Si Zhyl avait été là il aurait ri, mais Tancred haussa les épaules.

Commandant Soö, notre exigence est donc balayée d'un revers de main dédaigneux ...

C'est Rédemption que vous prenez de haut, vous risquez de vous faire mal en tombant.

C'est pourtant le seul engagement que les trois peuples estimeraient comme un signe de bonne volonté de la part de la coalition Quasar.

Une Assemblée Galactique placée sous l'autorité d'une personne élue dans un cadre républicain, cela vous fait peur ? (c'est bien vous qui évoquiez la peur?)

C'est pourtant très clair, mais je l'explicite quand même afin que tous puissent comprendre notre acharnement à défendre la capitale : ce n'est pas le fait qu'un commandant du Quasar occupe la planète siège de l'Assemblée qui nous préoccupe en tant que tel.

A partir du moment où le processus républicain de sélection par le Quorum se serait bien déroulé, personne ne pourrait rien y redire.

C'est le fait que l'Assemblée chargée de représenter la diversité des civilisations de Rédemption soit placée institutionnellement sous votre coupe qui est tout simplement inadmissible.

Et aussi le fait que vous ne daignez pas même considérer qu'il en soit autrement.

Vous devez avoir bien piètre opinion de votre légitimité ou de votre représentativité pour craindre l'épreuve de l'élection du président de Rédemption.

La capitale placée d'emblée sous l'autorité du Quasar : ce n'est simplement pas admissible.

Point à la ligne.

Votre texte, fort bien pensé et porteur d'espoirs, n'a pas encore été entériné, adoubé, adopté par la galaxie. Il s'agit de l'amender d'ores et déjà pour en faire quelque chose de sérieux et de viable pour nous tous.

Commettriez-vous donc le blasphème de considérer au même niveau votre prose, aussi brillante soit elle, et les tables du Quasar?

Je voudrais terminer en rendant hommage au commandant Hachi, disparu mystérieusement ce jour. Les plus grands douleurs étant muettes, je ne me lancerai pas dans une oraison funèbre interminable, mais je me recueillerai quelques moments avec les personnes qui souhaitent en faire de même.

Neal respecta le recueillement silencieux du Commandant Odelf, puis il monta à la tribune.

Rôle du Quasar dans la Constitution :

Neal se gratta un instant la joue où la barbe naissante le chatouillait un peu.

Neal salua avant d'aller se rasseoir.

Carole s'approcha de la tribune, dansant et virevoltant dans sa robe d'apparat blanche asymétrique maculée de sang. Tournant plusieurs fois sur lui même, sautillant au rythme de la musique diffusée par son habituel serviteur au Ghetto-Blaster.

Dans un geste de salut, Carole souleva bien haut Hasard, douloureusement recroquevillé autour de sa paume, se débattant et tentant vainement de mordre la main de son tortionnaire.

Alors que les débats s'amenuisaient, chacun discutant de sa prochaine allocution, la jeune commandante Olorìn fit son entrée dans la salle. Poussant les lourdes portes, la silhouette longiligne avança de quelques pas. Elle avait quitté ses vêtements masculins et portait à présent une longue robe blanche immaculée épousant parfaitement ses formes et laissant apparaitre au gré de ses mouvements ses longues jambes fuselées, chaussées de haut talons accentuant sa cambrure. Le col Mao et les manches longues faisaient ressortir sa flamboyante chevelure et rehaussaient la force du regard émeraude. Tandis qu'elle avançait d'un pas décidé, gagnant une place libre, nombre de commandants eurent une impression fugitive de déjà-vu. Sensation fugace qui disparut sitôt apparue. Ayant rejoint son siège, elle y prit place, croisant les jambes, et commença son discours d'une voix forte.

"Tout d'abord, de la surprise. Puis de la déception. Je pensais que nous pourrions tous avancer de concert, sans désigner telle personne au-dessus de telle autre. Une galaxie unie sur un même plan. Nous sommes actuellement..." La jeune femme ferma les yeux un moment avant de les rouvrir. "...159 commandants dans la galaxie. Seuls 10 à 15% d'entre nous s'expriment ici. Ce qui fait, en gros, une vingtaine de personnes. Et vous pensez que nous ne pouvons nous entendre pour faire avancer la galaxie vers une paix et une entente galactique ? Sommes-nous vraiment obligés de singer les systèmes passés qui ont montré leur déficience et leur lourdeur ? L'organisation de Rédemption passe-t-elle forcément par une machine technocratique lente et poussive ?

"Bref, vous l'aurez compris, je ne cautionne absolument pas votre Constitution, non pour ce qu'elle contient, mais bien pour ce qu'elle est intrinsèquement. Je ne pense pas que nous ayons besoin de ce gouvernement. Je crois à l'entente entre les peuples et à leur intelligence à trouver des solutions et des soutiens communs. Ainsi, je vous rassure, vous ne m'aurez pas comme interlocutrice, comme gouverneur de mon secteur. Je ne me présente pas. Je reste fidèle à mes convictions." Olorìn se tourna droit vers Söo et planta son regard vif dans les yeux du commandant. "Je vous ai dit un jour que le pouvoir ne m'intéressait pas. Je tiens parole. Que ce soit la tête de la Galaxie ou la tête de mon secteur, je n'en veux pas. Je crois à la liberté des êtres et à leur capacités à avancer ensemble. Sans personne dominant le voisin." La jeune femme embrassa à nouveau la salle entière. "Et si je pouvais vous faire ici des prédictions, je vous dirais même que je sais peu ou prou vers quoi tendra votre gouvernement, si un jour il édicte ses lois. Ce que tout le monde validera, votera comme choix de vie. Et si je devine juste, ce serait une preuve, s'il en est, que ce gouvernement ne sert à rien. Mais chaque chose en son temps...

"J'en viens à la deuxième partie de mon intervention, et c'est pourquoi je vous avais demandé de bien vouloir m'écouter jusqu'au bout. Je vois déjà quelques sourires en coin, et j'entends déjà les railleries fuser... "Olorìn ne sait que critiquer", "elle sera toujours dans l'opposition pour le simple plaisir de contrer le Quasar", "sa coupe de cheveux est vraiment affreuse"... Je vous répondrais simplement que ma coupe ne regarde que moi et me plait ainsi. Pour le reste, j'ai déjà montré que j'étais capable de faire des propositions concrètes, que ce soit ici ou dans mon secteur. Je n'ai donc rien de plus à prouver. Cependant, comme la majorité des commandants semblent s'accorder pour dire que constituer un gouvernement galactique est une bonne chose, je vais apporter ma pierre à l'édifice. Je ne veux pas le pouvoir, certes, mais je souhaite contribuer à l'élaboration d'une organisation galactique.

Sur ces denières paroles, la jeune femme se leva de son siège et quitta la salle.