Elle glissa dans l'eau à son tour pour le rejoindre sur l’îlot central. Sur l'eau, les lotus aux couleurs pastels commençaient à émettre une lumière tendre qui se reflétait à la surface du lac au fur et à mesure que celle du jour déclinait... La magie commençait à opérer.

Tous les deux avaient les yeux levés vers la cheminée d'où apparaitrait la colonne lunaire. Le temps, comme eux, semblait figé dans cette attente. Azalée osait à peine respirer.

Elle lui chuchota :

Il posa enfin un baiser sur les lèvres d'Azalée, et leurs joues devinrent écarlates. Avant de pouvoir donner suite à ce mouvement, il s'échappa jusqu'au sac qu'il avait laissé sur l'autre bord du bassin et l'apporta au centre sur l'îlot plat.

Il sortit de l'eau, de longs filets aqueux ruisselant sur son pelage. Afin de se débarrasser d'un peu d'humidité, il plia les genoux puis les détendit violemment, effectuant un saut en l'air magistral. Sa tête vint immédiatement se caler sur son torse, enroulant son dos et le menant dans une pirouette aérienne très rapide qui projeta de l'eau hors de son pelage par la force centrifuge. Le Ma'kxey atterrit sur les pieds et ses mains l'empêchèrent de justesse de tomber en avant emporté par son élan.

Sa queue l'aida à reprendre l'équilibre, et il sortit du sac une couverture végétale moelleuse qu'il étendit sur le sol, avant de prendre quelques fruits parmi ceux qu'il avait cueillis en cours de route.

Elle croqua avidement dans un fruit tout en se calant contre lui. Le baiser avait été d'une douceur qu'elle n'aurait jamais pu espérer et elle avait fait semblant de n'y être pas trop sensible. Seulement les morceaux de fruits avaient du mal à passer dans sa gorge et elle avait tout à coup faim d'autres baisers.

Comment ne pas y succomber ?

Goûter à un baiser était une chose, en assumer les effets en était une autre. Leur premier baiser... le plus beau, le plus doux, la porte à tous les possibles dans leurs esprits et aussi dans leurs ventres.

En effet, par la cheminée de la caverne, on pouvait apercevoir une infime portion du cercle blanc dans le ciel assombri, qui contrastait avec les derniers rayons du soleil qui filtraient par la grande ouverture de la cascade d'écoulement du bassin, baignant les deux amoureux d'une teinte orangée.

Le Corsaire s'assit en tailleur, alors que la Druidesse se mettait sur les genoux pour se placer à la même hauteur. Son bras passa derrière la taille d'Azalée et rapprocha leurs corps. Leurs lèvres furent ensuite attirées inexorablement les unes vers les autres, et ils savourèrent un baiser passionné pendant quelques instants.

Puis Kahoaliri s'immobilisa pendant une seconde. Tout autour d'eux, l'îlot était devenu d'une clarté incroyablement brillante. L'astre lunaire était pile au-dessus d'eux. Il posa son front contre celui d'Azalée, fermant les yeux, l'esprit en paix, profitant du moment.

La lumière argentée coulait sur eux comme s'ils étaient les élus d'une étrange cérémonie. Après le baiser passionné qu'ils avaient échangés, ils étaient figés, front contre front dans une communion intense et silencieuse.

Azalée sentait son pouls battre plus vite et paradoxalement son esprit se vider de toute incertitude. Elle sentait comme des parcelles métalliques se mélanger au fluide vert qui parcourait ses veines. Elle sentait la douce pression du front de Kahoaliri contre le sien. Instinctivement, elle chercha ses mains qu'elle étreignit pour lui signifier que leur union était dorénavant totale.

Puis elle se leva lentement, son corps nu inondé de lumière et tendit les bras vers la manne de cette Lune.

L'astre continuait sa course et la caverne retomba petit à petit dans l'obscurité. Mais dans la pénombre qui s'installait, Kaohaliri put constater que la chevelure noire de la Druidesse s'ornait désormais d'une mèche argentée.

Azalée, inconsciente du changement de sa physionomie suite à cet événement, se rassit près de Kahoaliri.

Azalée avait vraiment envie de dormir, elle n'en pouvait plus et ses paupières se fermaient sans qu'elle y puisse quelque chose. Elle n'avait qu'une envie, se blottir contre lui et récupérer.

Lui, il aurait peut-être souhaité l'apothéose de leur relation... mais elle en était incapable.

Kahoaliri était un peu déçu.

Il la porta avec les bras, l'un sous les jambes et l'autre derrière le dos. La Druidesse semblait apprécier cette fin de parcours dans les bras du grand Ma'kxey. Il marcha jusqu'au hamac et relâcha sa prise délicatement. En se penchant, il remarqua quelque chose d'étrange. L'une de ses propres mèches de cheveux avait changé de teinte pour une couleur blanche argentée. Il esquissa un sourire. Puis il grimpa dans le hamac et s'allongea aux côté de la Druidesse en lui chuchotant :

Son bras enveloppa sa bien-aimée, et il ferma les yeux. Le sommeil vint instantanément et son esprit plongea dans l'inconscient...

Quand il refit surface, le paysage qui l'entourait avait changé. La grotte du Bassin de la Lune avait disparu, laissant place à de grands rochers verdoyants émergeant au-dessus d'un océan de nuages. Quelques bâtiments du temps du moyen-âge technologique Ma'kxey, à l'architecture très typée et aux toits aplatis et élégamment relevés à leurs quatre coins, trônaient parfois au sommet des rocs. Kahoaliri pouvait sentir le vent onduler sur sa fourrure. Ce cadre somptueux semblait s'évanouir à l'horizon, comme si ses frontières étaient instables et vaporeuses.

Une chaleur agréable s'empara de sa poitrine. Une paire de mains s'y étaient posées et les bras auxquels elles appartenaient venaient de derrière lui, l'étreignant tendrement. Azalée chuchota à son oreille :

Il l'avait portée jusqu'au hamac telle une princesse délicate et fragile et elle s'était accrochée à son cou avec bonheur. Puis ils s'étaient endormis, étroitement enlacés, sur les mots d'amour du Ma'kxey pour sa belle.

Comme la première fois qu'elle s'était endormie en sa présence, Azalée se retrouva avec lui dans un rêve étrange... Le sol accidenté et rocheux était recouvert d'une jungle semi-sauvage et des constructions qu'elle ne connaissait pas surplombaient des vallées embrumées. C'était son rêve à lui...

Debout derrière lui, la tête posée entre ses omoplates, elle lui caressa le torse. Ses bras étaient juste assez longs pour que ses mains se touchent. Kahoaliri était très grand et très musclé.

Prise d'une impulsion soudaine, elle lui sauta sur le dos et lui enserra les hanches de ses cuisses fuselées tandis que ses bras entouraient ses épaules. Laissant couler ses cheveux sur le visage de Kahoaliri, elle lui murmura dans un sourire :

Puis elle lui chatouilla l'oreille de petits baisers.

Elle aimait ce jeu : se faire porter comme un fardeau et contrôler sa monture par des injonctions ou des pressions. Il devenait son jouet, mais il n'y avait aucune sensation négative pour aucun des deux. C'était un simple jeu. Kahoaliri était fort et pouvait largement supporter le poids d'Azalée. Mais allait-il consentir à combler ses caprices ?

Azalée attendait un jeu tendre ou une course folle... En tout cas, un acte qui la ferait s'exalter dans cet univers étrange qui n'était qu'à lui.

Ses mains se posèrent sur les cuisses d'Azalée pour bien la maintenir en place, puis il s'élança en avant en sautillant. Ses enjambées faisaient passer l'étrange monture par-dessus les cailloux et les herbes du sommet du roc sur lequel ils se trouvaient. Mais vite, ils arrivèrent au bord du vide.

Il sauta du rebord et tomba dans les nuages. Azalée retint son souffle...

Mais leur chute cessa dès que les pieds du Ma'kxey furent en contact avec la matière nacrée. En effet, on ne le voyait pas depuis le sommet, mais certains petits nuages formaient comme un chemin reliant les îlots rocailleux. Il se retourna et fit un sourire malicieux à sa compagne. Les petits bonds de Kahoaliri les firent franchir la mer de nuages pour finalement arriver là où elle voulait aller. Il se baissa pour laisser Azalée descendre à l'entrée du temple, constituée d'une grande arche sans portes. A l'intérieur, au centre d'une grande salle était disposé un tapis végétal qui servait à amortir les chutes pendant les entraînements physiques.

Elle avait volé accrochée sur son dos, elle avait senti le vent siffler à ses oreilles, elle avait senti les trous d’air et elle avait surtout vu le vide sous eux. Mais ce n’était que de la joie, du plaisir et de l’excitation. Cramponnée à ce dos vigoureux, elle n’éprouvait aucune peur.

Quand il la posa devant le Temple, elle avait encore une main crispée dans sa fourrure.

Elle entra dans le Temple et s'agenouilla sur la couche de feuilles.

Dans le rêve, des lumignons apparurent dans toute la pièce et un prêtre Ma’kxey entra par une porte dérobée qu’ils n’avaient pas vue. Il portait une longue écharpe aux couleurs rouge et or.

Il enroula le tissu autour des poignets de Kahoaliri et d’Azalée, les liant l’un à l’autre, puis il psalmodia une longue litanie dans sa langue. Azalée ne comprenait pas ce qu’il disait, mais elle était empreinte de ces mots qui couraient sous sa peau. Elle sentait leur teneur. Il était question de fidélité, d’éternité, d’amour et de partage.

L’instant d’après, ils étaient à nouveau seuls, entourés de petites flammes vacillantes…

Azalée avait toutes les étoiles dans les yeux. Son corps entier n'était que chaleur et, dans son cerveau les envies et les attentes se bousculaient.