'être établi un jour.

Il baissa la tête.

Azalée se leva et alla prendre un gros livre sur une étagère. Elle le feuilleta quelques instants et, ayant trouvé ce qu'elle cherchait, elle le montra à Kahoaliri.

Azalée sourit. Elle lui montrait le cycle de vie de son peuple, imagé, illustré et indemne depuis des lustres.

Kahoaliri était de plus en plus intrigué. Il parcourut les illustrations de l'ouvrage, sans en comprendre les écrits.

Il s'assit à une extrémité d'un canapé en attrapant dans la coupe quelques fruits qu'il ne connaissait pas, et les goûta avec curiosité.